Valais Libre

10 décembre 2021

Le Canadien encore mieux que le FC Sion

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 6 h 04 min
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Qui n’a jamais entendu parler du fameux « Canadien de Montréal »? Le plus grand club de hockey du monde, en tout cas si l’on se réfère à l’histoire, a fait beaucoup parler de lui ces derniers temps. Et pas pour le mieux. Trois licenciements de hauts dirigeants d’un coup, même Constantin n’avait jamais osé. Le premier remplaçant choisi montre que le propriétaire n’a toujours rien compris.

Parlons d’autre chose que du Covid et du fameux Omicron. Le positif de cette pandémie, c’est que l’on connaîtra bientôt par cœur l’alphabet grec. Bon de delta à omicron, il manque quelques lettres, mais c’est à cause des variants inoffensifs. On n’a finalement que le mauvais côté des choses.

Pour aller en finale de la Coupe Stanley, il faut gagner sa conférence. Le Canadien a remporté le trophée Campbell en 2021 qui récompense la meilleure équipe de la Conférence Ouest (ou Nord pour l’année pandémique). Source : Getty Images / Minas Panagiotakis

Un grand ménage 

Je m’arrête, j’ai dit pas de pandémie aujourd’hui. Le directeur général, le chef du recrutement et le chef des communications. Trois pions importants de l’organisation du Canadien ont donc été virés le même jour. Le départ plus que catastrophique de la seule équipe de hockey de la Ligue nationale (LNH au Québec, mais NHL partout ailleurs dans le monde, à croire que nous sommes seuls dans ma nation d’exil à parler français) aura donc causé un petit séisme.

Bon, vous me direz l’entraîneur, le coach comme on dit ici, est resté en place. C’est qu’il est plus bas dans l’échelle dans le monde du hockey nord-américain que dans le football suisse. Les trois licenciés du Canadien faisaient à peu près le travail de CC au FC Sion. C’est vous dire si le coup de balai a été violent.

Pourtant inhabituel

Surtout que la chose n’est pas habituelle dans l’organisation de la « Sainte-Flanelle » (je ne vous ai pas dit, mais le hockey est une religion au Québec). Depuis mon arrivée, il y a bientôt dix ans, il y a eu 4 coachs et Dominique Ducharme qui est derrière le banc est le 35e de l’histoire du club fondé en 1909.

Une moyenne d’un peu plus de 3 ans de durée de fonction. Je n’ose même pas imaginer le résultat pour le banc de Tourbillon. Et pour les directeurs généraux, c’est encore mieux. Marc Bergevin qui vient de prendre la porte était le 17ede l’organisation. Et encore pour le départ, ils étaient deux à agir en même temps. 7 ans de moyenne, donc. J’étais à peine arrivé lors du dernier changement en mars 2012.

Une énorme erreur de jugement

Si le grand propriétaire Geoffrey Molson, un nom qui goûte la bière ici au Québec, a pris cette décision 5 mois après que son équipe ait participé à une nouvelle finale de la Coupe Stanley, 28 après la dernière, c’est à cause d’une faute grave. Et le trio congédié a collectivement participé à une erreur de jugement inadmissible.

En juillet dernier, lors du repêchage 2021, le Canadien a pris un risque incontrôlé. Qu’est-ce que le repêchage me direz-vous ? C’est un peu comme quand on tirait les équipes à l’école, sauf qu’ici, c’est plus organisé. Les dernières équipes de la saison participent à un tirage au sort pour savoir qui choisit en premier. Ensuite, à tour de rôle, ils ont le droit de se réserver un jeune espoir d’un peu partout dans le monde.

Ainsi en 2017, le tout premier choix du repêchage a été le Valaisan Nico Hischier qui joue aujourd’hui au New Jersey. Mais bon, je m’égare. Le Canadien a donc choisi Logan Mailloux en 31e position (il y a 32 équipes en LNH). Pourquoi était-ce un risque ? Tout simplement parce que ce jeune homme ne voulait surtout pas être appelé parce qu’il est accusé d’avoir partagé des photos explicites d’une femme sans son consentement.

Des excuses publiques

À l’heure de #meetoo, vous pensez bien qu’une telle chose ne pouvait passer inaperçue. Malheureusement, le monde macho du tricolore (un autre surnom des héros montréalais) n’a rien vu venir. Il pensait faire une bonne affaire, car les autres n’avaient pas osé choisir ce petit prodige du hockey.

Et il arriva ce qu’il devait arriver. Dès le lendemain, les médias, puis les fans se sont déchaînés. Le grand chef ne pouvait rester silencieux. Quelques jours plus tard, il est apparu contrit devant la presse pour expliquer que ce choix était réfléchi et que le Canadien voulait utiliser cet exemple pour sensibiliser les jeunes aux dérives de nature sexuelles.

Pas très convaincant, vous en conviendrez. Mais bon, un mois après les exploits, même si la coupe a pris le chemin de la Floride, on ne pouvait pas faire le ménage. Mais les responsables ne perdaient rien pour attendre. À voir le regard du boss lors de sa prise de parole, on pouvait deviner ce qu’il allait arriver.

Les partisans ont vite déchanté après les espoirs de retour de la Coupe Stanley. Source : Jacques Nadeau Le Devoir

Une reprise catastrophique

Au début octobre, tout était oublié. Cette année allait être celle de la rédemption, celle qui enfin verrait la Coupe Stanley revenir à la maison. 29 ans après la 25e (un record pas près d’être battu), le temps était venu. 10 matchs et 8 défaites plus tard, le doute s’installait. À l’heure où j’écris ces lignes, 25 matchs, 19 défaites et 6 victoires ont enlevé tout espoir aux partisans.

Tous les spécialistes ont fait leurs calculs, le Canadien ne peut plus participer aux séries. La saison ne compte plus. Les 57 matchs restants ne seront qu’une longue agonie. L’heure était donc propice aux sacrifices des têtes irréfléchies qui avaient terni l’image de l’organisation et de son chef.

Elles furent donc trois à rouler. Le responsable du recrutement qui avait choisi Mailloux, le directeur général qui avait validé le choix et le chef des communications qui ne les avait pas avertis du tollé que ce choix allait provoquer. Ce n’est donc pas les résultats sportifs catastrophiques qui sont importants, mais bien l’image.

Et de ce côté-là, il reste du chemin. Au moment où les scandales linguistiques se succèdent (gouverneure générale, patrons d’Air Canada qui ne parlent pas français), le big boss n’a rien trouvé mieux que d’engager un boss hockey qui ne parle pas un traitre mot de la langue de Molière pour la première fois en 112 ans d’histoire.

Et ce n’est pas parce qu’il n’a pas officiellement le titre de DG que la pilule va passer plus facilement.

3 décembre 2021

Le discours du Trône, un retour vers le passé

En ouverture d’une nouvelle législature, le Parlement, dans le système politique britannique, doit entendre le discours du Trône avant de débuter ses travaux. Conformément à cette tradition un brin désuète, les parlementaires canadiens ont entendu celui lu par la gouverneure générale Mary Simon.

L’huissier, tout de noir vêtu et d’or décoré, s’avance lentement dans la salle des sénateurs. Il leur adresse quelques mots, puis se retourne et ressort lentement. Il suit longuement un tapis rouge dans de multiples corridors qui l’amène devant une limousine aussi sombre que son habit.

Le véhicule le conduit quelques bâtiments plus loin sur la colline parlementaire d’Ottawa. Il vient appeler les députés de la Chambre des communes à rejoindre les sénateurs pour entendre le discours. Je n’ai pas suivi plus loin la diffusion télévisée de la cérémonie. Tout allait trop lentement pour moi. Les comptes-rendus du lendemain ont fait l’affaire.

L’huissier conduit les dignitaires à leur place. Source : Nouvelliste de Trois-Rivières

Les raisons

« Le discours du Trône, avant lequel aucune des deux chambres ne peut amorcer ses travaux, expose les raisons pour lesquelles le Parlement a été convoqué. Il marque la première fois, après une élection générale ou une prorogation, où les trois organes du Parlement — la Chambre des communes, le Sénat et le souverain ou son représentant — se trouvent réunis.

Le discours du Trône expose habituellement de façon assez détaillée les vues du gouvernement sur l’état du pays et donne une indication de son programme législatif. » La procédure et les usages de la Chambre des communes décrivent ainsi les raisons d’exister de ce fameux discours du Trône.

Le français presque sauvé

S’il est écrit par le gouvernement et plus particulièrement par le premier ministre, Justin Trudeau pour le Canada, ce discours est lu par le souverain ou son représentant. La reine Elizabeth II ne faisant pas le voyage outre-Atlantique pour cette occasion, elle est remplacée par le gouverneur général, Mary Simon.

Nommée en été dernier pour remplacer l’ancienne astronaute Julie Payette qui prenait son personnel d’un peu trop haut, Mary Simon est la première femme autochtone à occuper cette fonction. Malheureusement, Justin Trudeau, en la nommant, avait oublié que son pays était officiellement bilingue. Mary Simon ne parlant pas français, l’affront était direct pour le Québec.

Peu de temps avant ce discours, une autre polémique a embrasé les questions linguistiques canadiennes. Le grand patron d’Air Canada a livré un discours uniquement en anglais devant la Chambre de commerce de Montréal. Ce PDG né d’une mère québécoise et habitant depuis 14 ans à Montréal s’est même vanté de ne pas connaître un traitre mot de français.

L’ambiance était parfaite pour Mary Simon qui avait promis d’apprendre la langue manquante. Après une introduction en Inuktitut, sa langue maternelle, la gouverneure générale a eu la décence de lire un quart de son discours en français. La proportion était sauvée. 

« Elle a fait un effort, maintenant je suis consciente qu’elle a déjà appris plusieurs langues, que c’est une femme qui est intelligente et qu’elle va certainement s’améliorer, mais ce stade-ci, je pense qu’il faut souligner l’effort, effort que M. Rousseau [PDG d’Air Canada] n’avait même pas fait, je tiens à vous le rappeler », a déclaré Mme LeBel, présidente du Conseil du Trésor québécois, interrogée sur le français de Mme Simon.

Le contenu

Les origines amérindiennes de la gouverneure générale ont obligé le rédacteur à commencer par rappeler la découverte des tombes anonymes d’enfants dans les pensionnats autochtones. Cette tache indélébile dans l’histoire coloniale du Canada n’a pas fini de venir hanter le premier ministre.

Mais la « priorité absolue », a assuré Mary Simon, demeure le contrôle de la pandémie, et « pour cela, la vaccination est le meilleur outil », a-t-elle indiqué, alors que la campagne d’immunisation pour les enfants de 5 à 11 ans est sur le point de se mettre en branle. Le Canada vient en effet d’autoriser le vaccin Pfizer pour cette tranche d’âge.

Dans la longue énumération des priorités du gouvernement, l’inflation est venue au premier rang. « L’inflation est un défi mondial. Et […] nous devons continuer à lutter contre l’augmentation du coût de la vie. Le plan du gouvernement à cet égard inclut deux priorités : le logement et le service de garde d’enfants. »

Ensuite, notre premier ministre vert qui achète des pipelines ne pouvait s’empêcher de dire que « Notre planète est en danger. Qu’il s’agisse des effets du réchauffement de l’Arctique ou des ravages toujours plus importants des catastrophes naturelles, notre terre et nos populations ont besoin d’aide. »

Enfin,« La violence par arme à feu est en hausse dans plusieurs grandes villes », a regretté Mme Simon, réitérant l’intention libérale d’instaurer un programme de rachat obligatoire des armes d’assaut déjà interdites et d’aller de l’avant « avec les provinces et les territoires qui veulent interdire les armes de poing ».

Justin Trudeau siégeait à droite de la gouverneure générale pendant la lecture du discours du Trône. Source : Patrick Doyle, Reuters

Une procédure désuète

En suivant des extraits de ce discours à la télévision ou en lisant les articles de la presse québécoise, j’ai souvent eu envie de rire. Le plus cocasse était de voir le premier ministre assis à la droite de la gouverneure générale acquiescer de la tête en entendant les mots qu’il avait écrits.

Aux États-Unis, au moins, le discours sur l’État de la nation est lu par celui qui l’écrit, le président du pays. Rien de tel dans le cirque monarchique. Je ne dois rien comprendre aux traditions et aux symboles de mon nouveau pays, car je ne vois que du risible dans cette procédure.

Elle me paraît encourager la défiance envers le monde politique. Comment croire à la sincérité d’une affirmation dite par une tierce personne, même si cette personne a un statut royal. Certes, le décorum est somptueux, fastueux et sérieux, mais il sonne faux au XXIe siècle.

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