Valais Libre

25 septembre 2020

Quand le feu s’invite dans la campagne présidentielle.

La rentrée semble avoir relancé la crise sanitaire. Que ce soit au Québec ou en Suisse, le nombre de cas augmente et les restrictions ou obligations viennent nous rappeler au quotidien que la pandémie est toujours là. Cependant, c’est une autre crise dont je veux vous parler aujourd’hui : la crise climatique. La Californie est en feu et ça se ressent jusqu’au Québec.

J’habite à près de 5 000 km de la Napa Valley et pourtant, j’ai senti l’odeur de la fumée des feux de Californie ces derniers jours ! La violence de ces incendies a projeté des cendres assez haut dans l’atmosphère pour que les vents les voyagent jusqu’au Québec. Cette odeur vient réveiller un souci que nous avions un peu oublié depuis l’hiver dernier : nous vivons une crise climatique.

Comment tout peut vite partir en fumée…

Lorsque Kim Nalley est rentrée chez elle, le 19 août dernier vers 21 h 30, elle a été frappée par la force du vent qui venait des montagnes. Mais l’horizon était à peine teinté de rouge, malgré les incendies de broussailles qui sévissaient plus loin dans la région depuis trois jours.

La maison de la famille Nalley avant le passage de l’incendie… Source : La Presse – Photos Famille Nalley

Rien d’inquiétant. « Ça avait l’air vraiment très, très loin », raconte l’assistante dentaire à la retraite. « Mais vers 22 h 30, quand j’ai voulu aller me coucher, mon mari m’a dit qu’on allait peut-être être évacués et de me préparer. » Étonnée, elle a regardé dehors : le ciel avait totalement changé de couleur. Il était devenu rouge. Très rouge. 

« Je me suis dit : “Oh, ce n’est pas bon.” » 

La résidante de Quail Canyon, un secteur de Vacaville, à environ 120 kilomètres au nord-est de San Francisco, ne sait pas combien de temps elle a pris pour remplir sa voiture de biens auxquels elle tenait. Mais alors qu’elle effectuait son quatrième voyage, les flammes étaient visibles sur la colline tout juste derrière chez elle. 

« Et là, tout était rouge vraiment partout. Ça s’est passé très, très vite. » À minuit, sa maison était touchée par les flammes. Quelques heures plus tard, il n’en restait plus rien.

La maison de la famille Nalley après le passage de l’incendie… Source : La Presse – Photos Famille Nalley

Ce récit poignant raconté par la journaliste Marie-Claude Lortie, envoyée spéciale en Californie, dans l’édition du journal La Presse du 18 septembre dernier, montre comment tout peut basculer très vite.

Le climat s’invite dans la campagne présidentielle

« Ça finira par se refroidir », déclarait Donald Trump alors qu’il visitait la Californie le 14 septembre dernier. Évidemment, son adversaire aux prochaines élections présidentielles, Joe Biden, s’est empressé de bondir sur cette déclaration à l’emporte-pièce : « Si on donne à un pyromane du climat quatre années de plus à la Maison-Blanche, comment pourrait-on s’étonner que l’Amérique s’embrase encore davantage ? »

Après la gestion de la pandémie, après le climat de haine raciale qui traverse les États-Unis, les changements climatiques s’invitent à leur tour dans la campagne. Ici aussi, les avis sont tranchés. « Les preuves observées parlent d’elles-mêmes : le changement climatique est réel et il aggrave les incendies », énonçait Gavin Newsom, gouverneur démocrate de Californie.

« Je ne pense pas que la science sache réellement », lui répliquait le candidat républicain, qui tient régulièrement des propos climatosceptiques. « Nous avons le choix, nous pouvons nous engager à avancer ensemble, car nous savons que le changement climatique est un défi existentiel qui va déterminer l’avenir de notre pays », ou « nous pouvons choisir la voie de Donald Trump : ignorer les faits, nier la réalité, ce qui revient à baisser les bras complètement », concluait le candidat démocrate.

Ailleurs, il faudrait passer de la parole aux actes.

On peut bien se désespérer de ce qui se passe actuellement aux États-Unis, mais force est de constater qu’un peu plus au nord, ce n’est pas beaucoup mieux. Certes, le Canada n’est pas dans le déni. Le premier ministre Justin Trudeau a des discours bien plus « politiquement corrects ».

« On va planter deux milliards d’arbres au cours des dix prochaines années. Point final », écrivait sur Twitter le premier ministre Justin Trudeau le 27 septembre 2019, le même jour où il rencontrait la jeune militante écologiste Greta Thunberg. Une année plus tard, il a mis plusieurs jours à répondre à une question d’une journaliste, pourtant le décompte était facile : zéro !

Bon c’est facile de tirer sur le premier ministre du pays qui produit le pétrole le plus polluant qui soit, celui tiré des sables bitumineux des grandes plaines canadiennes. Mais je crois que personne ne fait beaucoup mieux. On parle beaucoup, on fait des promesses, mais au final, on prend son temps et, pendant ce temps, les odeurs de fumée se font sentir à 5 000 kilomètres…

Pierrot Métrailler

Les incendies californiens en quatre chiffres (17 septembre 2020)

San Francisco et son célèbre Golden Gate se trouvaient sous un ciel orangé le 9 septembre dernier. Source : La Presse – Photo Frederic Larson, Archives Associated Press

2 000 000 

Nombre d’hectares qui ont déjà été brûlés cette année par les incendies dans l’Ouest américain. C’est l’équivalent de 46 fois l’île de Montréal. Plus de 900 000 hectares sont en Californie, ce qui surpasse tous les bilans précédents depuis les années 30, date à laquelle les incendies ont commencé à être recensés. 

7600 

Nombre d’incendies qui se sont déclenchés dans l’État de la Californie, seulement en 2020. Pendant toute l’année dernière, il n’y en a même pas eu 5000. Il s’agit d’un bond de 50 %. Or, la saison des incendies est loin d’être terminée. 

Plus de 30 

Nombre de morts causées par les incendies dans l’Ouest américain depuis le début de l’été. La plupart sont survenues ces deux dernières semaines. 

17 000 

Nombre approximatif de pompiers qui luttent toujours activement contre la propagation des incendies. Une vingtaine de foyers d’envergure continuent de faire rage en Californie, selon les données des autorités locales. 

Henri Ouellette-Vézina, La Presse du 17 septembre 2020

18 septembre 2020

Fusion de communes, Lévis, un exemple québécois

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Quelques semaines après la présentation du « Grand Sion » par les autorités de la capitale valaisanne, il m’a semblé intéressant de vous parler du modèle québécois. Non pas que la démarche a été parfaite, mais elle donne quelques éléments de réflexion. Initié de manière « dirigiste » au début du XXIe siècle, l’exemple de ma ville de Lévis s’analyse plus sereinement 20 ans plus tard.

« La capitale suisse des Alpes », « réconcilier la plaine et la montagne », « un rêve à vingt ou trente ans », « aujourd’hui, nous lançons un pavé dans la mare.» Le 26 août dernier, Philippe Varone, le président de Sion, imaginait une ville de 65 000 à 90 000 habitants à l’horizon 2050.

Il relançait ainsi un débat que j’ai toujours connu. Sion fusionnait avec Bramois en 1968 alors que je n’avais que deux ans. Durant toutes mes années au Grand conseil, j’ai toujours eu l’impression qu’une fusion se discutait quelque part. Cette envie de grandeur et de rationalité n’est ni seulement valaisanne ni seulement suisse, elle existe un peu partout à travers le monde.

Le cœur de l’ancienne ville de Lévis vue depuis le Saint-Laurent. Source : Ville de Lévis

Réorganisation municipale

En juin 2000, Louise Harel, ministre d’État aux Affaires municipales et de la métropole déposait un livre blanc intitulé : La réorganisation municipale : changer les façons de faire pour mieux servir les citoyens. C’est à partir de ce rapport que ce que les journalistes n’allaient pas tarder à appeler « Le dossier des fusions forcées » s’enclenchait.

Dix-huit mois plus tard, toutes les grandes communautés urbaines du Québec (18 au total) étaient fusionnées avec plus ou moins d’envie. Cet accouchement aux forceps coûta certainement le pouvoir au Parti québécois qui fut battu aux élections de 2003 par le Parti libéral.

Le gouvernement de Jean Charest nouvellement élu s’empressa alors d’amorcer un processus référendaire pour permettre aux municipalités qui le voulaient de « défusionner ». Les nouvelles villes de Québec et surtout Montréal perdirent alors une partie de leur cohérence.

L’exemple de Lévis

Dans la ville où je réside depuis mon arrivée au Québec, le processus de fusion se passa sans trop de tiraillement. « Ce ne fut pas la joie totale, mais on accepta de faire avec. Cette relative indifférence nous fut très profitable, car nos autorités ont pu travailler plus sereinement », explique Pierre Lainesse, ancien conseiller municipal de Lévis (2013 – 2017).

Il faut savoir qu’au Québec, les municipalités n’existent que par la volonté du gouvernement de la province. C’est lui qui leur délègue des pouvoirs et leurs ressources financières proviennent principalement des taxes d’habitation et qui les oblige à présenter un budget équilibré. Ainsi, lorsque le gouvernement « encouragea » les fusions, Lévis, comme les autres, s’exécuta.

La nouvelle ville naquit du regroupement de dix municipalités qui s’étendaient sur près de 450 km2 (40 km de long sur un peu plus de 10 km de large) au sud du Saint-Laurent en face de la ville de Québec. Ce nouveau découpage était naturel puisqu’il recoupe en grande partie l’ancienne Seigneurie de Lauzon qui est à l’origine de l’occupation de cette partie du territoire par les Européens depuis le XVIIe siècle.

Avantages / inconvénients

« La capacité de manœuvre de la ville s’est trouvée agrandie par ce regroupement. La ville pouvait offrir plus de services dans des domaines comme la culture ou les sports par exemple », souligne Pierre Lainesse. Avec 150 000 habitants aujourd’hui, Lévis est la septième ville du Québec avec une masse critique intéressante sans les inconvénients des grandes métropoles ni ceux des petites entités qui peinent à être pleinement autonomes.

Pierre Lainesse, conseiller municipal de 2013 à 2017 à Lévis et guide touristique sur le fleuve entre Québec en arrière-plan et Lévis. Source : Pierre Lainesse

« C’est certain qu’on a perdu de la proximité et de la souplesse. L’administratif prend une plus grande place. Les petites choses prennent plus de temps, car la spécialisation a pris le dessus sur la polyvalence des employés », ajoute encore l’ancien conseiller municipal.

La taille de la ville permet encore d’avoir des contacts directs avec le maire qu’on peut croiser dans la rue, même si c’est moins fréquemment que dans l’ancienne municipalité de Saint-Joseph-de-Lauzon qui avait 1 000 habitants avant la fusion. Cette taille permet surtout une occupation du territoire plus cohérente et une meilleure répartition des services.

« Tranquillement pas vite »

Lévis a su faire les choses intelligemment et gentiment, « tranquillement pas vite », comme on dit ici. Les employés municipaux ont été replacés dans des postes équivalents sans perte de salaire. On a gardé un découpage pour les cercles électoraux qui permettent d’élire les 15 conseillers municipaux qui respectent les anciennes entités.

Surtout, Lévis, la ville de base qui représentait près de la moitié des habitants avant la fusion n’a pas accaparé toutes les institutions, même si son nom s’est imposé par évidence. Aujourd’hui, la mairie se trouve à Saint-Romuald, au centre de la nouvelle municipalité et les services (bibliothèques, salles de sports, patinoires, piscines, salles de spectacles, écoles, etc.) sont bien répartis sur tout le territoire.

On a attendu 13 ans pour renommer les rues qui portaient le même nom. Poste Canada demandant la dénomination Lévis pour tout le territoire, il a fallu éliminer les doublons. « 10 ans ont été nécessaires pour créer une nouvelle identité lévisienne même si l’attachement aux anciennes paroisses ou villages demeure fort », explique encore Pierre Lainesse.

Le temps, la cohérence et le respect semblent être les maîtres mots pour un processus réussi même sous la contrainte initiale. Évidemment, l’exemple de Lévis ne peut pas être importé directement sur la réalité valaisanne, mais une ville de 40 kilomètres de long (Sierre – Martigny) de près de 150 000 habitants (à peu près la population de la plaine du Rhône entre Sierre et Martigny) peut vivre sereinement…

11 septembre 2020

Élections américaines, une campagne sanglante

La semaine passée, je vous parlais de la « sénilité » des candidats à la présidence des États-Unis. Mais le fait que le pays aura à coup sûr le plus vieux président de son histoire n’est qu’une anecdote en regard du climat dans lequel se déroule cette campagne. À l’heure où j’écris ces lignes, on commence à compter les morts et les choses sérieuses commencent à peine…

Un policier marche à l’intérieur du périmètre de sécurité établi dans le secteur où Michael Reinoehl a été tué. Source : Radio-Canada, Reuters, Ted Warren

« Michael Reinoehl, 48 ans, a été tué lors d’une intervention de policiers fédéraux à Lacey, dans l’État de Washington, alors qu’il venait de quitter un appartement et de grimper dans une voiture », pouvait-on lire sur le site de Radio-Canada le 4 septembre dernier.

Une histoire de règlement de compte

Si Michael Reinoehl a été abattu, ce n’est pas une bavure policière, c’est suite à un échange de coups de feu. « Des coups de feu ont été tirés à l’intérieur du véhicule. L’individu a fui le véhicule, et des coups de feu supplémentaires ont été tirés », déclarait le porte-parole du bureau du shérif du comté de Thurston où a eu lieu la fusillade.

Michael Reinhoel était soupçonné d’avoir abattu Aaron « Jay » Danielson. Cet homme de 39 ans, qui était membre d’un groupuscule d’extrême droite nommé Patriot Prayer, a été abattu d’une balle à la poitrine le 28 août dernier. Il faisait partie d’un groupe de partisans du président Trump qui patrouillait dans le centre-ville de Portland et qui a été impliqué dans des affrontements avec des manifestants du mouvement.

Portland est le centre de la contestation qui dure depuis plus de 100 jours, depuis l’assassinat de George Floyd, ce noir étouffé sous le genou d’un policier à Minneapolis le 25 mai 2020. La vidéo des plus de 8 minutes d’agonie de ce père de famille a fait le tour du monde et a mis le feu aux États-Unis et ravivé le mouvement Black Lives Matter (La vie des Noirs compte).

Des tensions raciales exacerbées

Vu d’Europe, les tensions raciales américaines peuvent paraître un peu folles au XXIe siècle, mais quand on vit aux États-Unis ou tout proche, on prend mieux conscience de l’ampleur de l’abîme qui sépare les suprématistes blancs des descendants des esclaves africains.

Un siècle et demi après la Guerre de Sécession (1861-1865), une véritable guerre civile qui a opposé les États-Unis d’Amérique, dirigés par Abraham Lincoln, et les États confédérés d’Amérique, dirigés par Jefferson Davis et rassemblant onze États du Sud qui avaient fait sécession des États-Unis, Donald Trump a ravivé les flammes de la discorde.

Les émeutes qui ont suivi la mort de George Floyd, comme celles qui naissent régulièrement après les nombreuses « bavures » policières, ont donné l’occasion au président des États-Unis de détourner l’attention de sa calamiteuse gestion de la pandémie de Covid-19.

Si en 1968 Richard Nixon s’est fait élire en se proclamant comme le candidat de « La loi et l’ordre » après les émeutes qui ont secoué l’Amérique suite à l’assassinat de Martin Luther King, pourquoi Donald Trump n’en ferait pas autant ? En tout cas, il n’a pas hésité à sauter sur cette occasion.

Kenosha, nouvelle ville martyre

Le 23 août dernier, un policier blanc a tiré à sept reprises dans le dos de Jacob Blake, un Noir de 29 ans, le laissant paralysé. La ville de Kenosha dans le Wisconsin est depuis touchée par des dégradations et des pillages. Une fois de plus, une vidéo qui a fait le tour du monde a mis le feu aux poudres.

Quelques jours plus tard, Kyle Rittenhouse, militant américain d’extrême droite de 17 ans semble avoir fait feu. Il est aujourd’hui accusé d’avoir tué deux manifestants et d’avoir gravement blessé un autre lors d’une bataille autour d’une station-service où des manifestants bravaient le couvre-feu et des contre-manifestants, armés et organisés en quasi-milice entendaient « protéger » la ville des destructions.

Kyle Rittenhouse photographié avec un fusil d’assaut. Source: Adam Rogan / The Journal Times via AP

Les deux candidats à la Maison-Blanche ont visité la ville martyre les jours suivants. Joe Biden pour offrir ses sympathies à la famille de la victime et réclamer une enquête rigoureuse sur les faits et Donald Trump pour prendre la défense de Kyle Rittenhouse. Il a suggéré que l’adolescent de 17 ans avait agi en légitime défense et qu’il avait été très violemment attaqué par des manifestants.

Et l’élection semble encore loin.

Ce climat quasi insurrectionnel n’annonce rien de bon pour l’élection du début novembre. Surtout, que le président sortant ne rate pas une occasion de mettre en doute la validité du vote. Que ce soit en accusant d’ores et déjà le vote par correspondance d’être faussé ou en insinuant les tricheries les plus loufoques, il met la table pour une éventuelle contestation judiciaire.

Car il apparaît de plus en plus clairement que si les Grands électeurs ne le donnent pas gagnant, il pourrait avoir de la réticence à quitter le pouvoir. Dernièrement, il a même été jusqu’à demander à ses électeurs de voter deux fois : une fois par correspondance et une fois dans les urnes pour prouver que la fraude était possible…

Face à une telle « inconscience » démocratique, le pire est à prévoir.

Pierrot Métrailler

pierrot.metrailler@gmail.com

Légende :

Un policier marche à l’intérieur du périmètre de sécurité établi dans le secteur où Michael Reinoehl a été tué. Source : Radio-Canada, Reuters, Ted Warren

Kyle Rittenhouse photographié avec un fusil d’assaut. Source: Adam Rogan / The Journal Times via AP

4 septembre 2020

Élections américaines, un duel perdant

Dans deux mois, les États-Unis éliront un nouveau président. Chaque quatre ans, le moment est important pour le monde entier et 2020 sera fidèle à la tradition. Quel que soit le résultat, les interactions mondiales en seront affectées, mais il est difficile de croire que le monde s’en portera mieux après le verdict du 3 novembre 2020. Le choix entre deux vieillards sera un véritable choix de société, mais il n’augure rien de bon.

Depuis la première élection de Georges Washington en 1788-1789 (le processus électoral dura 1 mois entre décembre 1788 et janvier 1789), nous en serons à la 59e élection. Ce qui est sûr, c’est que celle-ci ne se fera pas à l’unanimité des grands électeurs comme en 1789 (69 votes). 2020, comme régulièrement depuis 1856, verra s’affronter un candidat républicain et un candidat démocrate.

Mais, une autre chose sera assurément historique : 2020 verra l’élection du plus vieux président des États-Unis. Que ce soit Donald Trump, 74 ans ou Joe Biden, 77 ans, ils battront Donald Trump élu une première fois à 70 ans ou Ronald Reagan, élu à 69 ans. On est loin des 42 ans de Théodore Roosevelt ou des 43 ans de Kennedy (Clinton avait 46 ans et Obama 47 ans lors de leurs élections). 

À ma gauche, un vieillard « sénile »

« Est-ce que Joe Biden a les capacités mentales pour garder l’Amérique en sécurité ? Est-ce que Joe Biden est cohérent ? Est-ce que Joe Biden souffre de démence ? Dans un monde qui perd la tête, nous n’avons pas besoin d’un président qui a déjà perdu la sienne », avertit la voix du narrateur[1] d’une publicité diffusée par le camp de Donald Trump.

Le vieillard de gauche et sa minorité visible (Joe Biden et Kamala Harris) – Source : New York Post

La technique des questions est bien connue et chacun y apportera les réponses qu’il veut, mais les facultés cognitives du candidat désigné par la convention démocrate peuvent interroger. Bien sûr, son médecin personnel assure qu’il est apte à gouverner le pays le plus puissant au monde, mais depuis « Ces malades qui nous gouvernent[2] » paru en 1976, on sait ce que valent ces jugements.

La situation sanitaire actuelle est peut-être la chance de Joe Biden. Menant une campagne depuis son sous-sol, avec des enregistrements qu’il maîtrise, il peut livrer le meilleur de lui-même. Heureusement, il a su choisir une candidate à la vice-présidence qui lui assure un soutien de taille. Kamala Harris est une femme brillante. Il y a donc de l’espoir.

À ma droite, un vieillard « sénile »

Le directeur de l’Institut et Clinique MoCA se montre tout aussi circonspect en abordant le cas de Donald Trump. Celui-ci a suscité la risée la semaine dernière en se vantant d’avoir réussi avec brio l’Évaluation cognitive de Montréal (créé par la clinique MoCA) lors d’interviews accordées à Fox News. Lors d’une de ces interviews, il a répété à trois reprises les cinq mots qu’on lui avait demandé de retenir il y a deux ans. Personne. Femme. Homme. Caméra. TV[3].

Le vieillard de droite et son valet (Donald Trump et Mike Pence) – Source New Statesman

Vous me direz qu’il n’y a pas besoin de test pour se rendre compte de la « sénilité » de Donald Trump, ces quatre années de présidence le démontrent. Ne soyez pas si sûr, beaucoup d’Américains l’admirent et, comme l’a dit sa fille Ivanka à la convention républicaine, ils sont satisfaits de son bilan, surtout économique : « Je reconnais que son style de communication ne plaît pas à tous et que ses messages sur Twitter sont sans filtre, mais les résultats parlent d’eux-mêmes[4] ».

Malheureusement, quand un président bouscule les conventions pour se mettre en vedette chaque soir de sa convention de nomination, quand la moitié des têtes d’affiche sont des membres de sa famille et que la loyauté personnelle envers le chef prime avant tout, on peut parler d’un culte[5]. Personne ne peut dire qu’en traitant ainsi le parti d’Abraham Lincoln on marche dans la bonne direction.

Au centre, « Black Lives Matter »

D’autant plus que les États-Unis sont actuellement déchirés. « À aucun moment auparavant, les électeurs n’ont été confrontés à un choix plus clair entre deux partis, deux visions, deux philosophies ou deux programmes. Cette élection décidera si nous sauvons le rêve américain ou si nous permettons à un programme socialiste de démolir notre cher destin. Personne ne sera en sécurité dans l’Amérique de Joe Biden », a déclaré le président au cours d’un discours de 70 minutes prononcé sur un ton monocorde lors de son discours d’investiture.

Exploitant le décor majestueux de la Maison-Blanche pour accepter la nomination du Parti républicain à titre de candidat présidentiel, une entorse sans précédent aux normes politiques de son pays, Donald Trump s’est livré à une attaque en règle contre son rival démocrate[6]. Il a utilisé à son profit les émeutes qui secouent le pays depuis l’assassinat de George Floyd le 25 mai 2020 et ravivées par la bavure policière contre Jokob Blake le 23 août 2020.

Au sol, « Covid-19 »

« Si vous voulez parler de sécurité, le plus grand problème de sécurité est celui des personnes qui meurent de la COVID-19. Plus de personnes sont mortes durant le mandat de ce président qu’à n’importe quel autre moment de l’histoire américaine, au quotidien », déclarait Joe Biden en réponse au discours d’investiture du président Trump.

Les États-Unis sont déchirés entre ceux qui dénoncent les discriminations raciales, les injustices sociales et les inégalités du pays, qui jugent très négativement le premier mandat de Donald Trump et ceux qui veulent un pays sûr et sécuritaire, tout en admirant la prestation de leur président. Deux visions du monde s’affrontent sans discuter. Le débat est quasi impossible et les Américains doivent choisir leur camp. Malheureusement, il ne reste pas de place ni pour les compromis ni pour la raison.

Pas sûr que le verdict du 3 novembre prochain va permettre de cicatriser les plaies qui éventrent la société américaine d’aujourd’hui.


[1] La Presse, 20 juillet

[2] Ces malades qui nous gouvernent, Accoce Pierre & Dr Rentchnick Pierre, Stock, 1976 

[3] La Presse, 20 juillet

[4] La Presse, 20 juillet

[5] Le Journal de Québec, 27 août

[6] La Presse, 28 août

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