Valais Libre

31 janvier 2020

Les coopératives sont aussi de notre temps.

Filed under: 1. Lettre québécoise,Uncategorized — vslibre @ 12 h 47 min

Provins pense abandonner son statut de coopérative pour devenir une société anonyme. Cette idée ne me laisse pas indifférent, moi qui ai émigré dans « la ville de la coopération » comme aime à s’appeler Lévis. Le mouvement des coopératives ou des mutuelles plonge ses racines profondément dans l’histoire, mais il me semble parfaitement adapté à notre temps.

« …l’agriculteur ne devrait pas tout attendre des pouvoirs publics, mais, conformément à une saine tradition, il devrait chercher son salut en premier en lui-même, et dans ses organisations… » Ces paroles du président de l’Association agricole du Valais, M. Jules Desfayes, reprise dans le Confédéré du 15 février 1939, n’ont rien perdu de leur actualité.

Il faut que Provins retrouve la lumière pour le bien de la viticulture valaisanne. Source : mondialduchasselas.com

Une crise aux origines de Provins

La fin des années 1920 est une période difficile pour les vignerons valaisans. Ils n’arrivent plus à assumer toutes leurs tâches : cultiver la vigne, produire du vin et le vendre. Devant la concurrence étrangère et la baisse de la consommation, il faut réagir. C’est sous l’impulsion du conseiller d’État Maurice Troillet que plusieurs viticulteurs se réunirent le 11 janvier 1930 à Sion et décidèrent la création immédiate de deux caves.

Ces caves de Sion et de Riddes-Leytron seront rejointes l’année suivante par celle de Sierre, puis en 1932 par celle d’Ardon. Elles prennent le nom de Fédération des caves coopératives valaisannes, puis de Provins en 1937. Le but est d’assurer un prix de vente plus équitable aux producteurs, et de leur offrir des possibilités de stockage et de vinification. 

Cette mission a perduré plutôt bien que mal durant 90 ans. La coopérative s’est attachée à améliorer la qualité, à contrôler la quantité ou encore à populariser des techniques innovatrices. Je ne veux pas trop en rajouter, je ne suis pas là pour faire de la publicité surtout quand je pense que mon grand-père était surnommé « le petit Orsat » en référence à sa petite taille et à sa profession de métral dans les vignes de la maison Orsat. Une allusion que ceux qui ont vécu les grandes années de la concurrence Provins-Orsat ne peuvent pas comprendre.

Lévis, ville de la Coopération

Pour faire le lien avec la ville qui m’accueille aujourd’hui, je vous dirai simplement que Lévis est la ville qui a vu naître et s’épanouir le Mouvement des Caisses populaires Desjardins. Aujourd’hui, les Caisses Desjardins représentent plus de 6 millions de membres, dont 400 000 entreprises, presque 6 000 dirigeants élus et plus de 45 000 employés. C’est la plus importante institution financière du Québec.

Fondé le 9 décembre 1900 à Lévis par Alphonse et Dorimène Desjardins, le Mouvement est né, lui aussi, d’une crise, celle des taux de prêts usuraires qui pouvaient atteindre 3000 % dans des cas extrêmes. Alphonse Desjardins, effrayé par ces pratiques, chercha une solution. Il a correspondu avec les responsables européens, des caisses Raiffeisen entre autres, pour trouver une solution. Une fois encore la coopérative s’imposa et fit et fait toujours le succès de la région.

La maison Desjardins à Lévis. C’est dans cette bâtisse de style victorien qu’est né la première Caisse populaire Desjardins. Source : PM

Mutuelles et coopératives, une manière de se responsabiliser

Les solutions valables au siècle dernier ne sont peut-être pas à jeter aussi vite. La longue tradition suisse des mutuelles, Robert Giroud en parle si bien, témoigne de leur opportunité. Même au XXIe siècle, elles sont une occasion de responsabiliser les utilisateurs.

Avant de jeter le bébé avec l’eau du bain, Provins doit bien peser les conséquences du changement envisagé. Ici, au Québec, le journal Le Soleil pour qui je collabore occasionnellement a trouvé dans la création d’une coopérative, une voie pour surmonter la crise qui a failli l’emporter en fin 2019.

Mais, pour qu’une coopérative fonctionne, il faut que les bénéficiaires s’impliquent et ne laissent pas toutes les décisions aux autorités, même élues par les coopérateurs. Chaque bénéficiaire a la responsabilité d’une partie de la bonne santé de son institution en prônant des choix bénéfiques pour le plus grand nombre. C’est à ce prix que le système est, selon moi, plus performant.

24 janvier 2020

On a tous besoin d’un souverain !

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 8 h 00 min

La décision de Meghan et Harry de se distancier de la couronne d’Angleterre en prenant du recul avec leurs obligations publiques et protocolaires fait couler beaucoup d’encre au Canada. En effet, les jeunes princes ont décidé de venir vivre une partie de l’année dans mon pays d’adoption. L’ancienne colonie est une monarchie constitutionnelle dont la souveraine régnante est la reine Elizabeth II. Je profite de cette occasion médiatique pour vous parler un peu de monarchie qui, vous le verrez, a aussi un lien avec la Suisse.

Vous ne le saviez peut-être pas, mais le Canada est une monarchie et pour avoir le passeport, j’ai dû prononcer un serment : « J’affirme solennellement que je serai fidèle et porterai sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Élizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs, que j’observerai fidèlement les lois du Canada et que je remplirai loyalement mes obligations de citoyen(ne) canadien(ne). »

Même si j’ai prêté serment d’allégeance à la reine Elizabeth II, je suis plus attaché au drapeau du Québec. J’ai tenté de signifier cette préférence lors d’une visite au musée de cire de Montréal. Je ne sais pas si la reine a apprécié. – Source : PM

Un peu d’histoire

Je ne vous cache pas que la première partie de ce serment m’a fait hésiter. Voulais-je vraiment être un sujet de Sa Majesté ? Si j’ai finalement prononcé ces paroles en levant la main droite devant une représentante officielle du gouvernement canadien, c’est parce que ce serment est accompagné d’une charte des droits et libertés qui garantit ma liberté d’expression et ma liberté de conscience.

Le Canada a été fondé en 1867 par l’association de 4 colonies britanniques (Ontario-Québec (Canada-Uni de l’époque), Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse. Il s’est alors choisi un monarque : le souverain régnant en Angleterre. Depuis, le Canada vit sous le même régime politique que sa nation mère.

Le Québec, fondé par les Français au début du XVIIe siècle et conquis 150 ans plus tard par les Anglais, n’a pas vraiment eu d’autres choix que de se soumettre à la couronne d’Angleterre. Aujourd’hui, certains vivent encore douloureusement cette allégeance à un souverain « étranger ».

Le peuple souverain

Mais qu’est-ce que ça veut dire de vivre en monarchie ?  Ici au Canada, surtout au Canada francophone, ça ne veut pas dire grand-chose. On peut voir en été la relève de la garde à la Citadelle de Québec où les uniformes de l’armée canadienne sont les mêmes que ceux de l’armée anglaise. On pourrait se croire à Buckingham Palace.

Plus sérieusement, on a un gouverneur général qui permet aux lois votées par le parlement d’entrer en vigueur en leur apposant « la sanction royale ». Cette signature valide définitivement les décisions prises par le parlement. Quand j’ai découvert cette procédure, j’ai compris la véritable signification de l’expression « le peuple souverain ».

En Suisse le peuple est souverain. C’est clair et connu, mais je n’avais jamais vraiment fait attention au sens de cette expression. Le peuple c’est donc lui le monarque en Suisse ! C’est lui qui valide les lois grâce au système référendaire. Soit il ne dit rien durant 100 jours et la loi peut s’appliquer, soit il dépose un référendum et la population votera… La solution trouvée par nos fondateurs est géniale ! 

Une histoire à préserver

Les Waldstätten se sont unis pour rejeter les juges étrangers, presque 600 ans plus tard, au moment de la fondation de la Suisse moderne, leurs héritiers n’allaient pas se donner un roi ou un président, comme dans les républiques, pour assumer le pouvoir suprême. Ils ont eu le génie de confier cette fonction au peuple.

Vu de l’extérieur, le système politique suisse est très complexe. Chaque fois que j’en parle, on me regarde avec de grands yeux. Comment peut-on confier à tous tant de responsabilités ? Les politiciens n’ont donc aucun pouvoir ? Impossible à imaginer même pour les plus grands démocrates. Ça ne peut pas fonctionner !

Et pourtant oui, ça fonctionne. Certes tout n’est pas parfait, mais quand on voit les dérives des systèmes politiques qui laissent une grande place au pouvoir personnel, je suis convaincu que l’héritage politique de la Suisse doit absolument être préservé. Quant à avoir un souverain, je préfère nettement en faire partie, plutôt que d’y être soumis.

Le prince Harry, sa femme Meghan Markle et leur fils Archie ont décidé de vivre une partie de leur temps au Canada. – Source : Radio-Canada

23 janvier 2020

Huit ans déjà

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 15 h 35 min

Huit ans, huit ans déjà que j’écrivais mon dernier papier dans le Confédéré… En effet, j’ai quitté la Suisse le 4 janvier 2012 pour m’installer au Québec. Le temps passe vite et le monde continue de tourner sans nous. 

Le Confédéré prend un nouveau virage. Lorsque j’ai découvert cette nouvelle mouture sur la page Facebook de mon journal (c’est le lien qu’il me reste avec la distance), un large sourire s’est dessiné sur mon visage. L’aventure continue et j’ai eu envie d’en refaire partie.

En février 2019, j’ai reçu mon deuxième passeport. Je suis aujourd’hui canado-suisse.

Comme si rien n’avait changé…

Un petit message et le tour était joué. J’ai retrouvé rapidement Victor et Catherine, comme si rien n’avait changé. Mais ce n’est qu’une illusion. En huit ans beaucoup de choses ont changé, mais quand on a une impression de permanence, c’est que les changements sont bénéfiques.

Le Confédéré n’est pas seul à donner cette impression de constance, de stabilité, d’intemporalité. Le Valais aussi vu de loin. Il est toujours là avec ses montagnes, son fleuve. Lorsque j’y reviens, j’ai toujours une sérénité qui coule en moi. Le Haut-Lac, le défilé de Saint-Maurice, la tour de la Bâtiaz, Valère et Tourbillon… tout semble immuable.

Et pourtant, quelles différences !

Mais cette stabilité est trompeuse. En huit ans beaucoup d’eau a coulé dans le Rhône. Il a vu passer un gouvernement sans ministre PLR. Il a été témoin de la disparition de l’entente saviésanne (pour donner un exemple municipal qui me touche plus particulièrement).

Surtout, le Valais connaît enfin cette Constituante que nous avions tenté en vain de faire naître 10 ans plus tôt. Comme quoi, il faut savoir être patient. Mais c’est surtout les femmes qui ont été patientes en Valais. Jamais je n’aurai imaginé voir une valaisanne à la tête des armées. 

Loin et si proche.

Tout ça me semble bien loin. Pourtant, durant ces près de 3 000 jours, j’ai jeté un œil quotidien sur les nouvelles suisses et valaisannes. Ce n’est pas un océan qui peut nous déraciner. L’identité est bien plus forte que cela, mais aujourd’hui, je comprends un peu mieux la complexité des migrations, même si la mienne a été volontaire.

Un regard lointain, c’est aussi l’atténuation des détails. Bien des choses me paraissent futiles, vues d’ici. D’autres prennent tout à coup plus d’importance. Les petites choses du quotidien s’effacent devant des problématiques plus durables. Mais la distance peut rapprocher aussi, car elle permet de retrouver l’essentiel. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

Pas si différent ailleurs.

Je vis maintenant à Lévis, une ville juste en face de la ville de Québec.

Le Québec où je vis maintenant semble très différent du Valais. Il n’y a qu’à penser aux vastes espaces, à la population, au climat, au paysage. Malgré cela, les points de convergence sont beaucoup plus nombreux. Au fond, ce ne sont finalement que deux vallées façonnées par une population longtemps ancrée dans la foi catholique et menée par les dirigeants de cette religion.

Je sais, c’est un peu court, mais nous aurons le temps d’en débattre. Car c’est un vœu que je fais par ces lettres inaugurées ici : que le dialogue se noue à travers l’Atlantique et que le débat s’élargisse. C’est pourquoi mon courriel (eh oui j’écris du Québec où les anglicismes sont bannis par la loi) vous est ouvert.

Bonne année 2020 à vous toutes et tous et au plaisir de vous retrouver bientôt.

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