Dans deux jours, les élections cantonales auront livré leur verdict définitif. La question de la représentativité du gouvernement a pris une acuité particulière cette année, tout particulièrement au deuxième tour des élections au Conseil d’État. Est-ce légitime qu’un parti qui représente 35 % de la population accapare les 2/3 des sièges du gouvernement ? Cette question ne se poserait pas au Québec où le système démocratique « anglais » règne.
3-1-1 ou 2-1-1-1 ? Les formules ont pris le dessus dans les débats du deuxième tour. D’un côté, on a vanté les qualités exceptionnelles d’un candidat. Le canton ne pourrait se passer d’un tel talent. De l’autre, on a mis en avant la nécessaire représentativité d’un gouvernement. Il serait scandaleux de ne pas donner une voix aux principaux partis.
Je pourrais répondre aux premiers que le Valais s’est privé de nombreux hommes (moins de femmes) indispensables au fil des élections. Que serait devenu notre canton, si tous ceux dont les qualités ont été vantées avaient pu faire profiter notre région de leur compétence ? On ne le saura jamais.
Aux autres, je dirais que le système majoritaire est fait pour renforcer la cohésion et la cohérence gouvernementale même si l’usage a voulu que le peuple élise ses représentants en respectant un semblant de proportionnalité. La logique aurait voulu que durant le siècle où les conservateurs possédaient la majorité absolue, ils monopolisent les places. Au fond, ce sont eux qui ont détourné le système.
C’est bien plus simple au Canada !
35 PLR – 62 PDC – 31 Noirs – 2 Jaunes : voilà ce qu’aurait été la répartition des sièges au Grand conseil si on appliquait le système en vigueur au Canada aux résultats du 7 mars dernier… ou presque. Parce qu’il a fallu que j’extrapole et que je groupe tous les élus d’un même district sous la bannière du parti qui a reçu le plus de suffrages.
Car dans le système uninominal à un tour en vigueur au Canada qui a repris le système britannique, les élections ont une saveur particulière. On élit un député par circonscription et le décompte est facile : celui qui a le plus de voix est élu. Un style démocratique facile à comprendre. Nul besoin de calculs compliqués, de proportionnelle à différents niveaux, de longs dépouillements. Un cercle électoral, un bulletin de vote, une croix face au candidat de son choix et est élu celui qui a le plus de croix.
Une représentativité très relative
Les petits partis n’ont aucune chance à moins d’être concentrés fortement dans une seule région. Ce système que j’appelle « anglais » pour plus de commodité a été créé dans un temps où deux partis s’affrontaient pour la conquête du pouvoir. Dans cette situation, il a une certaine logique. En découpant des cercles électoraux qui regroupent une population relativement égale, on arrive à une représentativité équilibrée.
Mais dans la deuxième étape, celle où l’on élit le gouvernement, ce système « anglais » est beaucoup plus catégorique : le premier ministre est le chef du parti qui a le plus de sièges au parlement. Il va ensuite choisir ses ministres parmi les membres de son groupe de députés. Car oui, dans le système britannique, les ministres sont aussi députés et le restent après leur nomination au gouvernement.
Autres mœurs démocratiques
Je vous parlerai une autre fois de ma surprise sur cette conception « bizarre » de la séparation des pouvoirs. Pour aujourd’hui, je vais m’en tenir à la représentativité. Donc le groupe politique qui a le plus de députés gouverne. De manière majoritaire s’il a une majorité absolue au parlement ou minoritaire si sa majorité n’est que simple au législatif.
C’est pourquoi il arrive que l’on connaisse des élections anticipées. C’est ce qui risque d’arriver au Canada où le premier ministre semble vouloir profiter de sa popularité actuelle pour se faire réélire majoritairement. Car, le système lui permet, avec moins de 40 % des voix d’accaparer tous les pouvoirs.
Cette tradition démocratique « anglaise » est parfaitement légitime pour les citoyens canadiens. J’ai un peu de mal à m’y faire. Je sais que mon vote ne vaudra rien aux prochaines élections fédérales. Dans ma circonscription un élu conservateur est un député « indéracinable ». Il fait partie de ce qu’on appelle les châteaux forts qui ne risquent pas de tomber tant que ce député ne décide pas de prendre sa retraite.
Une vraie démocratie
C’est en vivant dans ce type de démocratie qu’on prend pleinement conscience des avantages et des avancées du système helvétique. Loin de moi l’idée de dénigrer la démocratie de mon deuxième pays. C’est incontestablement une démocratie avancée, mais qui ne repose pas sur une représentativité aussi fine qu’en Suisse.
Bien sûr que mon calcul selon les résultats valaisans du 7 mars n’est que fictif, car le fonctionnement démocratique s’adapte au système. Si le Valais vivait sous une démocratie « à l’anglaise », les partis politiques se seraient adaptés et on aurait un autre rapport de force.
La Suisse a choisi un système proportionnel avec l’incorporation des principales forces politiques dans les différents pouvoirs. Le système fonctionne parfaitement pour les élections législatives, mais devrait être amélioré en ce qui concerne l’exécutif. Il fonctionne grâce à un collège gouvernemental. Ce collège doit être équilibré et représentatif pour donner sa pleine mesure.
Une première amélioration simple serait de proposer aux électeurs une seule liste avec le nom de tous les candidats et la possibilité de cocher un à cinq noms de son choix. Il y aurait toujours la possibilité d’élire des candidats d’un seul parti, mais l’effet « liste » serait moins marqué. À la Constituante de jouer, elle trouvera peut-être une solution encore meilleure.