Valais Libre

28 août 2020

Élections américaines et théorie du complot

Dans un peu plus de deux mois, les Américains voteront. On saura alors si Donald Trump n’aura été qu’une parenthèse dans l’histoire des États-Unis ou si son empreinte sera plus durable. Même s’il semble battu par les sondages, rien n’est joué. Ses partisans sont nombreux et prêts à beaucoup pour qu’il « sauve le monde ». Quoi qu’il arrive, il paraît certain que QAnon sera représenté parmi les élus du congrès.

« QAnon est une théorie du complot d’extrême droite selon laquelle Donald Trump livrerait une guerre secrète contre des élites implantées dans le gouvernement, les milieux financiers et les médias », voilà ce qu’en dit Wikipédia. Mais ce mouvement, né en 2017 est beaucoup plus complexe et sérieux qu’il paraît au premier abord.

Les adeptes de QAnon s’affichent de plus en plus ostensiblement. Source : La Presse – Photo Sandy Huffaker, AFP

Le « Pizzagate » sous stéroïdes

Le 4 décembre 2016, un déséquilibré du nom d’Edgar Maddison Welch s’est présenté armé jusqu’aux dents au restaurant Comet Ping Pong, à Washington. Welch venait « enquêter » au restaurant, espérant y débusquer un réseau de pédophiles.Il croyait trouver dans le sous-sol du restaurant des enfants réduits en esclavage sexuel. Il a sorti une arme et tiré trois fois, heureusement sans faire de victime[1].

Le restaurant n’avait pas de sous-sol et son « enquête » ne rimait à rien. Il croyait à ce qu’on a appelé le « Pizzagate », une théorie conspirationniste qui voulait qu’Hillary Clinton et son entourage étaient au cœur d’un réseau pédophile qui voulait diriger le monde pour l’offrir à une classe dirigeante occulte.

QAnon s’est construit un peu sur les mêmes bases, mais en allant beaucoup plus loin. Les Clinton, Rockfeller, Obama, Soros et autres grands agents du mal dirigent le monde pour leurs seuls intérêts et pour assouvir leurs plus bas instincts. Certains vont même jusqu’à croire que John Fitzgerald Kennedy a été assassiné par ces forces maléfiques parce qu’il les avait démasquées !

Heureusement le mystérieux Q est là !

En octobre 2017, un certain « Q Clearance Patriot » apparaît sur 4chan – un forum américain connu pour sa virulence, où n’importe qui peut poster n’importe quoi, ou presque, sous pseudo. Il se présente comme une taupe infiltrée ayant accès à des documents classifiés, selon lesquels Donald Trump travaillerait secrètement à débarrasser le monde d’un réseau criminel mené par des milliardaires et figures démocrates célèbres. Ces derniers contrôleraient un « état profond » (une administration parallèle) aux États-Unis, et cacheraient également un vaste réseau pédocriminel[2].

En trois ans, le mouvement a pris de l’ampleur. Amplifié par des allusions faites directement par le président Donald Trump, les adeptes de cette théorie. QAnon est le diminutif de Q Anonymus qui désignait au départ l’auteur des messages. Il est devenu petit à petit le nom de la théorie du complot et de ses adeptes.

Ceux-ci croient que Donald Trump est leur sauveur et qu’il réussira grâce à l’appui de l’armée lors d’une opération « Tempête » à prendre le contrôle du pays et à le débarrasser des éléments dangereux qui exploitent le peuple. Les messages de Q alimentent savamment cet état d’esprit, car ils exploitent tous les codes des sectes sataniques et surtout posent des questions qui incitent les adeptes à faire leurs propres recherches. 

Ces messages sont attendus avec fébrilité par des centaines de milliers de personnes dans le monde – jusqu’à 1,7 million aux États-Unis, estime Marc-André Argentino,

un chercheur de l’Université Concordia à Montréal– messages décryptés avec la ferveur de ceux qui cherchent la Vérité dans les Saintes Écritures…[3]

QAnon, de plus en plus présent

Le mouvement est de plus en plus présent. Depuis les manifestations contre les violences policières et le racisme suite à l’assassinat de George Floyd par un policier, le 25 mai dernier à Minneapolis, on ne compte plus les contre-manifestations où la lettre Q est bien présente sur des drapeaux ou sur des tee-shirts. Les conférences de presse de Donald Trump n’échappent pas à la présence de ces adeptes. Le président refuse de les condamner. Il va même jusqu’à leur apporter de discrets soutiens.

QAnon s’affiche de plus en plus. Le sergent Matt Patten du bureau du shérif de Broward (à gauche) portait un écusson QAnon rouge sur sa poitrine quand lui et d’autres adjoints ont accueilli le vice-président Mike Pence en Floride en novembre 2018. Source : http://www.buzzfeednews.com

Les groupes sur les réseaux sociaux sont toujours plus actifs et incisifs, au point que Facebook a supprimé, le 20 août,près de 900 groupes et pages associés au mouvement conspirationniste QAnon. Même si le FBI a désigné le mouvement comme représentant un danger public dès mai 2019, ça n’a pas empêché au moins 14 candidats ont gagné l’investiture pour le parti républicain en vue des élections à la Chambre des représentants. Nul doute qu’il y aura un ou plusieurs adeptes qui siègeront à Washington lors de la prochaine législature.

Rien n’est encore joué

Si QAnon peut paraître anecdotique, il est un signal que rien n’est simple dans ce qu’il se passe aux États-Unis. Si notre tradition démocratique nous permet de bien comprendre la complexité du système où les régions ont une influence notable sur le résultat final, elle n’est pas habituée à décoder les méandres de l’électorat américain.

Ceux-ci sont complexes et brouillent la perception que nous pouvons avoir de la réalité vécue par les États-Unis. À deux mois des élections présidentielles, rien n’est joué. Les sondages donnent Joe Biden vainqueur, mais sa marge n’est pas si grande (moins de 10 % selon une moyenne publiée le 20 août) et la vraie campagne commence à peine.

J’aurai l’occasion ces prochaines semaines de vous présenter d’autres aspects moins connus de la campagne qui se déroule chez mon voisin du sud.

Les adeptes de QAnon s’affichent de plus en plus ostensiblement. Source : La Presse – Photo Sandy Huffaker, AFP


QAnon s’affiche de plus en plus. Le sergent Matt Patten du bureau du shérif de Broward (à gauche) portait un écusson QAnon rouge sur sa poitrine quand lui et d’autres adjoints ont accueilli le vice-président Mike Pence en Floride en novembre 2018. Source : http://www.buzzfeednews.com


[1] La Presse du 13 août 2020

[2] Le Monde du 5 août 2020

[3] La Presse du 13 août 2020

21 août 2020

Un été 2020

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 7 h 12 min
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L’été 2020 restera comme une saison hors du commun. Coronavirus oblige, nos repères ont changé. Les restrictions ont été universelles. Marqué par la redécouverte du local, cet été permit à beaucoup de vivre différemment, mais il aura aussi vu naître des polémiques et la saga des masques. D’une rive à l’autre de l’Atlantique, l’été 2020 est celui de la Covid-19 qui n’est pas près de nous lâcher.

La chaleur de l’été québécois nous a permis de vivre « un été corona…virus » finalement assez décontracté. Source : Pierrot Métrailler

Le Québec, comme la Suisse a vécu l’été au rythme des données sur la Covid-19. Si le nombre de cas détectés augmentait, le gouvernement rappelait les mesures d’hygiène et de distanciation, quand ces cas se faisaient plus rares, on pouvait profiter plus librement de cet été au climat exceptionnel au Québec.

Un retour vers chez nous

Des jours de canicule en mai, puis en juin, c’est exceptionnel au Québec. Pour la première fois depuis que les mesures sont compilées, la région a connu trois épisodes de canicule (3 jours consécutifs à plus de 30 degrés et des nuits chaudes) avant le début officiel de l’été.

Malgré ce temps merveilleux, le début de la saison a été morose. L’annulation de toutes les manifestations a jeté un froid. C’est comme si on ne savait plus quoi faire. Pour la première fois depuis sa création en 1968, le Festival d’été de Québec (Notre Paléo) n’a pas eu lieu. La dizaine de jours de fête qui lance la saison en ville de Québec absente, la ville était comme morte.

Car Québec, surtout ses vieux quartiers, vit du tourisme. La fermeture de la frontière américaine et la suppression de vols intercontinentaux ont créé une ville fantôme en début de saison. Les Québécois ont alors redécouvert leurs régions. La Gaspésie a été prise d’assaut et les régions où la nature est reine ont vécu une saison record alors que les villes souffraient.

Malheureusement, le début de cet assaut a été marqué par des comportements surréalistes. La ville de Gaspé, par exemple a dû appeler à l’aide. Ses plages, prises en otage par des campeurs sauvages ont vite ressemblés à des dépotoirs. J’ai revu des images comme après le passage de certaines gens du voyage, il y a quelques décennies à Martigny. Après que ces comportements aient fait la une des journaux, la situation s’est normalisée.

Quand la charité commence par soi-même

Ou peut-être a-t-elle été occultée par le scandale politique de l’été au Canada. Le gouvernement libéral de Justin Trudeau s’est embourbé dans l’affaire « We Charity ». Cet organisme caritatif qui se définit comme étant « un organisme caritatif international et un partenaire éducatif dont la mission est d’autonomiser les gens afin qu’ils changent le monde localement et internationalement, tout en s’épanouissant et en transformant la vie des autres », est au centre d’une tourmente politique.

En résumé, le gouvernement canadien avait mis sur pied au printemps dernier des « Bourses canadiennes pour le bénévolat étudiant (BCBE) ». Un programme de près de 900 millions de dollars pour payer des étudiants « bénévoles » dont la gestion avait été donnée à l’organisme We Charity sans appel d’offre. L’organisme aurait pu toucher jusqu’à 50 millions de dollars si le programme était déployé dans son ensemble.

Il est très vite apparu que cet organisme avait des liens très étroits avec le premier ministre Justin Trudeau. Des membres de sa famille (sa mère, son frère et son épouse) ont reçu près de 500 000 dollars pour des conférences et autres menus services… Son ministre des finances, Bill Morneau, a voyagé aux frais de l’organisme qui emploie sa fille.

Bref, très vite le programme BCBE a été retiré, mais les conséquences politiques déploieront leur effet cet automne, car différentes enquêtes sont en cours. La reprise parlementaire va être chaude et peut-être que le gouvernement n’y résistera pas et que les canadiens retourneront aux urnes encore cette année.

Masque ou pas ?

Le masque ou le couvre-visage, comme on l’appelle aussi ici, fut l’autre vedette de cet été hors norme. Doit-on en porter ou pas ? Faut-il le conseiller fortement ou le rendre obligatoire ? Si au début de la pandémie, le directeur de la santé publique du Québec nous a longuement expliqué que le masque n’était pas une protection efficace, il a dû changer d’avis.

Aujourd’hui, il est obligatoire dans les transports en commun, dans les commerces, dans les bureaux où la distanciation sociale n’est pas possible et dans les restaurants lorsqu’on n’est pas assis à sa table. Je ne vous recommande pas cette danse du masque au restaurant. Je le mets, je l’enlève, je le mets si je vais aux toilettes, je l’enlève pour manger, je le remets pour sortir…

Bien sûr, ça ne plaît pas à tout le monde et des manifestations contre son port ont lieu régulièrement. Nous sommes victimes d’un complot mondial. « Qanon » décrit ce complot international qui utilise, entre autres, le masque comme outil de manipulation des masses. « Faites vos recherches par vous-mêmes » est une de leur injonction. Je vais le faire et je vous reviens prochainement avec plus d’explications sur cette menace qui hante toute l’Amérique du Nord.

En attendant, bonne rentrée à toutes et tous.

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