Valais Libre

19 juin 2020

En cette première moitié de 2020, nous avons vécu un moment d’histoire.

Avant la pause estivale, nous pouvons déjà jeter un premier regard sur 2020 et nous dire que nous avons vécu un moment unique qui marquera l’histoire. Pour ma part, ce n’est pas le premier, mais celui-ci est plus direct et plus durable. Coronavirus et Covid-19, deux mots inconnus pour la plupart d’entre nous il y a six mois, sont devenus des incontournables. Mais il est trop tôt pour tirer les conséquences de ce moment d’histoire.

Le monde de demain ne sera sûrement pas issu des rêves cinématographiques de Disney… Source : quebecconcoursgratuits.com

Pour le passionné d’histoire que je suis, l’histoire n’est pas seulement une question de temps long, elle est aussi vivante au quotidien. L’histoire s’écrit jour après jour, même s’il faut bien l’avouer, il y a des événements plus marquants que d’autres. Notre durée de vie n’est qu’une goutte d’eau dans l’océan de l’aventure humaine, mais nous avons le privilège de vivre parfois des temps forts.

4 moments marquants

En revenant sur le fil de ma vie, je citerais 4 moments historiques significatifs. Le premier, le 20 juillet 1969, j’avais 3 ans lorsque Neil Armstrong a posé le pied sur la lune. Pour la première fois, un homme foulait une autre planète. Même si quelques images noir et blanc, floues, sorties du téléviseur de mon grand-père me reviennent à l’esprit, je ne sais plus si elles étaient en direct ou si je les ai vues quelques années plus tard.

Le deuxième moment clé est lui un peu plus clair à mon esprit. Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait et les Berlinois de l’est envahissaient Berlin-Ouest. Il y avait quelque temps que le jeune homme passionné de politique, j’étais entré un mois auparavant au comité cantonal des Jeunesses radicales valaisannes (JRV), suivait la chute de l’empire soviétique.

Par contre, je me vois encore devant la télévision de la salle des maîtres du centre scolaire de Moréchon à Savièse le 11 septembre 2001 au moment où les tours jumelles du World Trade Center de New York s’effondraient en direct à la télévision. Nous étions quelques collègues incrédules devant l’écran peinant à croire ce qui se passait de l’autre côté de l’Atlantique.

Et puis, en ce début 2020, pour moi, c’est le vendredi 13 mars qui restera comme une date clé dans la pandémie qui nous a frappés. Ce jour-là fut le dernier où j’ai travaillé et même joué au curling. Mon club a fermé le lendemain, comme à peu près tout le Québec. Ce même vendredi 13, au Québec comme en Suisse on apprenait la fermeture immédiate des écoles.

4 moments clés de l’histoire récente ont jalonné ma vie, mais surtout changé le monde. Source : montage Pierrot Métrailler à partir de radio-canada.ca, theatlantic.com, wikipedia.org, euronews.com.

Du temps pour voir les conséquences

Même si ces dates comptent, elles ne font pas l’histoire. L’histoire s’écrit ensuite, il lui faut du temps pour que les événements déploient toutes leurs conséquences. Ainsi, le premier pas de l’homme sur la lune va redonner confiance aux États-Unis qui, dès lors, ne laisseront plus l’Union soviétique les dominer. Le déclin de l’empire communiste mettra 20 ans à se dessiner, mais il sera inéluctable.

La fin de ce monde, symboliquement illustré par la chute du mur de Berlin, laissera croire à l’Ouest qu’il est désormais le seul maître. La guerre froide finie, l’heure des excès de confiance d’un occident au libéralisme débridé aura sonné. Cet univers de confiance et de liberté prendra lui aussi fin brutalement deux décennies plus tard.

Le 11 septembre marquera le début d’une nouvelle guerre. Le terrorisme islamique ne pourra plus être nié. L’effondrement des tours jumelles de New York changera la vision du monde d’un occident qui n’est plus seul. Les chocs culturels font désormais partie de notre univers et nous sommes loin, 20 ans plus tard, d’en avoir fini avec cette problématique.

Ce que nous vivons actuellement est d’un autre type. On a beaucoup entendu que le monde ne serait plus pareil après la pandémie. C’est sûrement vrai, mais les révolutionnaires seront déçus. Les changements prennent du temps à s’ancrer dans nos modes de vie. Mais, nous le voyons déjà, des comportements changent. Les trois bises helvétiques viendront plus rares, par exemple.

Rendez-vous dans 20 ans

Au-delà de cette anecdote, je pense que d’ici une vingtaine d’années on mesurera plus clairement les conséquences de monsieur Coronavirus et de madame Covid-19. Nous verrons alors comment le monde aura évolué et ce que la pandémie aura eu comme conséquences. Quelles soient sanitaires, économiques, sociales ou plus personnelles, c’est certain que nous ne sortirons pas indemne de cette période.

Ce petit tour historique très personnel et donc très subjectif me permet d’illustrer comment, durant la vie d’un homme, le monde change, bouge, évolue et se façonne parfois très rapidement, mais le plus souvent sur la durée. Avec le recul, les historiens arrivent à décrire des étapes, des moments clés ou des événements charnières. C’est leur travail et il est important pour mieux comprendre le monde, notre monde.

Puisque, apparemment, tous les 20 ans, j’ai la chance de vivre la grande histoire, je vous donne rendez-vous dans 20 ans pour le prochain grand événement à portée mondiale. Plus prosaïquement, je vous souhaite un bel été et vous donne rendez-vous tout bientôt pour vous partager, entre autres, ma vision lointaine des communales, et plus proches des présidentielles américaines.  J’ai hâte de vous retrouver.

12 juin 2020

Covid-19 contre bureaucratie : match nul, mais la partie n’est pas finie

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 6 h 33 min
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Au Québec, la pandémie s’est stabilisée, mais ne s’essouffle pas. Au début du mois de juin, on comptait près de 5000 décès dans la province avec tous les jours entre 80 et 90 supplémentaires. Si la Covid-19 semble acculée dans les cordes, dans les centres pour aînés et dans certains quartiers défavorisés de Montréal, elle jette une lumière cruelle sur les défaillances d’un système bureaucratique.

« Mes deux gars ne savent même pas c’est quoi un fax, là, donc juste pour vous dire comment c’est archaïque », François Legault, le premier ministre du Québec était pour le moins irrité lors d’une de ses habituelles conférences de presse du début du mois de juin. Pourtant, les deux gars du premier ministre approchent de la trentaine, c’est dire la vétusté du système.

Le système qui a énervé le premier ministre, c’est celui de la transmission des statistiques entre les résidences pour aînés (CHSLD au Québec) et le ministère de la Santé. Les décomptes sont incorrects à cause des délais. Il existe même encore des établissements qui envoient leurs données journalières par la poste.

Caricature de YGrec du Journal de Québec qui illustre bien le dilemme du progrès bureaucratique. Source : Journal de Québec du 6 juin 2020

Une situation toujours critique

Cette transmission défaillante a été mise en lumière au début du mois de juin alors qu’on s’interroge pourquoi les courbes des morts et des nouveaux cas ne baissent pas vraiment dans la province. Il semble que le plateau ne va jamais finir par s’infléchir.

Entre 80 et 100 nouveaux décès chaque jour, entre 250 et 500 nouveaux cas détectés la litanie énerve un peu tout le monde. 

On tente bien de rassurer avec le nombre d’hospitalisations qui baisse, mais ce n’est que de la poudre aux yeux. Même si la pandémie est circonscrite dans les résidences pour aînés (4000 des 5000 morts du Québec) et dans certains quartiers de la ville de Montréal, l’inquiétude monte et la province est sous tension. Ce n’est pas les explications sur les délais de rentrée des données qui vont rassurer. 

Si pendant les deux premiers mois de la crise, le gouvernement ne recueillait que des louanges sur sa gestion de la crise, aujourd’hui, même s’il bénéficie toujours d’un fort taux d’approbation, des lézardes commencent à se dessiner. La partie est plus longue qu’espérée et la fin est toujours incertaine. Même confinée la Covid-19 fait toujours peur.

Les failles du système

« Ça va bien aller », la formule qui fleurit toujours sur des milliers de fenêtres au Québec avec son arc-en-ciel emblématique ne suffit plus à rassurer. Des lézardes apparaissent de plus en plus béantes dans l’unité provinciale. François Legault a identifié le manque de personnel dans les Centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD) comme la raison de la crise actuelle. C’est certainement vrai, mais largement insuffisant. 

Les mesures prises, recrutement de personnel, « conscription » d’autres professions de la santé publique, intervention de l’armée, ont aidé, mais n’ont pas empêché la dégradation de la situation. De nouveaux foyers de contamination ne cessent d’apparaître et les centres touchés ne semblent pas arriver à faire reculer le virus.

Certes, des situations aussi dramatiques que celles de la résidence Herron dont je vous avais parlé il y a quelques semaines ne se sont plus produites, mais l’hécatombe se poursuit. 

Toujours plus de la même chose

Pour garder le personnel en place et pour tenter de faire revenir ceux qui étaient en arrêt de travail (près de 10 000 personnes), le gouvernement a offert des primes. Il a ensuite lancé une première campagne de recrutement. « Je contribue » a eu un large succès, mais a aussi révélé les limites d’un système où la bureaucratie est reine. Je ne reviendrai pas sur la scandaleuse évaluation des compétences qui a écarté l’ex-dirigeante de médecin sans frontière jugée incapable de travailler dans un CHSLD après avoir géré la pandémie d’Ebola en Afrique !

Annonce du gouvernement du Québec pour le recrutement de nouveaux travailleurs pour les résidences pour aînés. Source : Gouvernement du Québec

Ensuite, l’armée canadienne a mis 10 jours pour arriver, comme si une urgence nationale pouvait attendre. Aujourd’hui, elle veut repartir, car elle a des missions plus importantes. Je me demande bien ce qui peut être plus important que de sauver la vie de sa propre population pour une armée !

Face à tout ça, le gouvernement a eu la bonne idée de lancer une campagne de recrutement pour trouver des candidats prêts à suivre une formation payée de trois mois, pour ensuite aller travailler en CHSLD avec un salaire plus élevé que les infirmières débutantes après avoir obtenu un diplôme universitaire. En quelques jours près de 90 000 candidats pour les 10 000 places ouvertes se sont manifestés. La « farce » de « Je contribue » semble recommencer. Ce n’est pas en faisant toujours plus de la même chose que les choses vont changer !

Pierrot Métrailler

pierrot.metrailler@gmail.com

Légende :

Annonce du gouvernement du Québec pour le recrutement de nouveaux travailleurs pour les résidences pour aînés. Source : Gouvernement du Québec

Caricature de YGrec du Journal de Québec qui illustre bien le dilemme du progrès bureaucratique. Source : Journal de Québec du 6 juin 2020

5 juin 2020

Au Québec, l’organisation municipale est marquée par l’histoire

Dans les semaines qui viennent, les citoyens de six communes valaisannes sont appelés à se prononcer sur des modifications de leurs organisations. C’est un peu l’ouverture de la saison des élections communales de cet automne. L’occasion est belle pour moi d’évoquer le système municipal du Québec. Si, comme la Suisse, le Canada a trois paliers de pouvoirs, l’étage local est un peu plus dépourvu dans ma nouvelle région.

Sembrancher, le 14 juin, Nendaz et Saint-Maurice, le 21 juin, se prononceront sur une réduction du nombre de conseillers communaux. Ce même 21 juin, Anniviers décidera si elle veut un conseil général et Collonges si elle désire créer un conseil bourgeoisial distinct du conseil communal. Enfin, le 28 juin, Montana devra trancher sur une réduction du nombre de conseillers et la création d’un conseil général.

Le Valais se prépare donc activement à entrer dans la danse des élections communales. Dans les 120 autres communes du canton, on sent frémir la marmite électorale. Pour certaines, c’est tellement actif que les échos traversent même l’Atlantique. La perspective de cet automne me donne donc une excuse pour vous parler de l’organisation locale au Québec.

Au début, il y avait les seigneuries

Si les Français viennent coloniser le Québec au début du XVIIe siècle, c’est en priorité pour le commerce de fourrures et de pêcheries. Mais l’autorisation du roi Henri IV comprend, dès le départ, une obligation d’occuper le territoire. Cette occupation va se faire par l’intermédiaire des seigneuries, sur le modèle français évidemment.

En 1627, 19 ans après la fondation de Québec, la compagnie des Cent-Associés (connue aussi sous le nom de la compagnie de la Nouvelle-France) reçoit tout le territoire Nord-Américain, de l’Arctique à la Floride, revendiqué par la France. Elle devra le découper en seigneurie pour l’administrer.

Ainsi de 1627 à 1854, date de l’abolition des seigneuries, près de 300 seigneuries naîtront dans la vallée du Saint-Laurent. Dans la région où je vis maintenant, une seigneurie fut concédée en 1636 à Jean de Lauzon. Mais, la Seigneurie de Lauzon ne sera occupée que depuis 1647 et l’installation du premier colon, Guillaume Couture.

Carte de la ville de Québec en 1874. Source : Archives de la Ville de Québec, nég. FC2398, #E-342-1874

Puis vinrent les paroisses

Si les seigneurs jouèrent un rôle de démarreur, bien vite la religion prit une place prépondérante dans la colonisation. Henri IV voulut, dès le départ que l’aventure de la Nouvelle-France serve aussi à l’évangélisation des populations rencontrées. Baptiser était un acte essentiel à cette époque. Sans lui, les âmes bruleraient pour l’éternité en enfer.

Ainsi, lorsque Louis XIV fit de la Nouvelle-France une colonie royale, il y envoya aussi un évêque pour « ouvrir des paroisses ». François de Montmorency-Laval participera à l’érection de la première paroisse en Amérique du Nord, la paroisse de Québec en 1664. Durant 14 ans, elle fut la seule pour desservir tout le territoire des Grands Lacs au golfe du Saint-Laurent.

De 14 en 1678, elles sont aujourd’hui 1782 au Québec. Elles furent parfois fondées avant que le territoire ne soit occupé. Aujourd’hui, beaucoup de municipalités au Québec portent le nom de Saint-… parce que souvent on baptisait du nom du saint du jour de la fondation de l’église de la nouvelle paroisse ou on utilisait le prénom du curé voisin qui avait travaillé à cette création.

Les Anglais arrivent

Après la conquête, l’administration locale garda la structure seigneuriale et paroissiale durant une centaine d’années. Ce n’est qu’après la rébellion des Patriotes de 1837-1838 que les choses bougèrent. Lord Durham venu d’Angleterre enquêter sur les événements écrivit dans son rapport :

« De fait, au-delà des murs de Québec, toute administration régulière du pays paraît cesser ; il y avait à peine, littéralement parlant, un seul fonctionnaire public, à l’exception de Montréal et des Trois-Rivières, auquel on pût transmettre un ordre. […] Dans le reste de la province il n’y a ni shérif, ni maire, ni constable, ni aucune sorte de fonctionnaire supérieur de l’administration. Il n’y a ni officiers de comté, ni municipaux, ni paroissiaux, soit nommés par la Couronne, soit élus par le peuple. »

Ainsi, après divers décrets provisoires, en 1855 l’Acte des municipalités et des chemins du Bas-Canada est adopté. Cette nouvelle structure administrative s’appuie sur des corporations locales (les municipalités et les paroisses) et des corporations de comtés (regroupement de corporations locales).

Et aujourd’hui

Malgré quelques réformes partielles, rien ne va véritablement changer durant presque 150 ans. Ce n’est qu’en 1979, avec l’arrivée au pouvoir du Parti Québécois qu’une réforme globale de l’administration locale aura lieu. Quatre lois viendront alors redéfinir le pouvoir des municipalités.

Hôtel de ville de Québec. Comme cinq autres villes dans la province, Québec est découpée en Arrondissements qui possèdent des pouvoirs encore plus locaux. Source : Pierrot Métrailler

La Loi sur la fiscalité municipale, la Loi sur la démocratie municipale, la Loi sur les ententes intermunicipales et la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme qui entraîne la création des Municipalités régionales de comté (MRC) et la disparition des municipalités de comté.

« Les municipalités contribuent aujourd’hui à la mise en place et au maintien de milieux de vie adaptés aux besoins de citoyens. Les municipalités favorisent également le déploiement de conditions propices à l’activité économique sur leur territoire et sur l’ensemble de leur région d’appartenance », telle est la mission assignée aujourd’hui aux 1 104 municipalités du Québec (2 212 en Suisse pour une population comparable) par le ministère des Affaires municipales et Habitation.

Malheureusement, contrairement à la Suisse où les ressources des communes sont assurées par l’impôt, au Québec, les taxes foncières ne permettent pas toujours de bien remplir cette mission. J’aurais l’occasion dans une autre lettre québécoise avant les élections communales de revenir plus en détail sur la situation des municipalités québécoises.

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