Il n’a pas changé! Ma première impression en voyant Franc sortir de l’Hôtel Sépia à Québec est celle de retrouver le même homme. Pourtant, 31 ans que nous nous sommes perdus de vue. Nous avions à peine 14 ans lorsqu’il a quitté le cycle d’orientation de Savièse pour habiter Conthey. Une histoire de football, d’autorisation de jouer en junior A, avait précipité son départ. Je retrouve Franc conforme à l’image que j’en avais. Faut croire qu’elle a vieilli avec nous.
Toi, tu as pris du volume, me lance-t-il avec un accent bien du Québec. Ça me fait tout bizarre d’entendre une telle remarque. Moi qui ai perdu 40 livres (19,2 kg / 1 livre du Québec = 0,454 g) ces 8 derniers mois, je suis habitué à l’inverse, mais depuis plus de 30 ans, oui, j’ai pris du volume. Le petit garçon blond qui restait dans ma tête est aujourd’hui un homme dans la force de l’âge et à la chevelure grisonnante.
Pour nos retrouvailles, nous filons visiter la basilique Sainte-Anne de Beaupré. Pas que nous soyons spécialement religieux, mais Franc fait le guide touristique pour Jacky et sa blonde, un couple de Conthey. 14 ans qu’ils avaient promis de venir rendre une visite, ils tiennent enfin leur promesse, alors Franc est aux anges. 14 ans, c’est aussi la durée du séjour québécois de mon contemporain.
Franc Tridondane, il a pris le nom de famille de sa première femme québécoise, a quitté la Suisse à 32 ans. Il a suivi une femme. Par amour, par soif de la découverte, par envie de nouveauté, Franc a relevé le défi de la traversée de l’Atlantique.
Tout n’a pas été facile, la vie lui a réservé bien des surprises. Quelques déboires sentimentaux qui ont provoqué au-delà des peines de cœur, des soucis financiers, l’ont fait douter de la pertinence de son exil. Mais la fierté valaisanne a toujours habité ce cœur vaillant. Pas question de rentrer au pays sur un échec. Franc s’est accroché.
Petits boulots, usines, assurances, représentations diverses, à la force du poignet une place se gagne dans la société québécoise. Le hasard le fait entrer dans une entreprise de construction où le patron lui fait rapidement confiance. Il gèrera des chantiers. Quelques opportunités plus tard, il fonde sa propre entreprise.
C’est très simple au Québec, un examen sur les lois et hop, on ouvre son entreprise. Franc respire le dynamisme en décrivant le processus. On sent l’entrepreneur qui a soif de liberté. Il aime les défis. Plancher Concept Design est son bébé, son enfant maintenant. Après 5 ans, la société est solide. Le travail est là. Ses clients reconnaissent la qualité suisse, l’amour du travail bien fait.
Le Québec offre plus d’ouvertures professionnelles que la Suisse pour quelqu’un qui en veut. Les diplômes sont moins importants, les capacités sont valorisées. Les étiquettes sont moins vite accolées, on n’est pas le fils de … ou le saviésan, le contheysan, … . L’anonymat a aussi des avantages. Gravir les échelons, fonder une compagnie, le capitalisme régit ce monde professionnel. Mais chaque situation a son revers, la puissance des syndicats et la hauteur de la fiscalité sont les versants moins intéressants du Québec.
Dans la vie de tous les jours, Franc s’amuse aussi. Les québécois qui peuvent paraître distant au premier abord, sont vite très sympathiques et accueillants. Il fait bon vivre parmi eux. La grandeur du pays offre une foule d’activités variées. Les fins de semaine sont occupées.
Franc partage aujourd’hui sa vie avec Isabelle. Les épreuves traversées l’ont fortifié. Ils respirent la joie de vivre, il ne regrette pas son déplacement au Québec. Il revient visiter sa famille et ses amis aux deux ans environs. Mais ce qu’il aime c’est accueillir, faire découvrir sa nouvelle patrie.
Le Tattoo militaire de Québec et le 1er août au Mont Sutton sont des incontournables pour l’ancien tambour de Conthey. Il m’y emmène l’année prochaine.
Québec, septembre 2012
Écouter Frank Paquet sur les ondes de Rhône FM en cliquant sur le lien suivant: Frank Paquet, Rhône FM, le 27 septembre 2012 à 8 h 30