Ce mois d’octobre est un mois d’anniversaires au Québec. Il y a 50 ans, c’était la Crise d’octobre dont je vous ai parlé dans mes dernières chroniques et aujourd’hui, 30 octobre, c’est le 25e anniversaire du deuxième référendum sur l’indépendance. Ce second rendez-vous manqué n’est pas sorti de nulle part, mais il aura fait très mal aux indépendantistes qui attendent toujours une troisième occasion.
Dans ma chronique du 22 mai dernier, j’évoquais le premier référendum sur l’indépendance du 20 mai 1980 qui a vu 60 % de la population rejeter l’idée d’une « souveraineté-association » prônée par le premier ministre d’alors, René Lévesque. Au soir du référendum, il avait déclaré : « Si je vous ai bien compris… vous êtes en train de dire… à la prochaine fois. »
Quinze ans d’attente
Il faudra attendre 15 ans avant que cette prochaine fois arrive. Mais le gouvernement du PQ n’avait pas attendu cette défaite pour réformer en profondeur le Québec. Il terminera ce qu’on a appelé la Révolution tranquille et mettra pleinement en œuvre son programme social-démocrate. Il perdra le référendum de 1980, mais paradoxalement sera reconduit au pouvoir moins d’une année plus tard aux élections de 1981.
Ce paradoxe est loin d’être le seul de cette période où les Québécois ont largement soutenu René Lévesque au niveau provincial et Pierre Elliott Trudeau au niveau fédéral. Deux des plus grands adversaires dans leur vision du Québec ont été soutenus en même temps par les électeurs. Ça reste un grand mystère. Surtout que Trudeau n’allait pas tarder à trahir le Québec avec sa réponse au NON de 1980.
La nuit des longs couteaux
Nous connaissons tous en Suisse cette expression « Nuit des longs couteaux ». Qui ne se souvient pas de cette veillée d’armes entre le 11 et le 12 décembre 2007 ? Nous étions une équipe de radicaux valaisans descendus à Berne pour fêter l’élection de Notre Pascal à la présidence de la Confédération. Mais c’est l’éviction de Christoph Blocher qui marquera l’histoire.
La nuit des longs couteaux pour le Québec s’est déroulée le 4 novembre 1981 au Canada. Réunis à Ottawa, les dix premiers ministres des provinces canadiennes négocient avec le gouvernement fédéral de Pierre Elliot Trudeau sur son projet de rapatriement de la Constitution. Eh oui, le Canada dépendait encore de Londres pour sa constitution, il ne deviendra pleinement indépendant qu’en 1982 après le retour à Ottawa de sa Constitution. Ils sont divisés sur le projet de Trudeau. Le Québec veut garder ses spécificités historiques.
Plus rusé que Machiavel, Trudeau attend le départ de René Lévesque pour son hôtel de Hull au Québec, juste de l’autre côté de la rivière des Outaouais qui sépare cette ville de la capitale Ottawa, pour négocier secrètement avec les neuf premiers ministres anglophones. Au matin, au retour de René Lévesque, tout est joué. Un accord à neuf a été trouvé. Le Québec n’est plus qu’une province parmi d’autres. Son rôle fondateur a disparu.
En marche vers un nouveau référendum
Je vous passe tous les épisodes de la saga constitutionnelle qui a opposé Québec à Ottawa durant cette période entre les deux référendums. En 1985, les libéraux remplacent le Parti québécois à la tête du Québec alors que les conservateurs avaient défait les libéraux aux élections fédérales de 1984. Une nouvelle dynamique peut alors s’établir.
Deux tentatives d’accords sont alors tentées par le premier ministre canadien, Brian Mulroney, un Québécois. En 1987, les accords du lac Meech reconnaîtront le Québec comme « société distincte », mais trois ans plus tard, toutes les provinces ne l’auront pas ratifié et il sera alors rejeté.
Deux ans plus tard, les gouvernements fédéraux, provinciaux et les premières nations signent l’accord de Charlottetown pour une réforme constitutionnelle. Mais ce projet sera rejeté lors d’un référendum canadien par 55 % des votants (56 % de NON au Québec) le 26 octobre 1992.
Un vote des plus serrés
Les portes sont alors grandes ouvertes pour un nouveau référendum d’indépendance. Car ce refus permettra le retour au pouvoir à Québec du Parti québécois en septembre 1994 qui retrouvera face à lui le Parti libéral du Canada de retour au pouvoir à Ottawa en octobre 1993. Tout est en place pour un « remake » de 1980. Jacques Parizeau, chef du PQ est face à un autre Québécois, Jean Chrétien, premier ministre libéral du Canada.
« Acceptez-vous que le Québec devienne souverain, après avoir offert formellement au Canada un nouveau partenariat économique et politique, dans le cadre du projet de loi sur l’avenir du Québec et de l’entente signée le 12 juin 1995 ? » La question est plus courte qu’en 1980, plus claire aussi.
Le résultat lui, le sera moins. Après une campagne houleuse où le gouvernement fédéral ne se gênera pas pour intervenir. Trois jours avant le vote, près 150 000 Canadiens venus de toutes les provinces viennent déclarer leur amour pour le Québec. Ce sera suffisant de justesse. Le OUI l’emportera de 54 288 voix alors qu’une participation record de 93,5 % marquera ce scrutin.
Le premier ministre du Québec, Jacques Parizeau mettra cette défaite sur le dos « de l’argent et des votes ethniques ». Cette déclaration hantera longtemps les indépendantistes qui attendent toujours une troisième tentative.