Valais Libre

18 décembre 2023

Quand la langue française grandit le personnage

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 8 h 43 min
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Durant mes vacances automnales, j’ai, comme beaucoup, enfin trouvé du temps pour lire. Dans la diversité de ces lectures vivifiantes, j’ai avalé avec délectation « Une vie sans peur et sans regret », les mémoires de Denise Bombardier. Cette autobiographie me titillait depuis quelque temps. Depuis sa mort, le 4 juillet dernier. Bizarre de penser que cette défenderesse du Québec et de la langue française aient disparu le jour de l’indépendance américaine. Au moins son nom restera à jamais lié à une indépendance…

« Moi, monsieur Matzneff me semble pitoyable. La littérature dans ce pays (la France) sert d’alibi à ce genre de confidence. (…)  Monsieur Matzneff nous raconte qu’il sodomise des petites filles de 14 ans, 15 ans, que ces petites filles sont folles de lui. On sait bien que les vieux messieurs attirent les petites filles avec des bonbons, monsieur Matzneff, lui, les attire avec sa réputation. Mais ce qu’on ne sait pas c’est comment ces petites filles qui ont subi des abus de pouvoir, comment s’en sortent-elles ? Je crois que ces petites filles sont flétries et certaines pour le restant de leur jour. La littérature ne peut pas servir d’alibi. »

En mars 1990 Denise Bombardier surgit à la face de la France avec cette intervention lors de la célèbre émission « Apostrophe de Bernard Pivot ». Elle fut la seule sur le plateau à dénoncer le pédophile qui sous prétexte de littérature racontait ses abominables exactions sur des mineures. L’heure n’était pas encore à la condamnation absolue de la pédophilie. Elle était acceptée, en tout cas dans les cercles parisiens bien pensants.

Le français pour s’élever

Née le 18 janvier 1941 dans une modeste famille du Plateau-Mont-Royal à Montréal, la petite Denise va vite assimiler l’idée de sa mère que l’instruction va lui permettre de s’élever dans la société. Sa mère, va d’ailleurs très vite inscrire sa petite fille à des cours d’éloquence qui lui permettront très vite de parler « à la française ». Dès lors, son destin de femme un peu à part était scellé.

L’évasion dans les livres des grands auteurs va lui permettre de passer à travers une éducation à « l’eau bénite »qui était la norme des années Duplessis au Québec. Elle ne gardera pas de rancœur de cette époque qui passera dans l’histoire de la province comme celle de la « Grande noirceur ». Tout au contraire, elle sera reconnaissante envers certaines sœurs enseignantes qui lui ont ouvert le monde. Sa vie durant, une certaine pudeur issue de cette époque la suivra.

Baccalauréat en art en 1964, maîtrise en sciences politiques en 1971 obtenues à l’Université de Montréal l’amèneront en France pour préparer son doctorat en sociologie. Ce qui sera fait en 1974. C’est donc bien par l’éducation que cette femme issue d’une famille canadienne-française, donc « née pour un petit pain », des « Culbéquois » comme le disait son père, s’élèvera dans la société québécoise et francophone.

Tout naturellement le journalisme

Le simple énoncé de ses diplômes illustre combien sa voie n’était pas tracée d’avance. Mais ces années d’études correspondent à la « Révolution tranquille » qui a transformé le Québec à partir de 1960. C’est tout naturellement qu’elle partagera ses espoirs, ses illusions, ses rêves dans le Quartier latin, le journal des étudiants de l’Université de Montréal. Ses textes souvent engagés, sa vision du monde la fera vite remarquer.

Après avoir joué quelques rôles secondaires au théâtre ou à la télévision, le journalisme lui ouvrira un chemin que la comédie peinait à lui offrir. Elle travaillera près de 40 ans comme pigiste pour Radio-Canada. Trop amoureuse de son indépendance pour se laisser enfermer dans la sécurité d’un train-train quotidien. Durant ce parcours, elle sera la première femme à animer une émission d’affaires publiques au Québec. Elle sera surtout reconnue pour ses qualités d’intervieweuse.

Amoureuse des hommes

Traitée de « mal-baisée » par l’intelligentsia parisienne après son altercation avec Gabriel Matzneff, elle rira de ce machisme. Car si Denise Bombardier fut une féministe de son temps, elle fut aussi une séductrice. Elle rend hommage aux hommes de sa vie dans ses mémoires. Ils ont toujours été des piliers pour elle. Mais, il en a fallu plusieurs pour la suivre tout au long des 82 ans de son parcours.

Je vous fais grâce de toutes les péripéties de sa vie amoureuse. Les plus curieux la liront avec délectation. Deux ont tout particulièrement marqué sa vie. Tout d’abord, le père de son fils Guillaume, le journaliste et animateur québécois Claude Villeneuve avec qui elle se maria deux fois, en 1964, puis en 1976 et divorça définitivement en 1980. Elle se remaria en 1998 avec un Irlandais amoureux de la langue française James Jackson qui fut son pilier des dernières années.

Denise Bombardier était une amoureuse de son Québec. Membre durant quelques années de jeunesse du Rassemblement pour l’indépendance du Québec (RIN), elle s’abstiendra par la suite de militer par rigueur journalistique. Elle dénonça de toutes ses forces le manque d’ambition de ses concitoyens, mais salua les réussites. Ainsi  elle a écrit la chanson « La diva » en 2007 pour la plus célèbre des Québécoises : Céline Dion.

Pour conclure, je reprends les mots du journal montréalais Le Devoir avec qui elle a beaucoup polémiqué. « Une « diva », c’est un peu aussi ce que Denise Bombardier était. Une personnalité hors normes dont le caractère force l’admiration, en dépit des excès. »

14 décembre 2023

Quand le Québec est en grève

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 8 h 41 min
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Le mardi 21 novembre dernier, le front commun syndical a mis sa menace à exécution et 420 000 membres de la fonction publique ont cessé le travail pour trois jours. Dès le jeudi, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) a enchaîné avec une grève illimitée. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la vie de beaucoup de Québécois a été quelque peu perturbée.

« Je ne sais pas si j’arriverai à passer mardi matin, peut-être dans l’après-midi… », m’avait averti la personne qui refait actuellement ma salle de bains. Ce grand-père devait gérer ses petits-enfants pour que ses enfants puissent aller travailler. Lors de mon passage au curling ce mardi matin là, je n’avais jamais autant vu d’enfants derrière les vitres en train d’admirer les exploits de leurs grands-parents.

Les familles québécoises ont dû trouver des alternatives à l’école pour faire garder leurs enfants (car pour pas mal de monde, oui, l’école est une garderie). Toutes les écoles du Québec ont fermé durant trois jours, puis, pour la grève générale illimitée de la FAE, seulement celles avec une majorité de membres affiliés à la FAE.

Des négociations difficiles

Si on en est arrivé là, c’est à cause du blocage des négociations pour le renouvellement de la convention collective des fonctionnaires qui arrive à échéance le 31 décembre 2023. La première offre gouvernementale a été déposée en décembre 2022. Depuis, comme le prévoit la loi, de multiples tables de négociations travaillent. Mais, aucun accord n’a été trouvé. Les conditions de travail et les salaires constituent les principaux points d’achoppement.

Les quelques jours avant le déclenchement de la grève, les déclarations sont devenues plus vives.  La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel demande aux syndicats « plus de flexibilité » alors que son gouvernement a consenti à des hausses de salaire historiques au sortir de la pandémie. Ce à quoi les syndicats ont rétorqué que les 8 milliards de dollars offerts par le gouvernement étaient étalés sur cinq ans et répartis entre plus de 760 000 employés. 

« Ce qui représente pour certains une hausse d’un peu plus de 35 $ par semaine sur leur chèque de paie, précise le syndicat. Tout est relatif. » « Si on ne fait que donner des augmentations de salaire, le quotidien de l’enseignant qui trouve sa classe trop difficile ne sera pas changé, illustre Sonia LeBel. Celui de l’infirmière qui doit faire du temps supplémentaire obligatoire à la dernière minute et qui doit réorganiser sa famille et sa vie ne sera pas changé. » Entre des syndicats qui veulent plus d’argent et un gouvernement qui veut parler conditions de travail d’abord, ça ressemble à un dialogue de sourds.

La fourmilière syndicale

Dans cet imbroglio, il ne faut pas oublier que les interlocuteurs sont nombreux. L’exemple de cette grève est éloquent. Le front commun qui regroupe la CSN, la CSQ, la FTQ et l’APTS, soit près de 420 000 fonctionnaires a entamé le 21 novembre une série de trois jours de grève, qui entraîne la fermeture des écoles et des cégeps publics et ralentit les activités dans les hôpitaux. 

Ensuite, ce fut au tour de la FAE de se lancer dans une grève illimitée avec l’appui de ses 65 000 membres à partir du 23 novembre. Sans oublier la Fédération des infirmières du Québec FIQ qui représente 80 000 infirmières en grève les 23 et 24 novembre. Pour ne rien arranger, certains membres comme les psychologues ne sont pas d’accord avec les priorités syndicales et déposent plainte.

N’en jetez plus, la démonstration est faite que ce système de gestion du personnel n’est pas la plus adéquate. Et encore, heureusement que pour une rare fois, il y a un front commun des principales centrales syndicales. Ce n’est pas toujours le cas, ce qui a amené à des ententes différentes et des conditions de travail différentes selon les affiliations syndicales.

Une gestion d’un autre temps

Au-delà de cette situation ponctuelle qui revient à un rythme régulier, il convient de s’interroger sur la pertinence d’une telle relation entre employés et employeur. Surtout quand l’employeur est l’État. Trop de normes, trop de lois figent un système déjà ankylosé. Ce n’est certainement pas ainsi qu’on va améliorer le fonctionnement et l’efficacité des services publics.

Je n’ai pas de formule magique. En arrivant au Québec, j’ai découvert ces relations syndicales/étatiques basées sur les rapports de force. Elles m’ont décontenancée. Elles ne correspondent pas à ma culture helvétique. Douze ans plus tard, je ne vois toujours pas les avantages. J’en comprends mieux la philosophie. Elles ont sûrement eu du sens à une époque, mais là, il faut passer à autre chose… rester à trouver quoi ?

29 novembre 2023

Legault préfère les chars au tramway, comme les Québécois

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 10 h 26 min
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Il y a deux semaines, je vous parlais de la question des transports en commun dans la ville de Québec. Je concluais en disant que si c’est bien qui paie commande, le tramway de Québec ne verra pas le jour. Je n’y croyais pas vraiment. En citant le métro de Montréal, je montrais comment les politiques se devaient d’être plus visionnaires. Quelques jours plus tard, le premier ministre québécois, François Legault déjouait mon pronostic. Les transports en public ne sont pas pour lui.

« On va donner un mandat à la Caisse de dépôt pour repartir du besoin de mobilité à Québec et nous arriver avec le meilleur projet structurant pour la ville de Québec. La Caisse de dépôt […] a déjà démontré son expertise en matière de transport collectif et […] a livré la première branche du REM. » La ministre des Transports, Geneviève Guilbault a mis les choses au point à la sortie de la réunion entre le maire de Québec et le premier ministre. Quand un leader politique envoie un subordonné au front, ce n’est jamais bon signe.

Une mise sous tutelle de la ville

Si la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) qui est un investisseur institutionnel qui gère entre autres les régimes des rentes du Québec a mené à bien le Réseau express métropolitain (REM) de l’agglomération montréalaise, c’était avec la bénédiction de la mairesse de Montréal. À voir la tête du maire de la Capitale nationale, ce n’est manifestement pas le cas cette fois.

« J’ai eu une très bonne discussion avec le premier ministre, où on s’est parlé tous les deux dans le blanc des yeux — seuls, lui et moi — , où j’ai fait la présentation du plan pour que la Ville réalise le projet de transport structurant qu’est le tramway. Ce n’est pas l’option qu’il va retenir. Évidemment, j’en suis déçu. » Bruno Marchand avait la mine basse en sortant de sa rencontre avec le premier ministre.

Certes, les coûts avaient explosé ces derniers temps, mais la proposition du maire de prendre les choses en main devait relancer un projet indispensable selon moi. Le retrait de ce projet des services de la ville est un affront. Le gouvernement montre qu’il veut tout contrôler, d’autant plus quand ça ne va pas dans son sens. L’autonomie communale chère au Valais est bien loin.

Et maintenant que reste-t-il ?

«On demande à des experts de la Caisse de dépôt d’évaluer le projet de tramway de Québec, qui est passé de 3-4 milliards, à plus de 8 milliards, de regarder d’autres projets possibles: train léger, métro. Mais on veut un projet de transport structurant pour Québec.» François Legault joue au bon gestionnaire et promet de ne pas remettre « aux calendes grecques » la construction d’un réseau structurant à Québec.

Mais j’ai l’impression de revenir plus de dix ans en arrière. Dès mon arrivée dans la province, j’ai entendu parler d’un réseau structurant. Je vous le disais dans ma chronique, le SRB tenait la vedette. Malheureusement, le Service rapide de bus ne survécut pas aux dissensions entre les villes de Québec et Lévis. Déjà trop cher. À ce rythme-là, on ne fera jamais rien, car les coûts ne baisseront jamais.

Pour quelques observateurs avisés, la future solution ne fait pas de doute. La Caisse de dépôt est propriétaire du concept de Réseau express métropolitain. Elle va donc vendre ce REM à Québec. On aura droit à de beaux passages surélevés et comme Québec ne possède pas de tunnel à agrandir comme sous le Mont-Royal, un trou sous le Saint-Laurent pour rejoindre Lévis est presque déjà fait.

Planifier selon l’opinion publique

J’ironise bien sûr! Enfin, je l’espère, car le gouvernement Legault qui amenait tellement d’espérance en 2018, qui s’en est après tout bien sorti de la pandémie, a complètement disjoncté après sa réélection triomphale en octobre 2022. L’arrogance que le bon François s’était juré de combattre de toutes ses forces a finalement vaincu. La défaite dans une partielle en 2023 n’a rien arrangé.

Les revirements, les changements de direction, les déclarations à l’emporte-pièce, les décisions prises sans consultations se succèdent. Un nouveau jeu divertit les journalistes parlementaires : découvrir, à chaque message du premier ministre, qui parmi ses membres du gouvernement était au courant de l’annonce. Souvent la liste est courte et la tête des autres en dit long.

Les gens de la Capitale nationale et surtout de Chaudière-Appalaches (la région de Lévis) sont favorables à un troisième lien routier entre les deux villes, on fait renaître le tunnel dernièrement enterré. Le soutien au tramway s’effondre, on s’empresse de priver Québec de son projet. On le refile à la bien-aimée Caisse de dépôt qui pourra le modifier à sa guise, surtout à celle du gouvernement, en y intégrant, comme par hasard, un lien sous-fluvial pour faciliter la connexion avec Lévis.

En démocratie, le peuple aura toujours le dernier mot, mais les vrais hommes politiques savent que ce n’est pas en suivant sa population qu’on gouverne efficacement, mais c’est en la précédant.

10 novembre 2023

Le Québécois préfère son char au tramway

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 6 h 54 min
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Ces derniers temps, le mot tramway est certainement celui qui est le plus utilisé dans la presse locale de la Capitale nationale. Maintenant que le dernier consortium qui était dans la course pour le construire s’est retiré, le maire de Québec se retrouve bien seul pour défendre ce projet. Sa concrétisation dépend bien plus de la volonté de développer le transport en commun que de toute autre question organisationnelle.

Je vous ai parlé quelquefois des transports publics en Amérique du Nord. Ce fut un choc culturel à mon arrivée au Québec. Je savais que ça n’avait rien à voir avec l’Europe, mais à ce point, je ne m’y attendais pas. Pourtant, depuis dix ans, nous vivons avec un seul véhicule dans le ménage. Une incongruité dans la région.

Depuis dix ans aussi, j’entends parler d’un projet de transport en commun structurant dans la région de la Capitale nationale. En 2011, c’était de SRB qui était à la mode. Un service rapide de bus devait desservir la ville de Québec, ses banlieues et la ville de Lévis au sud du Saint-Laurent. Les plans étaient beaux, les maires complices, que demander de plus ?

Des chicanes, encore des chicanes

La lune de miel ne dura pas. Dès que les budgets se sont affinés, le maire de Lévis a tout d’abord réduit au minimum l’emprise du SRB sur son territoire, juste le temps de traverser le pont, puis a carrément décidé d’abandonner le projet. Le maire de Québec n’en attendait pas moins. Il a vite pris ce prétexte pour abandonner le projet.

Plus facile de mettre la faute sur le chef de l’autre rive que d’oser se dire contre un projet si environnemental. Pourtant, c’est bien plus l’approche des élections et la certitude que la majorité de la population des deux rives ne voulait pas de travaux qui allaient perturber leur circulation qui a sonné le glas du SRB.

Les élections passées, voilà que le maire de Québec qui en était à sa dernière législature eu une vision » le tramway était la solution idéale. Le maire de Lévis qui n’est pas encore proche de la retraite devint le chantre d’un troisième lien entre les deux cités et si possible un tunnel. Québec pouvait travailler seul sur son projet.

Un tramway nommé désir

Oui l’intertitre est un peu bateau, mais ce tramway ne se nommait pas désir pour tous. Les quelques résidents du centre-ville et ceux qui logeaient aux abords du tracé planifié furent les plus enthousiastes. Les habitants des banlieues avaient trop besoin de leur char pour accepter une diminution des voies de circulation ou des places de stationnement.

Tant que le maire Labeaume fut aux affaires les choses avancèrent bon train, la contestation le motivant plutôt que le retenant. Après les dernières élections et l’arrivée d’un maire jeune, sportif et protransport en commun, tout semblait aller pour le mieux. Sauf que faute de discours public convaincant, les opposants s’en donnèrent à coeur joie. Tant et si bien que le gouvernement resta des plus discrets.

Qui paie commande… oui, mais…

Le problème est que tous les paliers de gouvernement sont impliqués dans le financement. Le fédéral a promis d’assumer 40% des coûts et de s’ajuster aux augmentations du budget au fur et à mesure de l’avancement du projet. Pour ce qui est du gouvernement provincial, tout est plus flou. Le premier ministre a promis d’assumer sa part… si les coûts ne sont pas exorbitants.

Reste donc à la ville de Québec de prendre le leadership. Ce que le maire fait bien, mais il semble seul et attaqué de toute part ! Les battus des dernières élections qui la jouaient fair-play tant que Bruno Marchand (le maire donc) restait très populaire, sont extrêmement critiques depuis que les adversaires montent aux barricades. Ils n’oublient pas que l’important c’est le char.

Car finalement si c’est bien qui paie commande, le tramway de Québec ne verra pas le jour. Les contribuables ne semblent pas prêts à modifier leur comportement. Radio-Canada a ressorti un micro-trottoir des années soixante à Montréal. Personne ne voulait du métro prôné par le maire. Il ne servait à rien et on n’allait pas changer nos habitudes pour lui. Aujourd’hui, le métro de Montréal est le deuxième le plus utilisé en Amérique du Nord après celui de New York et les Montréalais n’arrêtent pas de demander des prolongations de lignes.

Le maire de Québec doit donc s’accrocher. Le tramway n’aura que des adeptes quelques années après sa mise en service.

5 novembre 2023

Le budget de l’an 1, une affaire québécoise

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 11 h 50 min
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Le 23 octobre dernier Paul St-Pierre Plamondon (PSPP) présentait le budget de l’an 1 du futur Québec libre. Le chef du Parti québécois remplissait un devoir devenu commun de tout chef indépendantiste qui se respecte. Le premier à faire cet exercice a été René Lévesque en 1973. La réalité comptable de cet exercice fictif est sujette à discussion. Les fédéralistes trouvent que les coûts sont sous-estimés, les indépendantistes le jugent magnifique, mais c’est surtout le premier ministre François Legault qui est sur la défensive.

La première fois que j’ai entendu parler du budget de l’an 1, je me suis dit que ma région d’accueil avait un certain retard. Il y avait 11 ans que le nouveau millénaire avait commencé. Mais non, ce fameux budget est un exercice obligé pour le mouvement indépendantiste. Pas question de convaincre de faire du Québec un pays sans chiffrer précisément son coût. Moi qui croyais que devenir libre était une question de coeur, j’ai dû déchanter.

Un peu d’histoire

Tout commence le 9 octobre 1973 lorsqu’en pleine campagne électorale, le Parti québécois (PQ) innove en présentant le budget fictif d’un Québec indépendant pour l’année 1975-76. Le dévoilement de ce «budget de l’An I» fera la manchette de la plupart des quotidiens de la province. L’exercice avait été mené par les meilleurs économistes de la province, dont Jacques Parizeau qui deviendra premier ministre et passera tout proche de gagner l’indépendance en 1995.

Mais cet exercice est plus que délicat, il risque de discréditer l’option séparatiste. Ce fut le cas en 1973. Le premier ministre d’alors, Robert Bourassa qualifiera le «budget de l’An I» de «créditisme pour intellectuels». L’échec du PQ aux élections qui suivirent ce premier exercice le 18 novembre 1973 fut attribué aux attaques contre ce premier budget. Un autre indépendantiste, François Legault, alors député péquiste s’adonna à cet exercice en 2005. Nous y reviendrons.

Un document sérieux, mais aléatoire

L’étude se divise en deux parties : la première fait l’analyse pro forma des finances d’un Québec indépendant, qui ferait les mêmes choix que ceux d’Ottawa, puis une deuxième qui fait celle d’un pays gouverné par le Parti québécois. Le contenu plus audacieux, selon des observateurs, que celui de ses prédécesseurs a permis à PSPP de faire bonne figure devant tous ceux qui l’attendaient de pied ferme.

Car malgré tout le sérieux qu’on veut bien y mettre, préparer le budget d’un nouvel État est un exercice de funambule. Comment présager du résultat des négociations avec Ottawa, prédire la réaction des partenaires commerciaux ? Depuis que j’ai appris qu’il existait une comptabilité créative pour les entités publiques, je regarde sous un autre œil les applaudissements et les critiques des budgets et des comptes publics.

La possibilité de devenir un pays

Si les premiers budgets de l’an 1 avaient pour but premier de prouver que le Québec avait la capacité financière de s’assumer librement, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les premiers ministres libéraux Jean Charest et Philippe Couillard, mais aussi plus récemment le caquiste François Legault, reconnaissaient qu’un Québec souverain serait « viable » sur le plan économique.

La question est plus de déterminer la pertinence d’une telle « libération. « C’est non seulement pertinent, aujourd’hui, le projet de souveraineté, mais c’est devenu urgent », déclarait François Legault en 2005. Difficile pour celui qui est devenu premier ministre aujourd’hui d’attaquer de front le projet ! Surtout que très habilement, le PQ met en lumière les ratés de l’administration fédérale canadienne.

D’ici au prochain scrutin général, en 2026, le Parti québécois publiera en 2024 une réplique à « l’initiative du siècle », qui fait la promotion d’une forte hausse de l’immigration au Canada. Il dévoilera ensuite en 2025 un livre bleu sur l’indépendance, qui détaillera le modèle de pays qu’il propose, et définira ce qui devrait constituer une « citoyenneté québécoise » avant la campagne électorale.

La question nationale est relancée. Permettra-t-elle un retour au pouvoir des indépendantistes au Québec ? Rien n’est moins sûr, mais le débat pourrait être intéressant.

1 novembre 2023

Cinq ans de légalisation du cannabis au Canada

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 8 h 12 min
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Le 17 octobre 2018, le Canada légalisait la consommation et la production de cannabis. Le premier ministre Justin Trudeau concrétisait alors une de ses promesses électorales phares de la campagne fédérale de 2015. De l’euphorie au catastrophisme, tout a été prédit alors. Force est de constater, cinq ans plus tard, qu’il n’y a pas eu de catastrophe, que le Canada n’est pas venu un pays de débauche, mais que le marché noir est aussi toujours bien présent, sans que la consommation totale n’augmente.

Le gouvernement canadien visait trois objectifs avec cette légalisation : garder le cannabis hors de la portée des jeunes; empêcher les profits d’aller dans les poches des criminels; protéger la santé et la sécurité publiques en permettant aux adultes d’avoir accès à du cannabis légal.

Que permet cette législation?

Le Canada autorise, sous réserve de restrictions provinciales et territoriales, les adultes âgés de 18 ans ou plus de :

  • posséder en public jusqu’à 30 grammes de cannabis légal séché, ou l’équivalent sous forme non séchée;
  • partager jusqu’à 30 grammes de cannabis légal avec d’autres adultes;
  • acheter du cannabis séché ou frais et de l’huile de cannabis d’un détaillant soumis à la réglementation provinciale;
  • cultiver à des fins personnelles jusqu’à quatre plantes de cannabis par résidence à partir de graines ou de semis de source autorisée;
  • fabriquer à la maison des produits de cannabis, comme des aliments ou des boissons, pourvu qu’aucun solvant organique ne soit utilisé pour créer des produits concentrés
  • vendre des produits comestibles et de concentrés de cannabis.

Le Québec a décidé de restreindre un peu ces droits. Ainsi, la consommation de cannabis n’est légale qu’à partir de 21 ans. Il n’est pas non plus permis de produire ou de vendre du cannabis. Le marché a été nationalisé, comme pour l’alcool. La Société québécoise du cannabis (SQDC), une filiale de la Société des alcools du Québec (SAQ), a le monopole du commerce dans la province.

Quels effets sur la consommation des jeunes?

« On n’a pas vu l’hécatombe qui était attendue par certaines personnes. L’usage du cannabis par les jeunes n’a pas augmenté de manière importante, mais n’a pas diminué non plus », explique le Dr Richard Bélanger, pédiatre et professeur adjoint à l’Université Laval au Département de pédiatrie dans un article du Devoir.

Les chiffres de statistiques Canada datant de 2021, un retard dû à la pandémie qui a vu moins de contact entre les jeunes, donc moins d’occasions de consommer, est peut-être existant. Toutefois, au Québec, une étude de 2023 montre que 14% des jeunes de de 15 à 20 ans ont vapoté du cannabis au cours de la dernière année. En effet, aujourd’hui, c’est le vapotage du cannabis qui est le plus problématique chez les jeunes. 

« Ce que la légalisation a peut-être amené, c’est un discours social, ce qui nous permet de lancer plus souvent la discussion avec les jeunes et de faire en sorte qu’ils se sentent de plus en plus à l’aise de parler du produit et de ses impacts sur la santé », croit le Dr Bélanger.

Le marché noir est-il tari?

De nombreuses études montrent qu’un nombre croissant de consommateurs canadiens se sont tournés vers des fournisseurs officiels de cannabis, mais le marché noir existe toujours. Pendant la première moitié de 2023, plus de 70 % de la valeur totale du cannabis consommé au Canada provenait d’une source légale (médicale ou non médicale autorisée), contre 22 % au quatrième trimestre de 2018, au lendemain de la légalisation.

Si en 2018, Statistique Canada estimait à 1 milliard 232 millions de dollars les dépenses pour un usage illégal du cannabis au pays, il ne serait plus que de 577 millions en 2023, selon cette même source. Les chiffres semblent donc indiquer que la solution fonctionnerait de mieux en mieux. Toutefois, l’arrivée sur le marché, en tout cas québécois, des produits à vapoter pour les jeunes risque de modifier la tendance.

Quid de la santé et de la sécurité?

La diminution serait constante depuis l’entrée en vigueur de la législation. Le taux d’infractions liées au cannabis déclarées par la police est passé de 99 par 100 000 habitants en 2018, année de la légalisation, à 28 par 100 000 habitants cinq ans plus tard. Il était même de plus de 220 par 100 000 habitants en 2011.

L’accessibilité du produit a augmenté de façon exponentielle. On recensait huit fois plus de magasins autorisés à la fin de 2020 que deux ans plus tôt au pays. Ce chiffre a encore doublé au deuxième trimestre de 2022, et il serait demeuré stable depuis. Au Québec, on dénombre près de 100 succursales de la SQDC (430 pour la SAQ).

Malgré cela, au Québec, la proportion de personnes ayant consommé du cannabis dans la dernière année a diminué, passant de 19 % en 2022 à 17 % en 2023. C’est également dans la province que la consommation demeure la plus faible parmi toutes les provinces au pays.

26 octobre 2023

Le système politique suisse, fruit d’une longue histoire (4/4)

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 9 h 10 min
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Dernier épisode de la série sur le système politique suisse. Depuis que je vis dans ma nouvelle région, je suis de plus en plus étonné de l’unicité de notre organisation politique. J’en suis arrivé petit à petit à l’idée que notre système est, en partie en tout cas, le fruit de notre histoire, mais aussi de nos mythes fondateurs.

Tout avait commencé bien évidemment sur la prairie du Grütli. Quoi que, une petite escapade vers Divico et Jules César n’a pas fait de mal. Le pacte de 1291, Morgarten, les confédérations des VIII et des XIII cantons, sans oublier la soupe au lait de Kappel, nous amènent à la reconnaissance du pays par les Européens en 1648 dans les traités de Wesphalie. Les deux siècles qui les séparent de la Suisse moderne ne sont pas inféconds. Les diètes, l’intervention française et le retour vers un « ancien » régime mènent à la construction de 1848.

Nous voilà donc arrivés au moment charnière. Là où l’histoire suisse bascule. La confédération devient un pays. La Suisse n’est dès lors plus une confédération d’États, mais un État fédéral. Elle devient aussi la première démocratie stable en Europe.

Moins de deux mois d’écriture

Après la dissolution du Sonderbund, par les armes, une commission de 23 membres (un par canton et demi-canton, à l’exception de Neuchâtel et d’Appenzell Rhodes-Intérieures) entreprend de réviser le Pacte fédéral. La commission de révision tient sa première séance le 17 février 1848, et à peine 51 jours plus tard, le 8 avril, la nouvelle constitution est prête. La version finale fut  rédigée par le  Vaudois Daniel-Henri Druey.  Cinquante et un jours pour rédiger 114 articles. Un peu plus rapide que la constituante qui a remis ses 190 articles après presque cinq ans de travaux.

Il faut dire qu’il est plus facile de travailler à 23 qu’à 130. C’est encore plus simple quand on vient d’écraser par la force ses adversaires politiques. Toujours est-il que le 12 septembre 1848, la Diète fédérale constatait que la nouvelle constitution était approuvée par une majorité de cantons. Il y a bien eu quelques réfractaires comme Obwald, Nidwald, Uri, Schwyz, le Valais et Appenzell Rhodes-IntérieuresPour l’anecdote, ils n’ont accepté aucune révision totale depuis (1872, 1874, 1999).

Fin de l’indépendance des cantons

Les radicaux les plus fervents de la centralisation furent un peu déçus du compromis, car cette première constitution que s’est donnée le peuple suisse résulte d’un compromis. Pour faire un pas vers les cantons qui ne voulaient pas abandonner leur indépendance, on misa sur un système bicaméral sur le modèle américain. Le Conseil des États avec ses deux représentants par canton remplaça la Diète que les plus conservateurs voulaient garder.

Les radicaux auraient préféré une chambre proportionnelle à la population, mais la sagesse leur fit accepter ce nouvel équilibre. Les cantons perdaient leur indépendance tout en gardant leur souveraineté. Ils pouvaient aller plus loin que les principes fédéraux, mais restaient totalement souverains dans les domaines de leurs compétences seules.

Ainsi, les principaux fondements de notre ordre constitutionnel actuel sont fixés. Le Conseil fédéral devient l’organe exécutif avec sept membres qui forment un collège. L’Assemblée fédérale et ses deux chambres (le Conseil national et le Conseil des États) permettent un équilibre entre les représentants du peuple (1 élu pour 20’000 habitants en 1848) et ceux des cantons. Le pouvoir judiciaire est dévolu au Tribunal fédéral. Le principe de la séparation des pouvoirs, la répartition fédéraliste des tâches entre la Confédération et les cantons, des élections libres et les droits fondamentaux des citoyens deviennent les principes essentiels.

« Tout pour le peuple, tout par le peuple » 

Tout le monde n’est pas satisfait de ces compromis, mais ils sont un point de départ plus que solide parce qu’ils respectent de nombreuses procédures historiques. Rapidement il faut un siège solide, Berne étant devenue la « ville fédérale » on y construit le Palais fédéral qui devient opérationnel à partir de 1857. Il faut ensuite unifier les droits de douane qui ne s’appliquent plus entre cantons, la monnaie avec la création du franc suisse et les poids et mesure. On nationalise la poste et le réseau télégraphique. L’armée suisse naît formellement en 1850.

Les premières révisions d’articles constitutionnels sont pour la plupart refusées. Une première révision complète jugée trop anticatholique et trop centralisatrice est re jetée en 1872. C’est donc avec le slogan « Tout pour le peuple, tout par le peuple » que des militants demandent une véritable démocratie directe. Le référendum populaire et l’initiative populaire sont intégrés et acceptés lors de la révision totale de 1874.

SCHWEIZ BUNDESRAT 1848

Cette mouture ne verra pas de révision complète avant 1999. 125 ans, c’est un beau bail pour un texte qui se voulait novateur. 

13 octobre 2023

Le système politique suisse, fruit d’une longue histoire (3/4)

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 9 h 45 min
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Deuxième épisode de la série sur le système politique suisse. Depuis que je vis dans ma nouvelle région, je suis de plus en plus étonné de l’unicité de notre organisation politique. J’en suis arrivé petit à petit à l’idée que notre système est, en partie en tout cas, le fruit de notre histoire, mais aussi de nos mythes fondateurs.

 Tout avait commencé bien évidemment sur la prairie du Grütli. Quoique, une petite escapade vers Divico et Jules César n’a pas fait de mal. Le pacte de 1291, Morgarten, les confédérations des VIII et des XIII cantons, sans oublier la soupe au lait de Kappel, nous amènent à la reconnaissance du pays par les Européens en 1648 dans les traités de Wesphalie. Les deux siècles qui les séparent de la Suisse moderne ne sont pas inféconds. Les diètes, l’intervention française et le retour vers un « ancien » régime mènent à la construction de 1848. Détailler tout cela en une seule chronique serait bien trop ambitieux et surtout bien trop réducteur. Je vous ai donc proposé un voyage en plusieurs temps. Après les débuts de la semaine passée, nous en arrivons à la Révolution française. Les événements parisiens résonnent en Suisse Le massacre de 800 gardes suisses au palais des Tuileries le 10 août 1792 aura bien sûr un terrible écho dans le pays. Mais la Révolution suscitera aussi de l’enthousiasme chez d’autres. Vaud se soulèvera contre le joug bernois. En 1798, la mort de deux soldats français en mission dans le canton provoquera l’invasion des troupes révolutionnaires.L’heure de la République helvétique une et indivisible sonne. Cette logique n’appartient pas à l’histoire suisse. Très vite le pays est ingouvernable et Napoléon lui-même doit intervenir. Les passages des Alpes lui sont précieux. L’Acte de médiation calme les esprits en créant six nouveaux cantons (Vaud, Argovie, Saint-Gall, Thurgovie, le Tessin et les Grisons) et en leur redonnant le pouvoir en 1803. Même le maître incontesté de l’Europe d’alors s’incline devant la tradition helvétique.À partir de 1813, le déclin de l’empereur permet à des armées étrangères, notamment autrichiennes, à prendre pays en Suisse. Le protectorat français devient caduc et Waterloo amènera le Congrès de Vienne qui fixe la Suisse des XXII cantons avec l’entrée du Valais, de Neuchâtel et de Berne. La Diète redevient le petit dénominateur commun entre des régions parfois rivales. Les puissances européennes reconnaissent la neutralité perpétuelle de la Suisse. Le pays trouve alors ses frontières extérieures actuelles. Une guerre civile L’influence française n’en est pas terminée pour autant. La Révolution de Juillet en 1830 et ses élans égalitaires poussent toute une série de cantons à démocratiser leurs constitutions. Le droit de vote se généralise dans les plus progressistes. Des combats ont lieu à divers endroits du pays. Bâle se sépare alors en deux demi-cantons. En 1832 une révision du pacte fédéral introduisant plus de liberté individuelle est refusée. Arrive alors l’heure du Parti radical démocratique qui croit dans les cantons urbains et protestants tout d’abord. Il prône plus de pouvoir central. Les cantons à majorité catholique ne voient pas cette progression d’un bon œil. La fermeture des couvents d’Argovie jette de l’huile sur le feu, tout comme des affaires tournant autour des Jésuites. Les sept cantons catholiques se sentant menacés s’allient secrètement en 1845. Le Sonderbund (alliance particulière en allemand) est né. Les tensions montent et en 1847, la guerre civile éclate. Les Confédérés nomment le général Guillaume-Henri Dufour qui mate la rébellion en quelques semaines. Le sang ne coule que très peu. La Constitution de 1848 s’élabore. Un état fédéral Il est assez paradoxal de penser que ceux qui se faisaient appeler Confédérés furent ceux qui mirent fin à la Confédération au sens strict du terme. En effet, les vainqueurs du Sonderbund élaborèrent une nouvelle constitution qui fut votée le 12 septembre 1848. Quinze cantons et demi l’approuvèrent et six et demi dirent non. Ce que nous appelons aujourd’hui la Confédération helvétique est en fait une fédéra ration.Les cantons perdent ainsi leur indépendance pour devenir des entités souveraines. Au-dessus d’eux, il y a désormais un État fédéral et centralisé. Une union douanière et monétaire voit le jour et remplace les frontières et monnaies cantonales. Dès 1852, le franc suisse circule. Le pays prend rapidement la forme que nous connaissons aujourd’hui.Ainsi, en un demi-siècle de changement presque permanent, les anciens alliés qui géraient des bailliages communs de manière un peu disparate deviennent un véritable pays. Centralisé certes, mais avec une souveraineté locale, issue d’une longue tradition d’administration commune de territoire à nul autre pareil.Reste maintenant à définir les institutions garantes d’une stabilité exceptionnelle et unique. Ce sera pour la semaine prochaine.

Le système politique suisse, fruit d’une longue histoire (2/4)

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 9 h 42 min
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Deuxième épisode de la série sur le système politique suisse. Depuis que je vis dans ma nouvelle région, je suis de plus en plus étonné de l’unicité de notre organisation politique. J’en suis arrivé petit à petit à l’idée que notre système est en partie en tout cas le fruit de notre histoire, mais aussi de nos mythes fondateurs.

Tout avait commencé bien évidemment sur la prairie du Grütli. Quoi que, une petite escapade vers Divico et Jules César n’a pas fait de mal. Le pacte de 1291, Morgarten, les confédérations des VIII et des XIII cantons, sans oublier la soupe au lait de Kappel nous amène à la reconnaissance du pays par les Européens en 1648 dans les traités de Wesphalie. Les deux siècles qui les séparent de la Suisse moderne ne sont pas inféconds. Les diètes, l’intervention française et le retour vers un « ancien » régime mènent à la construction de 1848.

Détailler tout cela en une seule chronique serait bien trop ambitieux et surtout bien trop réducteur. Je vous ai donc proposé un voyage en plusieurs temps. Après les débuts de la semaine passée, nous en arrivons à un premier moment charnière : Morgarten.

La sensation de 1315

Le 15 novembre 1315 au bord du lac d’Aegeri dans l’actuel canton de Zoug s’est joué un premier moment décisif de la construction de notre confédération. Environ 1500 Confédérés battirent entre 4000 et 8000 soldats du duc Léopold Ier d’Autriche, seigneur de la grande famille de Habsbourg. L’événement secouera toute l’Europe. Pour la première fois, des paysans, des « waldstäten »(en français des sauvages qui signifiait à l’époque habitants des forêts) battaient des nobles.

La tradition et la réputation militaires naissaient. Tout s’enchaîne rapidement. La nouvelle confédération et ses velléités d’autonomie attirent. De trois, les cantons vont monter à huit avec l’arrivée de Lucerne, Zurich, Zoug, Glaris et Berne donne une dimension irrémédiable à cette coalition du centre du Saint-Empire qui ne veut dépendre de personne.

Dès lors, pour régler les affaires communes, des diètes servent de gouvernement central. Un gouvernement très peu encombrant. On se réunit, deux représentants par canton, au gré des besoins et dans un lieu qui convient à tous. Pas de capitale, mais des voyages à travers l’alliance.

La médiation mise à l’épreuve

Il ne faut pas croire que tout est facile pour ces intrépides hommes des forêts. Non, les luttes sont régulières pour affirmer son autonomie et refuser les juges étrangers. Mais les principes énumérés dans le pacte fondateur servent de références. Ainsi, lorsqu’en 1481, la diète de Stans doit statuer sur l’entrée de Soleure et Fribourg dans la Confédération, les esprits s’échauffent.

Les cantons campagnards s’opposent aux cantons urbains. La guerre civile menace. Alors, quelques sages se rappellent l’idée de médiation. Et justement, le pays connaît un sage, un ermite retiré du monde pour méditer. Nicolas de Flüe trouvera les mots apaisants et pacificateurs qui permettront, par le convenant de Stans de trouver un compromis. Puis Bâle, Schaffhouse et Appenzell viendront compléter la Confédération qui devient alors celle des XIII cantons.

N’allez pas croire que tout est simple pour autant. La Réforme protestante vient vite envenimer les choses. Les guerres qui vont déchirer l’Europe n’épargnent pas la Suisse. Mais 1291 et ses principes veillent. Ainsi à Kappel en 1529, le bourgmestre de Strasbourg, arbitre reconnu par les belligérants, devant les soldats des deux camps partageant une soupe au lait fait le constat suivant « Vous, Confédérés, vous êtes d’étranges gens ; quand même vous avez noise ensemble, vous restez pourtant unis, et n’oubliez jamais la vieille amitié. »

La reconnaissance européenne

À la fin des guerres de Trente ans et Quatre-Vingts ans, les traités de Westphalie marquent un tournant essentiel pour l’Europe et pour la Confédération helvétique. On se réunit à deux endroits différents pour éviter des esclandres entre belligérants et on met en place des accords entre l’Empire espagnol et les Province-Unies (Pays-Bas), entre l’Empereur du Saint-Empire et la France ou encore entre l’Empereur du Saint-Empire et l’Empire suédois.

Deux éléments passeront à la postérité : la naissance d’une Europe qui prend la forme de ce qu’elle est encore aujourd’hui et, pour nous, la première reconnaissance de la neutralité armée de la Suisse. La Confédération consolide ainsi ses principes fondateurs et peut avancer jusqu’à la Révolution française qui nous occupera la semaine prochaine.

Le système politique suisse, fruit d’une longue histoire (1/4)

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 9 h 40 min
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Dernièrement, j’ai été invité à donner une conférence devant des membres de l’association Québec-France. Il voulait un thème qui relie l’histoire à l’actualité. J’ai profité de l’imminence des élections fédérales pour proposer un sujet autour de notre système politique et profitant du 175e anniversaire de la Constitution de 1848, le développement était tout trouvé. Depuis que je vis dans ma nouvelle région, je suis de plus en plus étonné de l’unicité de notre organisation politique. J’en suis arrivé petit à petit à l’idée que notre système est en partie en tout cas le fruit de notre histoire, mais aussi de nos mythes fondateurs.

Tout commence bien évidemment sur la prairie du Grütli. Quoique, une petite escapade vers Divico et Jules César ne fera pas de mal. Le pacte de 1291, Morgarten, les confédérations des VIII et des XIII cantons, sans oublier la soupe au lait de Kappel nous amène à la reconnaissance du pays par les Européens en 1648 dans les traités de Wesphalie. Les deux siècles qui les séparent de la Suisse moderne ne sont pas inféconds. Les diètes, l’intervention française et le retour vers un « ancien » régime mènent à la construction de 1848.

Détailler tout cela en une seule chronique serait bien trop ambitieux et surtout bien trop réducteur. Je vous propose donc un voyage en plusieurs temps. Mais rejoignons tout d’abord nos trois valeureux Suisses sur les bords du lac qui ne s’appelle pas encore Quatre-Cantons.

« Un pour tous, tous pour un »

Walter Füst, le père de famille uranais, Arnold de Mechtal, le jeune nidwaldien et Werner Stauffacher, le sage schwytyois, se retrouvent donc sur le célèbre herbage au début de l’an de grâce 1291. Après avoir renouvelé leurs alliances antérieures, ils terminent par la célèbre formule que leur piqueront les mousquetaires d’Alexandre Dumas : « un pour tous, tous pour un ».

Est-vraiment comme ça que la naissance s’est déroulée ? Sûrement pas. Qui ferait confiance à un conteur qui narre ces aventures avec deux siècles de décalage ? Aegidius Tschudi a beau être le père de l’histoire suisse, il n’en demeure pas moins suspect. Les événements dataient de 1307, avant qu’on ne redécouvre le pacte fondateur. Et je ne vous parle pas des inénarrables aventures de Guillaume Tell.

Mythes ou réalités, finalement, peu importe même si je plaide plus pour le mythe. L’essentiel est ailleurs, dans les fondamentaux qui se retrouvent soit dans le pacte, soit sur la prairie nationale. Nous avons sur le fameux parchemin trois volontés qui éclairent le présent d’une lumière connue : pas de juges étrangers, médiations en cas de conflits internes et solidarité face à l’étranger par une défense commune.

Quant à nos trois gaillards qui se retrouvent en surplomb des escaliers d’entrée du palais fédéral, ils symbolisent l’union de citoyens proches et différents. Ils vivent les mêmes tourments habsbourgeois, autour du même lac, mais ils viennent de vallées distinctes et leur âge témoigne de la diversité de la population. Comme toujours dans ses histoires Aegidius Tschudi a juste oublié les femmes. Pour le reste, ce pareil, mais différent se retrouve dans nombres d’affaires actuelles.

Déjà du temps des Romains

Mais les aventures de notre fière Helvétie avaient commencé bien plus tôt. Il y a environ 100’000 ans que notre territoire est occupé selon les plus anciennes traces découvertes. Malheureusement, la riche évolution ne nous apprend pas grand-chose sur ce que nous sommes aujourd’hui avant l’apparition de l’écriture.

Il semble que ce soit l’illustre Jules César qui mentionne en premier notre nom. Dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules, dès le premier volume paru en 58 avant J.-C., le chef des Romains revient sur l’exil de ses braves Helvètes. Sous la conduite de Divico, ils veulent émigrer vers l’Ouest pour trouver de meilleures terres. Pour être sûr que cet exil soit définitif, nos ancêtres brûlèrent leurs villes et villages.

Battus par les légions romaines aux abords de la Saône, les 360’000 helvètes sont contraints de rebrousser chemin. César n’accepte pas que des terres sous son contrôle ne soient laissées sans défense. La menace des Germain est trop grande. De cette époque dateraient plusieurs traditions alpines qui ont donné naissance plus tard aux carnavals. Les masques du Lötschental ou d’Evolène viendrait de là.

Cette notion d’occupation du territoire est toujours bien présente dans les préoccupations actuelles. Le découpage en cantons immuables est bien différent des circonscriptions électorales qui causent des maux de tête à bien des pays. La volonté de laisser du pouvoir aux régions périphériques comme aux petites entités relève du même principe. Pour occuper tout le territoire, il faut que chacun se sente bien chez soi.

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