Pierre Duval où un rêve réalisé…
Pierre Duval, futur héros de la Nouvelle-France
« On rêve tous d’avoir un grand frère qui nous sert de modèle, un grand frère qui finit premier. J’ai eu la chance d’avoir ce grand frère qui a été le premier. Jean, mon frère Jean Duval, a été même deux fois le premier, il a marqué l’histoire. Bon, ce qui est moins drôle, c’est qu’il a été le premier condamné à mort de la Nouvelle-France… »
Voilà, la glace est brisée, je peux commencer à conter. Mon estomac se dénoue et je vais pouvoir enchaîner avec plus de fluidité. Il y a longtemps que je rêve de cette soirée de contes. Une première tentative avait avorté il y a 18 mois pour des raisons indépendantes de ma volonté, mais ce soir ça y est, c’est parti.
La trentaine de convives du Bistro le Littoral de la Marina de Lévy vont devoir me supporter tout au long du repas. Je vais les laisser tranquille le temps de manger, mais sinon pas de pause. Quatre contes d’une vingtaine de minutes sont au programme.
Je me sens de mieux en mieux dans mon costume de la Nouvelle-France. J’ai choisi le gilet rouge plutôt que le bleu, je le trouvais plus voyant, même s’il fait moins français. J’ai eu de la chance, une société montréalaise les liquidait à moitié prix et il est arrivé par la poste une semaine avant ce merveilleux jeudi.
J’en ai rêvé de ce show à moi tout seul. Je devais avoir 16 ans, lorsque j’avais passé une nuit dans la montagne, dans une cabane de berger entre la Grand-Zour et Glarey avec mes amis Guy et Frédéric. Je les avais bassinés toute la nuit avec mon show à moi tout seul. Eux, ils en ont fait pas mal à deux et moi, j’ai enfin le mien !
Après l’histoire de Pierre Duval, enfin, surtout les mésaventures de son frère Jean qui a tenté de tuer Champlain au moment où naissait la ville de Québec en juillet 1608 et qui a fini pendu au bout d’une corde puis a vu sa tête exposée en haut du rempart en rondin pour montrer ce qu’il en coûtait de défier le maître, après les fondues parmesan (une fondue au fromage est une sorte de tomme panée au Québec), il est temps de passer au deuxième conte.
La chasse-galerie est au programme. J’adore cette légende d’Honoré Beaugrand qui raconte comment défier le diable en volant dans le ciel en canot pour s’échapper quelques heures des forêts du Grand Nord pour aller faire la fête auprès de nos blondes. Mais attention, gare aux clochers rencontrés en chemin, gare à ceux qui ne seront pas rentrés à l’aube. Comme moi, Pierre Duval, ils seront obligés d’errer éternellement dans l’espace et le temps.
Le filet de poulet aide à se remettre de nos émotions avant de plonger dans les eaux glacées du Saint-Laurent pour apercevoir la tête à Pitre. Ce pauvre Pitre Soulard, passeur, canotier téméraire qui défiait le fleuve au milieu du XIXe siècle et qui, une nuit d’imprudence perdit sa tête sectionnée par une glace rebelle comme le racontait Louis Fréchette.
Le dessert est le bienvenu pour retrouver le sourire après cette peur bleue. Bleue est la couleur préférée de notre dernier héros de la soirée : le comte de Frontenac. Louis de Buade, comte de Frontenac, a donné son nom au château qui domine la ville. Il a aussi sauvé la ville de l’envahisseur anglais.
Le cœur errant du héros de Québec conclut la soirée. J’ai adoré, les spectateurs me le diront aussi, ils sont tellement sympathiques. Certains m’ont même demandé une autre soirée en automne avec des contes à faire peur… J’y pense!