Provins pense abandonner son statut de coopérative pour devenir une société anonyme. Cette idée ne me laisse pas indifférent, moi qui ai émigré dans « la ville de la coopération » comme aime à s’appeler Lévis. Le mouvement des coopératives ou des mutuelles plonge ses racines profondément dans l’histoire, mais il me semble parfaitement adapté à notre temps.
« …l’agriculteur ne devrait pas tout attendre des pouvoirs publics, mais, conformément à une saine tradition, il devrait chercher son salut en premier en lui-même, et dans ses organisations… » Ces paroles du président de l’Association agricole du Valais, M. Jules Desfayes, reprise dans le Confédéré du 15 février 1939, n’ont rien perdu de leur actualité.
Une crise aux origines de Provins
La fin des années 1920 est une période difficile pour les vignerons valaisans. Ils n’arrivent plus à assumer toutes leurs tâches : cultiver la vigne, produire du vin et le vendre. Devant la concurrence étrangère et la baisse de la consommation, il faut réagir. C’est sous l’impulsion du conseiller d’État Maurice Troillet que plusieurs viticulteurs se réunirent le 11 janvier 1930 à Sion et décidèrent la création immédiate de deux caves.
Ces caves de Sion et de Riddes-Leytron seront rejointes l’année suivante par celle de Sierre, puis en 1932 par celle d’Ardon. Elles prennent le nom de Fédération des caves coopératives valaisannes, puis de Provins en 1937. Le but est d’assurer un prix de vente plus équitable aux producteurs, et de leur offrir des possibilités de stockage et de vinification.
Cette mission a perduré plutôt bien que mal durant 90 ans. La coopérative s’est attachée à améliorer la qualité, à contrôler la quantité ou encore à populariser des techniques innovatrices. Je ne veux pas trop en rajouter, je ne suis pas là pour faire de la publicité surtout quand je pense que mon grand-père était surnommé « le petit Orsat » en référence à sa petite taille et à sa profession de métral dans les vignes de la maison Orsat. Une allusion que ceux qui ont vécu les grandes années de la concurrence Provins-Orsat ne peuvent pas comprendre.
Lévis, ville de la Coopération
Pour faire le lien avec la ville qui m’accueille aujourd’hui, je vous dirai simplement que Lévis est la ville qui a vu naître et s’épanouir le Mouvement des Caisses populaires Desjardins. Aujourd’hui, les Caisses Desjardins représentent plus de 6 millions de membres, dont 400 000 entreprises, presque 6 000 dirigeants élus et plus de 45 000 employés. C’est la plus importante institution financière du Québec.
Fondé le 9 décembre 1900 à Lévis par Alphonse et Dorimène Desjardins, le Mouvement est né, lui aussi, d’une crise, celle des taux de prêts usuraires qui pouvaient atteindre 3000 % dans des cas extrêmes. Alphonse Desjardins, effrayé par ces pratiques, chercha une solution. Il a correspondu avec les responsables européens, des caisses Raiffeisen entre autres, pour trouver une solution. Une fois encore la coopérative s’imposa et fit et fait toujours le succès de la région.
Mutuelles et coopératives, une manière de se responsabiliser
Les solutions valables au siècle dernier ne sont peut-être pas à jeter aussi vite. La longue tradition suisse des mutuelles, Robert Giroud en parle si bien, témoigne de leur opportunité. Même au XXIe siècle, elles sont une occasion de responsabiliser les utilisateurs.
Avant de jeter le bébé avec l’eau du bain, Provins doit bien peser les conséquences du changement envisagé. Ici, au Québec, le journal Le Soleil pour qui je collabore occasionnellement a trouvé dans la création d’une coopérative, une voie pour surmonter la crise qui a failli l’emporter en fin 2019.
Mais, pour qu’une coopérative fonctionne, il faut que les bénéficiaires s’impliquent et ne laissent pas toutes les décisions aux autorités, même élues par les coopérateurs. Chaque bénéficiaire a la responsabilité d’une partie de la bonne santé de son institution en prônant des choix bénéfiques pour le plus grand nombre. C’est à ce prix que le système est, selon moi, plus performant.