Valais Libre

27 novembre 2020

Élections communales, importance de la proximité

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 6 h 26 min
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Les élections communales 2020 ont livré leur verdict. Avec un recul de 6 000 kilomètres, je vais tenter une analyse qui n’entrera pas dans les détails, mais insistera sur l’importance de ce premier palier du pouvoir. La Suisse, contrairement au Québec, à la chance d’avoir un socle local solide qui s’appuie sur des ressources, des compétences enviables. Aux partis politiques de faire en sorte que cette chance soit bien exploitée. Le PLR ne s’en sort pas trop mal.

«  C’est pas parce que c’est local que c’est banal ! » La formule tirée de l’émission satiro-politique Infoman diffusée chaque semaine par Radio-Canada témoigne mal de la place de la politique locale au Québec. Contrairement à la Suisse, les municipalités québécoises n’ont pas vraiment les moyens de servir au mieux leur population. Je vais profiter du bilan des élections communales en Valais pour tenter quelques comparaisons à travers l’Atlantique.

La Une du Confédéré célébrait les nouveaux présidents de Sion, Sierre et Vollèges élus en 2008. Source : Confédéré, 5 décembre 2008

Impôts directs – Taxes foncières

Au Québec, les municipalités sont extrêmement encadrées par l’État. L’État définit différents types de municipalités et leur octroie des droits et des devoirs. Je n’entrerais pas dans le détail, il faut simplement avoir conscience que l’autonomie municipale (on ne parle jamais de commune au Québec) est plutôt limitée. Deux regroupements de municipalités, l’Union des municipalités du Québec et la Fédération québécoise des municipalités plaident la cause de ces administrations auprès du gouvernement du Québec.

Mais le mal le plus grand des municipalités québécoises est leur mode de financement. Elles vivent essentiellement des taxes d’habitation. En effet, chaque propriétaire paie une taxe annuelle selon la valeur de sa propriété. Pas d’impôts directs sur le revenu ou autres pour les municipalités. Le développement des ressources financières dépend presque exclusivement du développement immobilier et industriel. Pas le meilleur moyen de trouver un équilibre.

Il faut dire que les municipalités sont privées de tout pouvoir dans un domaine important pour toutes les communes en Suisse. Elles n’ont aucune prise sur les écoles. Les infrastructures, comme le pédagogique est en main de Centres de services régionaux (anciennement commissions scolaires) qui dépendent directement du ministère de l’Éducation. La bureaucratie étatique dans toute sa splendeur.

Proportionnelle – Équipe majoritaire

La gouvernance de ces municipalités est assurée par un Conseil municipal élu par les citoyens selon le modèle britannique, c’est-à-dire uninominal à un tour. Des partis politiques municipaux, regroupés autour d’un leader, le maire ou quelqu’un qui aspire à l’être, se battent dans des arrondissements pour avoir une majorité. 

Chaque arrondissement envoie un représentant autour de la table de conseil et le maire est élu sur l’ensemble du territoire le même jour. Un candidat non élu à la mairie n’est pas conseiller municipal. Un membre de son équipe doit lui céder la place s’il veut siéger. Souvent c’est arrangé avant les élections. 

Impossible de vivre le charme des deux ou trois tours à la valaisanne. L’opposition a souvent du mal à se faire entendre ou alors, elle est issue d’un arrondissement (un village) qui ne sera pas toujours bien servi par l’administration majoritaire. Les communes valaisannes ont la chance d’être épargnées par ce mal, même si parfois certains villages n’ont pas d’élus.

Valais 2020

Tout ça pour vous dire que j’ai suivi avec délectation les communales 2020. Aujourd’hui, la distance n’est plus un problème. Rhône FM et Canal 9 m’ont permis de vivre en direct la tombée des résultats. Avec le décalage horaire, dès mon réveil, j’ai pu découvrir les premiers résultats et en fin d’après-midi, tout était dit. J’avais dégusté les commentaires du consultant de Canal 9, mon ancien président du PRD\PLR Valais, Léonard Bender. J’ai revécu quelques souvenirs électoraux savoureux entre secrétaire et président. 

En automne 2009, Pascal Couchepin réunissait des jeunes à Chemin pour parler de démocratie et d’efficacité. Source Confédéré, 2 octobre 2009

Le « Grand chelem » de 2008 est revenu mettre du bonheur dans ma tête. Après la vice-présidence d’Évolène avec ma cousine Corina Rong, la présidence de Vollèges avec Christophe Maret, Sierre est tombé avec la victoire de François Genoud avant que Marcel Maurer n’enlève Sion. En écoutant Léonard Bender, je l’entendais me dire que je devais modifier notre communiqué de presse. J’ai enlevé les superlatifs : Victoires radicales suffisait !

Mais laissons de côté la nostalgie et revenons sur ce qu’il s’est passé dernièrement. Je n’ai pas ressenti les mêmes émotions. 6 000 kilomètres de distance et une implication en moins, c’est tout à fait normal. Comme en 2008, beaucoup de communes avaient déjà élu tacitement leur présidence, mais il restait quelques combats. Chalais et Sembrancher ont retenu mon attention. Des femmes PLR à la présidence, ça fait du bien dans un dimanche. 

Puisque je tiens la plume, je ne vais pas me priver du plaisir de saluer les succès de Yasmine Ballay à la vice-présidence de Dorénaz et de Damien Roch à la présidence de Saint-Gingolph. Entrée au comité de la JRV (Jeunesse radicale valaisanne) sous ma présidence, il y a … longtemps, Yasmine poursuit son brillant parcours. Quant à Damien, il se fait un prénom, mais surtout il prouve que les jeunes à qui on fait de la place, je me souviens de quelques soirées avec les jeunes du parti dans mon carnotzet, savent répondre présents quelques années plus tard.

Les partis politiques ont un rôle important à jouer même, pour ne pas dire surtout, au niveau communal. La place des femmes ou des jeunes ne se fait pas encore tout seule, elle doit être préparée. Les organisations de jeunesses, de femmes ou des initiatives comme celle qu’organisait Pascal Couchepin avec ce qu’on nommait à l’époque « Les rencontres de Chemin » doivent être encouragées. Elles assureront non seulement des succès politiques, mais la prospérité des communes, du canton et du pays.

13 novembre 2020

Un été des Indiens bien mérité !

Pandémie, élections américaines, Covid-19, Trump, vaccin, Biden, confinement, recomptage, manifestations, manifestations…. L’époque est troublée, c’est le moins qu’on puisse dire ! Heureusement, au Québec, cette année, on a droit à un bel été des Indiens. Vous ne savez pas ce que c’est ? Jo Dassin l’a si bien chanté que l’expression est bien plus connue que la réalité qu’elle représente.

Lorsqu’arrive l’été des Indiens, les feuilles sont largement tombées, mais avant cela, elles ont été éclatantes. Sources : Pierrot Métrailler

À l’heure où j’écris ces lignes, une semaine avant que vous les lisiez, c’est ça les aléas d’un hebdomadaire de qualité, l’Amérique du Nord, tout comme le reste du monde, est dans l’attente, vraiment interminable, d’une décision concernant les élections américaines. Désolé, mais comme j’ai replongé dans l’enseignement et que les « incises » étaient au programme de la semaine, vous y avez droit aussi !

Parlons météo

Il est donc trop tôt pour que je vous parle de politique. La pandémie on en a assez. Il me reste « la météo à la rigueur » comme dirait Coluche. Dans ce domaine, le Québec vit un moment des plus agréable, car 2020 restera comme une année où l’été des Indiens non seulement a daigné pointer son nez, mais il a été un des plus beaux depuis longtemps.

Vous ne le saviez pas, mais l’été indien de Jos Dassin qu’on appelle aussi l’été des Indiens dans ma nouvelle région n’arrive pas chaque année. Il faut trois critères pour qu’il prenne réalité :

Il doit survenir en automne après une période de gel.

Il doit durer au moins 3 jours où la température est au moins 5 degrés au-dessus de la normale saisonnière.

Il n’y a pas ou peu de précipitations durant ces journées.

Le gel, on a donné. Au début du mois de novembre, il a fait jusqu’à – 15 la nuit. Ma piscine a gelé, mais ça, c’est normal, ça arrive chaque année. À l’heure où je vous écris, il fait encore 15 degrés même si c’est 17 heures et que la nuit est tombée. Eh oui, dans le nord, en plus du froid, il fait très vite nuit l’hiver. La normale à cette époque est de 2 degrés. Pour le reste, on n’annonce pas de pluie et cet été devrait rester au moins une semaine.

Mais d’où ça vient ?

On profite de cette météo clémente et on en profite aussi pour se poser des questions. D’où vient cette expression « été des Indiens » ? Je dis on, parce que je ne suis pas le seul. Radio-Canada a enquêté. Je vous dis, on vit une époque formidable ! Ils ont été dépoussiérer un vieux professeur de sociologie de l’Université Laval qui nous explique une origine possible de cette appellation.

« Je ne connais pas l’origine exacte de l’expression. Une chose est sûre, cependant : il s’agit d’un calque de l’expression anglaise Indian summer. Cette expression, les Canadiens français vont la franciser et se l’approprier. Chez les Premières Nations, cette période correspondait aussi au moment où les nomades quittaient le campement estival qui regroupait généralement un grand nombre de familles, sur les berges du fleuve Saint-Laurent, ou encore d’une rivière ou d’un lac important, pour remonter vers les territoires de chasse situés à l’intérieur des terres en vue de l’hiver. Impossible, l’été, de vivre en forêt nordique : il y avait trop de moustiques ! »

On avait vraiment besoin de cet été des Indiens !

Merci et mes excuses au professeur Denys Delâge. J’ai utilisé l’expression « dépoussiérer » parce que je suis exaspéré par la situation actuelle. Vous qui êtes arrivés jusqu’ici dans la lecture, vous devez vous demander pourquoi mon ton n’est pas habituel. D’ailleurs, vous qui me lisez ici, vous devriez me faire un signe sur Facebook ou par courriel, il est inscrit quelque part sur cette page, pour que je sache combien il y a de courageux et de persévérant !

Les oies blanches, à perte de vue, profitent aussi de l’été des Indiens au bord du Saint-Laurent. Sources : Pierrot Métrailler

Donc, si je sors de l’ordinaire c’est parce qu’à l’instar de beaucoup de monde, je suppose, je trouve difficiles les temps que nous vivons. Ici au Québec, ça fait depuis le 1er octobre que nous sommes quasi confinés. Nous avons juste le droit d’aller travailler quand le télétravail n’est pas possible ou aller à l’école pour les plus jeunes, les plus âgés étudient à distance. Sinon, on reste à la maison et on n’a le droit de n’inviter personne. Seuls ceux qui vivent seuls peuvent recevoir une seule autre personne.

Et pourtant, le Québec compte dix fois moins de cas que la Suisse pour une population équivalente. Malheureusement, le système de santé vacille. Il avait déjà lamentablement échoué au printemps dans les centres pour personnes âgées. Aujourd’hui, il menace d’imploser, car le personnel est insuffisant et à bout. L’organisation n’est pas à la hauteur. Je me permets ici un petit clin d’œil aux partisans d’une caisse de maladie unique et d’un système centralisé. J’aurais sûrement l’occasion d’y revenir dans une prochaine lettre québécoise.

Sans oublier que nos « amis » du sud ne sont pas capables de compter rapidement des bulletins de vote et que, peut-être, entre l’écriture et la lecture de ces lignes, des émeutes auront éclaté. Ça aussi, ça méritera une chronique quand ils auront enfin décidé !

Pas étonnant que l’humeur est morose. Heureusement, l’épisode estival de Premières nations, c’est comme ça qu’ils veulent être appelés maintenant, fait du bien et me permets de terminer en vous envoyant une belle image des couleurs de l’automne québécois qui furent éclatantes cette année et une autre des oies blanches qui, comme chaque année, passent dans la région.

6 novembre 2020

Des mots interdits aux gorges tranchées

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 6 h 58 min

Pendant qu’au Canada une professeure est suspendue pour avoir utilisé un mot interdit devant ses étudiants, en France un autre enseignant est décapité pour avoir montré des dessins à ses élèves. Aucune commune mesure de gravité entre ces deux événements, toutefois, ils sont le résultat d’une même confrontation idéologique. Dans quel type de société voulons-nous vivre ?

Au début du mois de septembre 2020 s’amorçait à Paris le procès de l’attentat contre Charlie Hebdo. Plus de cinq ans après les tueries qui ont endeuillé la France en janvier 2015, l’heure de rouvrir ces pages sanglantes était arrivée. Personne ne se doutait alors que le simple fait de reparler de l’affaire allait à enclencher un nouveau cycle de violence.

Samuel Paty, martyr de la liberté d’expression

Une photo de Samuel Paty, lors de la marche blanche à Conflans-Sainte-Honorine. Lewis Joly/AP/SIPA

Le 16 octobre 2020, Samuel Paty, un professeur d’histoire-géographie d’un collège de Conflans-Sainte-Honorine était décapité en sortant de son établissement. Derrière cet énoncé d’une froideur glaçante se cache un drame national, une atteinte inouïe à l’École, à un symbole de la République. 

Sa faute : dix jours plus tôt, il avait discuté de la liberté d’expression et utilisé, avec extrême prudence, les caricatures de Mahomet comme support à la réflexion. L’obscurantisme ne peut pas tolérer la réflexion et dans la droite ligne des libres-penseurs de Charlie Hebdo l’enseignant a été éliminé par un djihadiste.

« Ils ne passeront pas ! Nous ne cèderons rien ! » Les mots du président de la République française ont été très fermes. Emmanuel Macron ne s’est pas dérobé et a réaffirmé très haut les idéaux républicains. Tout le monde ne l’a pas bien pris. La réaction du président turc Erdogan n’a pas été très diplomatique… un nouveau jeu de dessins a vu le jour !

Veruska Lieutenant-Duval, victime du multiculturalisme

Verushka Lieutenant-Duval – Source : Photo tirée du compte Facebook de Verushka Lieutenant-Duval

Quelques jours auparavant, à la fin du mois de septembre 2020, l’Université d’Ottawa était secouée par une autre affaire de liberté. Veruska Lieutenant-Duval, une professeure en histoire et théorie de l’art a été suspendue par sa direction pour avoir utilisé le terme « nègre » dans un cours où elle parlait du concept de la réappropriation des mots.

Malheureusement le « n-word », comme on dit maintenant en anglais est un mot interdit. Comme dans Harry Potter, celui qui le prononce (Valdemort) est voué aux pires châtiments. Une étudiante s’est sentie blessée et a porté plainte. Malgré l’extrême sensibilité de la professeure aux questions raciales, elle avait interrompu une leçon pour que ses élèves puissent participer à une manifestation de Black Lives Matter, Elle a été sanctionnée.

Deux visions de la nation

Une polémique a bien évidemment éclaté à la suite de cette histoire qui a très vite tourné à un affrontement entre francophones et anglophones. L’université d’Ottawa est bilingue. Cette affaire est somme toute mineure, même si certains mettent en avant la liberté académique qui, selon moi, n’a jamais été menacée. Elle illustre le fossé qui sépare les tenants du multiculturalisme et ceux qui prônent ce qu’on appelle au Québec « l’interculturalisme ». Des sociologues[1]parlent plutôt de la différence entre la vision d’une nation « civique » ou d’une nation « ethnique ». 

« Le Canada n’a pas d’identité profonde, d’identité commune ou dominante […] ce qui fera du Canada le premier État post-national ». Cette affirmation du premier ministre canadien Justin Trudeau, faite dans une entrevue au New York Times en décembre 2015 se comprend mieux dans le cadre de ce débat.

Pour résumer, disons simplement que les chantres du multiculturalisme en vogue dans le monde anglo-saxon et dont le plus grand admirateur était Pierre Elliott Trudeau[2] affirment la primauté des libertés individuelles sur les droits collectifs. Cette pensée s’est fortement développée pour mettre fin aux États-nations (ethniques) responsables de la plupart des maux du XXe siècle selon eux.

Cette primauté des droits individuels est aujourd’hui utilisée, entre autres, par l’islam radical pour revendiquer le privilège de vivre selon leurs croyances n’importe où sur la planète. C’est ainsi qu’on a vu, en Ontario en 2004/2005, une vive polémique pour l’instauration de tribunaux islamiques pour régler les conflits familiaux des musulmans. Finalement, le projet a été rejeté, mais que le débat ait eu lieu montre l’influence de cette doctrine.

Il faut des racines pour s’épanouir

C’est sous cet angle que les deux affaires, majeure avec Samuel Paty, mineure chez Veruska Lieutenant-Duval, se rejoignent dans une même confrontation entre deux visions de la société. Les minorités ont aujourd’hui remplacé le prolétariat ouvrier dans une recomposition postmarxiste des luttes sociales[3].

La gauche française dès les années 1980 avec le mouvement SOS Racisme par exemple a repris certaines de ces thèses. Heureusement, les événements actuels semblent remettre en question cette primauté des droits individuels en France. C’est loin d’être le cas en Amérique du Nord. Le Canada anglais et la gauche américaine y tiennent mordicus.

Mon expérience d’immigrant renforce encore ma conviction que cette voie est fausse. Je ne me sentirais pas bien dans mon nouveau pays si je ne m’efforçais pas à comprendre ses habitants, à les connaître en explorant leurs histoires. Mais je ne serais pas à l’aise non plus si je n’avais pas de profondes racines bien ancrées dans ma région d’origine. Je suis d’abord Valaisan avant d’être Québécois et loin de la vision nationale du Canada anglais.


[1] Marc Crapez, Jocelyn Maclure, etc.

[2] Père du premier ministre actuel et premier ministre du Canada de 1968 à 1979 et de 1980 à 1984.

[3] Selon le sociologue français Alain Touraine repris au Québec par Mathieu Bock-Côté.

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