Valais Libre

18 juin 2023

Carte postale 21

Filed under: écrits d'ailleurs — vslibre @ 8 h 33 min
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Diolly, samedi 10 juin 2023,

Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

Je vous écris directement du Valais. Non, je ne me suis pas enfui devant les feux québécois. J’ai tout simplement traversé l’océan selon un plan décidé de longue date. Enfin, quand je dis selon un plan, pas tout à fait. Évidemment pour mon treizième aller-retour Montréal – Genève, tout ne pouvait pas fonctionner comme sur des roulettes.

Je ne suis pas superstitieux, c’est dans ma longue attente à l’aéroport de Québec que j’ai compté mes voyages pour passer le temps. Et j’en ai passé du temps à l’aéroport Jean Lesage de Québec. Arrivé en avance vers 15h15 pour un départ prévu à 17h50, j’ai finalement quitté le tarmac à 22h10.

Pour une fois, le vol Genève Montréal est parti à l’heure… donc je suis resté en rade à l’aéroport Pierre-Eliott Trudeau. Une chance je suis un admirateur du personnage comme vous le savez! Pour combler la journée, Air Canada me propose alors par courriel (les mails au Québec) un vol le lendemain qui passe par Athènes avant d’atterrir à Genève.

Magnifique sens de la géographie. J’ai eu de la chance, ils ne m’ont pas proposé Kiev. À 3h du matin, après avoir laissé défiler durant 1h45 minutes la petite musique qui me demandait de patienter, j’ai pu modifier cette proposition pour passer par Bruxelles, le vol direct étant complet. Bref, une courte nuit plus tard et un vol finalement très agréable, je débarquais à Genève en même temps que le vol en provenance de Montréal.

Les voyages forment la jeunesse. Dommage que je ne sois plus jeune. J’ai quand même pu assister à la Fête-Dieu de Savièse. Donc rien de grave au final. J’attends maintenant de voir la réaction d’Air Canada à la réception de ma facture d’hôtel, de repas, d’indemnité pour le jour de travail perdu et les frais d’hiver… je n’ai reçu que deux coupons de repas à 10$ à mon arrivée à Montréal pour patienter jusqu’au lendemain!

Mais très heureux d’être en Valais pour deux mois.

Amicalement,

Pierrot

16 juin 2023

Quand les feux se rapprochent, la conscience augmente

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 5 h 30 min
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À la fin du mois de mai, je vous parlais des feux de forêt en Alberta. Avec distance, les feux étaient à 4 000 kilomètres de chez moi, et en mettant la responsabilité sur l’exploitation des sables bitumineux, je concluais en regrettant que la province n’ait rien anticipé. Aujourd’hui que les incendies se rapprochent de mon domicile, l’urgence augmente et les solutions sont moins simples.

Au moment où j’écris ces lignes, près de 700 000 hectares de forêts sont déjà partis en fumée, contre 250 hectares en moyenne ces dix dernières années à la même date. 2800 fois plus cette année! Inutile de mentionner que la situation est exceptionnelle et hors de contrôle. Pourtant, le printemps a été plutôt humide sur le Québec.

Après l’Ouest, l’Est

En mai, je vous parlais de l’Alberta, très loin à l’ouest. Quelques jours plus tard, la température commençait à monter en Nouvelle-Écosse. La région d’Halifax voyait se développer le plus grand feu de son histoire. Lévis – Halifax, 1000 kilomètres: la chaleur se faisait déjà beaucoup plus ressentir. En plus de 10 ans de présence au Québec, je n’avais jamais entendu parler de feu de forêt dans cette région.

Heureusement pour eux, une dépression est venue se fixer sur la région. En y déversant ses pluies, il a permis à la situation d’être maîtrisée. 23 500 hectares brûlaient encore aux abords de la ville, mais dans une zone circonscrite et sous contrôle. Près de 150 bâtiments dont 60 résidences domiciliaires ont été complètement détruites.

Enfin le Québec

Il y a une semaine (au moment où j’écris), le Québec s’est enflammé. De la région du lac Saint-Jean jusqu’en Abitibi, 125 feux se sont déclarés presque en même temps. Très vite des communautés cries et quelques villages ont dû être évacués. 14 000 personnes ont quitté leur foyer (jamais le mot n’a eu autant de sens).

« Le combat pourrait durer tout l’été. » Le ministre québécois de la Sécurité publique, François Bonnardel ne se fait pas d’illusion. La bataille est loin d’être gagnée. Malgré des renforts venus du Nouveau-Brunswick, de France ou issus de l’armée canadienne qui ont permis de stabiliser la situation. La météo jouera un rôle fondamental. 

Actuellement, la baisse de l’humidité conjuguée à la hausse des températures donnent un cocktail explosif qui devrait allumer d’autres feux.

Des causes multiples, mais essentiellement humaines

Le ministère des Ressources naturelles et des Forêts a compilé les causes des feux de forêt de ces 10 dernières années. Le 80% des incendies a été provoqué par des activités humaines : 34% par des activités agricoles ou résidentielles, souvent à partir de brûlis de nettoyage : 30% par des activités récréatives comme le camping, la chasse, la randonnée et leurs feux de camp aux braises mal éteintes; 12% par des activités industrielles, des opérations forestières ou ferroviaires; enfin, 4% par des criminels qui allument intentionnellement des feux.

Seuls 20% sont d’origine naturelle, soit des feux de forêt directement ou indirectement causés par la foudre. Il n’est donc plus possible d’affirmer que la nature se régule par le feu. C’était vrai avant, mais l’ampleur des sinistres actuels ne permet plus de soutenir ce discours. Qu’on le veuille ou non, les changements climatiques provoquent ces phénomènes hors normes.

Conséquences jusqu’à New York

Si j’ai ressenti fortement les incendies québécois, c’est parce qu’un de mes amis m’a parlé de son chalet dans la région du Saguenay était menacé. Les feux n’étaient plus à 4000 ou à 1000 kilomètres, mais là dans la cour de chez moi. Car, oui, ce chalet est à 6 heures de route de Lévis, mais quand on parle au propriétaire, la distance se réduit rapidement.

Heureusement, je n’ai pas eu à respirer, comme 100 millions d’Américains de la côte est des États-Unis, un air chargé de cendres ni de plonger dans un brouillard orange. De splendides photos ont fait le tour du monde, mais vivre dans cet enfer ne doit pas être agréable.

Peut-être que l’enchaînement des catastrophes sur des régions qui sont au centre de la production massive de gaz à effet de serre va permettre une prise de conscience accélérée. On va bientôt se rendre compte qu’il aurait coûté moins cher de promouvoir des technologies plus « propres ». Il n’est peut-être pas trop tard pour y venir.

4 juin 2023

Carte postale 20

Filed under: écrits d'ailleurs — vslibre @ 7 h 43 min
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Lévis, mercredi 24 mai 2023

Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

Grosses journées qui sentent l’été, voilà ma réalité depuis le début de la semaine. Je devrais vivre des moments paisibles de liberté puisque ma blonde a pris de l’avance sur moi et est déjà en Suisse, mais les plus beaux programmes font souvent face à des imprévus. Je n’échappe à cette règle. Un collègue malade et ma semaine de semi-congé de 14 heures se transforme en une de 45.

Je ne vais pas me plaindre, j’adore mon travail. En œuvrant sur l’édition de demain du journal anciennement concurrent à celui que vous tenez dans vos mains, j’ai découvert avec le sourire que mes deux régions traversent les mêmes soucis. Je vous parlais il y a quelque temps de Barbada des Barbades, Mado Lamotte et autre Rita Baga.

Mais oui, souvenez-vous! Ces drag-queens qui lisaient des histoires aux enfants dans les bibliothèques. Eh bien le Valais a la sienne. Tralala Lita doit tout prochainement, le 7 juin lire des contes à des enfants et à leurs parents à la Médiathèque de Martigny. Et que pensez-vous qu’il advient?

Oui, vous avez raison. Une levée de boucliers se prépare. Le Grand conseil va être interpellé. La police a déjà prévu une présence discrète et dissuasive devant le bâtiment où cette lecture « infâme » adviendra. Que ce soit au Québec oui en Valais, il ne fait pas bon parler ou pire, vivre la diversité. Tout de suite on brandit la théorie des genres qui va dénaturer notre société.

Je ne suis pas un adepte de cette mouvance qui encourage, me semble-t-il, un peu trop les fluctuations du genre. Mais, c’est là un autre débat. Ici, il est question de personnes certes différentes, mais bien réelles qui viennent parler de respect. En plus, personne n’est obligé d’assister à ces prestations. C’est les parents qui choisissent d’accompagner leurs enfants. 

Pas de quoi susciter les hauts cris des Eric Duhaime ou Grégory Logean des différentes régions.

Amicalement,

Pierrot

2 juin 2023

Une grève cinquantenaire toujours d’actualité

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 5 h 39 min
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En écoutant « Aujourd’hui l’histoire » à Radio-Canada, j’ai découvert la grève des infirmières de l’hôpital Sainte-Justine à Montréal en 1963. Cet épisode méconnu de l’histoire ouvrière du Québec m’a fait prendre conscience de deux choses : le monde avance, mais les problèmes restent les mêmes et les dirigeants successifs croient souvent inventer de nouvelles solutions.

« [Ce sont] ces femmes, soi-disant douces, qui s’occupent des enfants et des mères, qui ont décidé de faire grève le 16 octobre 1963. » Ainsi commence le reportage. L’historienne Yolanda Cohen raconte une aventure qui a lieu en pleine Révolution tranquille, alors que « le travail de ces femmes est associé à une mission, à une vocation ».

Une transformation pas si « tranquille »

Je vous ai déjà parlé souvent de la « Révolution tranquille » qui a transformé le Québec dans les années soixante. Au sortir de la « Grande noirceur », au moment où Jean Lesage prend le pouvoir en juin 1960, la province est essentiellement agricole et complètement sous le joug de l’église. Les deux grandes institutions que sont l’école et l’hôpital sont dans les mains des religieux.

L’administration québécoise prend son envol relativement rapidement. En quelques années, on ne compte plus les actions législatives qui font entre la province dans la modernité. Dès 1961, le gouvernement met sur pied d’un système d’hôpitaux publics. Ces réformes passent en douceur, c’est pourquoi la grève de 1963 étonne.

Fondé en 1907 à Montréal alors qu’un enfant sur quatre meurt avant d’atteindre son premier anniversaire. L’hôpital pour enfants veut améliorer la situation dans la métropole qui connaît le pire taux de mortalité infantile en occident. Depuis 1910 la gestion interne est réalisée par les religieuses de la  HYPERLINK « https://fr.wikipedia.org/wiki/Filles_de_la_Sagesse » \o « Filles de la Sagesse » congrégation des Filles de la Sagesse.

La « grève des douces »

L’hôpital Sainte-Justine est alors une « entreprise maternaliste ». Il a été fondé par la première femme médecin au Canada, Irma Levasseur et d’autres femmes dont Justine Lacoste-Beaubien qui en est la directrice depuis sa fondation. Elle se retirera en 1966. Une loi spéciale en 1907 avait permis de dégager les maris des fondatrices de leur responsabilité pour les actes de leur femme, administratrice à Sainte-Justine.

Les infirmières de l’Hôpital Sainte-Justine revendiquent en 1963 de meilleures conditions et une reconnaissance de leur travail. La directrice Justine Lacoste-Beaubien et les autres femmes de l’administration ont une vision très protectrice, ancienne. La bataille est loin d’être gagnée pour les infirmières, car le public comprend mal cette grève de femmes censées incarner la douceur nécessaire aux bons soins auprès des enfants. 

Le vote pour le déclenchement de la grève est gagné à 97 %. Les revendications tournent autour du manque de moyens et des relations de travail. Un mois plus tard, le conflit est réglé. Les infirmières gagnent sur des points importants : l’organisation du travail et la négociation de la charge de travail, et l’organisation des soins.

Une victoire

Cette grève atypique aura également permis la reconnaissance de la profession d’infirmière. Ces femmes voulaient montrer que leur travail n’était pas simplement des tâches « naturelles », mais qu’elles avaient appris de vrais gestes professionnels. L’école qu’elles avaient suivie à Sainte-Justine même devait leur permettre une reconnaissance et un meilleur salaire.

D’ailleurs une des revendications dans l’organisation des soins était de pouvoir différencier les tâches. Jusque-là toutes les infirmières, indistinctement, quelle que soit leur formation accomplissaient toutes les activités nécessaires au bon fonctionnement de l’hôpital. Préposées, infirmières auxiliaires, infirmières spécialisées n’existaient alors pas.

Un précédent qui va compter

Première leçon à tirer selon les intervenants à l’émission de Radio-Canada, une revendication de base des travailleurs est la formation. On retrouve cela encore de nos jours et dans de multiples exemples, quels que soient les corps de métier. Corolaire de cette revendication, les salaires doivent suivre la durée de la formation. Ce fut un acquis de la grève de 1963.

Deuxième leçon : le manque de personnel était une cause évidente de plainte. La surcharge de travail entraîne une baisse de la motivation et la nécessité de compensation. Décourageant de voir que soixante ans après, dans le même domaine des soins, la pénurie de personnel est toujours présente.

Au terme de l’émission, en écoutant les débatteurs, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que l’histoire est une source intarissable d’enseignement. Nous nageons toujours dans les mêmes problèmes. Aujourd’hui, au Québec en tout cas, on parle de formation, de salaire, de recrutement… tout autant dans le domaine de la santé que dans celui de l’éducation.

Les solutions n’ont pas été trouvées depuis la « Révolution tranquille » et c’est assurément parce que chaque nouveau ministre tient absolument à réinventer la roue.

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