Valais Libre

31 janvier 2012

1973 – De l’inconvénient d’être né, Emil Cioran (1911 – 1995)

Filed under: d. petite anthologie de la littérature française — vslibre @ 6 h 58 min

Ouvrage d’un pessimisme torride… Le plus grand malheur de l’homme ce n’est pas de mourir, mais de naître ! Le titre est éloquent, le ton du discours donné… on n’est pas là pour rigoler.

A partir de cette idée, Cioran nous entraîne dans un univers tellement noir qu’il en devient presque agréable. A travers des pensées brèves, des maximes, Cioran nous convie dans un monde où tout est vain, inutile. La vie n’a pas de sens et tout serait mieux si on n’était jamais sorti du néant…

« Un livre est un suicide différé »

« Dès qu’on commence à vouloir, on tombe sous la juridiction du démon »

« Tout succès est infamant : on ne s’en remet jamais, à ses propres yeux s’entend »

Voilà le genre d’aphorisme que nous propose Emile Michel Cioran. A déguster sans modération, mais avec un peu de recul.

Hier, Agota Kristof

Filed under: f. livres divers — vslibre @ 6 h 55 min

Sander Lester rêve. Il attend Line. Toute sa vie tourne autour de cette attente. Line viendra, c’est sûr. Il s’y prépare. L’usine, le travail à la chaîne, c’est sa vie d’émigré. Puis un jour, dans le bus qui le mène à l’usine, il connaît Line. Ils tomberont amoureux…

Line, c’est le retour à son enfance. Il s’appelait Tobias Horvath. Il habitait tout au bout du village, avec sa mère. La misère. Elle recevait les hommes pour survivre, surtout l’instituteur, le père de Line. C’était son père aussi. Il l’a découvert avant de le transpercer d’un coup de couteau. Il faisait l’amour à sa mère après lui avoir craché son dédain.

Tobias n’a pas tué son père, comme il n’a pas tué le mari de Line. Il a essayé. Il a échoué.

Une triste histoire un peu sordide qui n’offre que peu de lumière. Le style est agréable et cru.

 Seuil, septembre 1995

Dr Joseph-Hyacinthe Grillet (1807 – 1867)

Filed under: l. portraits historiques du PLR Valais — vslibre @ 6 h 52 min

Dr Joseph-Hyacinthe Grilleti

Alors que d’autre se battent les armes à la main pour défendre la liberté, Joseph-Hyacinthe Grillet s’engage avec sa plume, contribuant ainsi à la naissance de la presse libérale en Valais, et avec ses convictions pour améliorer les conditions de la santé publique.

Joseph Grillet, cordonnier, originaire de Châtel-sur-Abondance, s’établit à Onion dans le Faucigny, puis à Saint-Gingolph où il épouse Marie Derivaz ; de leur union, le 25 novembre 1807, naît Joseph-Hyacintheii; il fonde un foyer avec Henriette Advocat, fille de l’imprimeur sédunois Antoine Advocat et soeur de l’imprimeur Louis Advocat.

Joseph-Hyacinthe entreprend des études de médecine et de chirurgie à Vienne puis à Berlin où il obtient un doctoratiii en 1838. Lorsque, dans le courant de 1839, il revient en Valais, il constate l’incurie du domaine sanitaire et est offusqué par les pratiques ancestrales de la médecine, conséquences du faible niveau d’instruction de la population et du peu d’importance qu’elle porte à sa santé ; il dénonce les pratiques illégales des guérisseurs et autres rhabilleurs.

Les mandats politiques

Au plan cantonal, le Dr Grillet fonctionne en qualité de secrétaire du gouvernement provisoire cantonal (1847-1848) puis il siège au Grand Conseil de 1852 à 1857 et de 1865 à 1867; conseiller communal radical à Sion (1848-1853, 1859-1860, 1865-1867) ; président de 1850 à 1853, vice-président de 1859 à 1860iv ; son engagement se manifeste notamment par des mesures d’utilité publique comme la propreté des rues, l’assainissement de certaines places, le percement des remparts ou l’élargissement des voies de circulation. Le 3 novembre 1848, le Grand Conseil valaisan, le désigne comme député au Conseil des Etatsv (avec Joseph-Henri Ducrey vi) ; lorsqu’il est élu à la présidence de la municipalité de Sion, il n’accepte pas sa réélection au Conseil des Etats et est remplacé par l’avocat Joseph Rionvii.

Instruction et santé publique

Joseph-Hyacinthe Grillet exerce la médecine à Sion et, durant la saison des eaux, à Loèche-les-Bains ; il publie par ailleurs un ouvrage sur Loèche-les-Bains, son histoire, ses sources thermales, ses divers établissements publics et ses environsviii. Son engagement pour l’amélioration de la santé publique en Valais est considérable – souvent en association avec le Dr Maurice Claivaz – nous le voyons ainsi exercer différents postes : médecin du district de Sion ; en février 1853, le Conseil d’Etat le nomme au Conseil de santéix ; il participe à la création d’une société de secours mutuel à Sion et au plan cantonal ; président de la Commission sanitaire cantonale, auteur de divers opuscules de médecine. Chirurgien en chef des milices valaisannes, il fait partie de l’Etat-major du bataillon de Landsturm du contingent fédéral de l’arrondissement du Centrex.

Sa prédilection pour l’instruction, l’amène à exercer, de 1853 à 1857, le professorat au Lycée de Sion, sous le régime qui suit la réorganisation de nos collèges, où il occupe la chaire de littérature française.

Des activités journalistiques

Joseph-Hyacinthe Grillet, conscient du rôle important que peuvent exercer les journaux dans la formation de l’opinion publique, contribue à la création et au développement de la presse libérale ; en 1843 d’abord, avec quelques libéraux modérés, parmi lesquels l’avocat Joseph Rion, Louis Ribordy, le Dr Barmanxi, il participe au lancement du Courrier du Valais, avec sa devise Union et progrès, notamment pour procéder à une information objective dans les domaines « de l’ordre, de la liberté et du progrèsxii » ; dans un des premiers numéros, le rédacteur du Courrier réclame « des hôpitaux comme on en trouve chez tous les peuples civilisés » et lance un appel à « tous les hommes véritablement amis de leur pays, à tous les citoyens sensés qui ne se contentent pas belles théories, mais veulent des réalitésxiii. »

Lorsqu’en décembre 1844, le Courrier annonce « nous mourons sous l’étreinte de fer qui étouffe notre voix » et cesse de paraître en constatant que, pour le moment en Valais, l’existence de tout organe de l’opinion franchement libérale est impossiblexiv ; néanmoins, à l’automne 1846, un organe modéré, L’Observateur, avec sa devise « Bien faire et laisser dire », précédant l’instauration du gouvernement libéral de 1847, prend la relève ; le Dr Grillet se trouve bien évidemment parmi les initiateurs de cette nouvelle feuillexv ; dans les colonnes du nouvel organe, nous découvrons les premiers débats du Grand Conseilxvi relatifs à la formation des sages-femmes et aux cours d’accouchements, des délibération qui font suite aux rapports de médecins signalant que « bien des maladies, des infirmités tirent leur source de la négligence sur cet objet »xvii. Enfin, le 2 janvier 1861, lorsque le Confédéré du Valais voit le jour sur les presses de M. Laederich à Sion, le Dr Grillet en est tout naturellement le parrainxviii et membre du comité de rédaction qui entoure Victor Dénériaz.

En 1848, M. le Dr Grillet a l’honneur d’être reçu à l’unanimité, par le Grand Conseil, citoyen valaisan, en reconnaissance des services rendus, et de son dévouement au canton dans les moments les plus difficiles. Joseph-Hyacinthe Grillet, avec les Ribordy, Barman, Rion, Calpini et consorts, a largement contribué à la naissance de la presse libérale en Valais sans oublier son engagement en faveur de la santé publique des valaisans ; nous lui témoignons notre reconnaissance. Dans la journée du jeudi 25 juillet 1867, après une lente et douloureuse agonie, il décède aux Bains de Loèche ; dans son édition du 28 juillet 1867, Le Confédéré adresse un vibrant hommage à son ancien rédacteur et celui qu’il considère comme son « guide dévoué xix. »

 

Pour en savoir plus :

GRILLET Joseph-Hyacinthe, Loèche-les-Bains, son histoire, ses sources thermales, ses divers établissements publics, bains, hôtels, ses environs, Genève, 1866, 279 pages.

i Le Confédéré no 60 du 28 juillet 1867 – photo « Chroniques libérales-radicales/Confédéré 1867 ».

ii Charles-Hyacinthe selon nécrologie du Confédéré !!!!!

iii « De febribus inttermitentibus ».

v Pour la législature 1848-1850.

vi Le Journal du Valais no 76 du samedi 4 novembre 1848 – photo 22.12.2009/dsc01179.

vii Courrier du Valais – No 45 du samedi 1er juin 1850.

viii GRILLET Joseph-Hyacinthe, Loèche-les-Bains, son histoire, ses sources thermales, ses divers établissements publics, bains, hôtels, ses environs, Genève, 1866, 279 pages.

ix Courrier du Valais – No 11 du dimanche 6 février 1853 – photo 2.03.2010/ dsc01491.

x [note 146 et 148 p. 206 «Les aventures de ma vie (1822-1855) » in Annales valaisannes, 1994, p. 161-230.

xi BERTRAND J.-B., « Au berceau de la presse valaisanne », in Annales valaisannes, 1931, p. 39 et IMHOFF Léon, « Une grève dans l’imprimerie à Sion en 1845 » in Annales valaisannes, 1946, vol. 6, p. 143-152. [sauvegardé chez rg] [utile pour histoire des journaux].

xii BERTRAND j.-b, Le Valais – Etude sur son développement intellectuel à travers les âges ; p. 80.

xiii Courrier du Valais, no 6 du 18 janvier 1843 – photo 13.01.2010/DSC01233.

xiv Courrier du Valais, no 98 du 31 décembre 1844 – photo 19.01.2010/dsc01299.

xv COURTHION LOUIS, « Histoire de la presse valaisanne » in Wissen un Leben, 1911, cahier 12-14, p. 850.

xvi Sessions des 17, 18, 19 et 20 novembre 1846.

xvii L’Observateur no 12 du 21 novembre 1846 – PHOTO 15.12.2009/DSC01093/94.

xviii Le Confédéré du 15 novembre 1913.

xix Le Confédéré no 60 du 28 juillet 1867 – photo « Chroniques libérales-radicales/Confédéré 1867 ».

 

Un combat pour l’égalité des droits

Filed under: n. histoire du PLR Valais — vslibre @ 6 h 49 min

Un combat pour l’égalité des droitsi

Le dizain, du latin « desenus », « Zenden » en allemand – subdivision territoriale pour la récolte de la dîme ou référence aux dix anciennes terres du patrimoine de l’Eglise de Sion – le mot est remplacé par district avec la Constitution du 3 août 1839ii.

Les institutions sont fondées sur un système qui favorise l’oligarchie et privilégie l’aristocratie. Au plan communal – cellule de base du dizain – le pouvoir est exercé par un Conseil dont les membres sont nommés à vie ou pour une durée de douze ans ; lors d’un renouvellement – une procédure très particulière – le citoyen annonce de vive voix le nom du candidat qu’il choisit sur une liste établie par d’anciens élus et ne comportant que des aristocrates voire des petit bourgeois. Ce sont ces conseillers communaux qui nomment les membres du Conseil de dizain qui à son tour désigne ses représentants à la Diète.

Chaque dizain dispose indistinctement de quatre députés à la Diète cantonale. Ainsi le Haut-Valais dispose de 28 délégués et le Bas-Valais de 24 – l’évêque possède quatre voix – une situation qui donne une majorité au Haut-Valais ; force est de constater que la représentation de la Diète n’est pas proportionnelle à la population puisque le Haut-Valais avec ses 22’660 habitants dispose d’un nombre supérieur de délégués au Bas-Valais avec ses 36’518 âmes ; la souveraineté est exercée par les dizains et non par le peuple. Une situation d’autant plus  inéquitable, puisque les charges, notamment fiscales, sont réparties en proportion de la population. Ces « suprématies » et privilèges « concédés » au Haut-Valais, au clergé et à l’aristocratie sont autant de signes de mécontentement qui constituent les symptômes d’une période de troubles.

De plus, dans ce régime, la séparation des pouvoirs est inexistante ; les cinq conseillers d’Etat nommés par la Diète sont membres de droit de la députation de leur dizain à la Diète ; le Grand Bailli préside et la Diète et le Conseil d’Etat.

Pour les libéraux, une telle discrimination est inacceptable et c’est dans cet esprit que, le 13 novembre 1833, leurs représentants des dizains de Martigny, Entremont, St-Maurice et Monthey adressent une pétitioniii au Conseil d’Etat pour réclamer la représentation proportionnelle des députés à la Diète cantonale. Celle-ci décide de ne pas traiter leur demande lors de la session de novembre et d’en débattre à celle de mai 1834 pour finalement décider de la reporter « à des temps moins troublés ».

Toutefois les adeptes d’un changement de régime ne baissent pas les bras et se constituent en associations comme « l’Union patriotique valaisanne »iv, la « Société des Carabiniers » ou encore la « Jeune Suisse » pour réclamer la révision.

i ARLETTAZ Gérald, « Les tendances libérales en Valais 1825-1839 », in Vallésia LXIII 2008, p. 32, 34, 35, 36, 40…

BERTRAND J.-B., « 1831-1833 Le Valais et la révision du Pacte de 1815 – La bastonnade de Martigny », in Annales valaisannes ????, p. 13, …

SEILER Andreas, Histoire politique du Valais – 1815-1844, p. 30, …

voir aussi HILTY p. 373 et suivantes.

ii LIEBESKIND, « L’Etat valaisan », in Annales valaisannes…., p. 30, 71. [sauvegarde rg] – [trois sont situées en dessous de la Morge, en dehors de la « Patria Vallesii » et sept à l’intérieur de celle-ci – ce sont les VII Dizains du Pays du Valais]

iii Rédigée par Emmanuel Bonjean de Vouvry et le Dr Joseph-Hyacinthe Barman de St-Maurice – pour demander la modification de l’article 15 de la constitution de 1815 « chaque dizain est un Etat qui dispose indistinctement de quatre députés à la Diète cantonale ».

iv [voir La Jeune Suisse et ses débuts en Valais p. 139].

30 janvier 2012

Le sumo qui ne pouvait pas grossir – Eric-Emmanuel Schmitt

Filed under: f. livres divers — vslibre @ 7 h 17 min

Je vois un gros en toi, cette incantation de maître Shomintsu avait le don d’irriter le jeune Jun. A juste 15 ans, le jeune homme malingre survivait à Tokyo en vendant des breloques érotiques dans la rue. Révolté contre la vie, contre les hommes, contre sa famille, Jun se mentait constamment.

Les remarques du maître de sumo vont finir par le faire craquer. Il ira assister à un tournoi de sumo. Il en sortira transformé et entrera dans l’écurie de Shomintsu. Malgré ses efforts, il ne grossira pas. Il tombera amoureux de Reiko. Il faudra changer son intérieur, faire face à son passé pour progresser dans l’art du sumo. Il y arrivera. Alors il quittera le milieu, car c’est le chemin qui est important, pas le but !

Eric-Emmanuel Schmitt nous offre une petite leçon de vie où la sagesse orientale vient heurter notre vision du monde. Un livre court et profond.

Albin Michel, mars 2009

1978 – Le fleuve Alphée, Roger Caillois (1913 – 1978)

Filed under: d. petite anthologie de la littérature française — vslibre @ 7 h 13 min

Le fleuve Alphée se jette dans la mer Méditerranée, la traverse et redevient fleuve dans l’îlot Ortygie en face de Syracuse. Il remonte l’îlot pour finir par disparaître aspiré par la terre.

C’est cette fable grecque qui a inspiré Roger Caillois dans ce récit en grande partie autobiographique. Ce n’est pas à proprement parlé une histoire, c’est plutôt une longue réflexion sur son parcours de vie.

Ayant appris à lire très tard, Roger Caillois a vite fait de rattraper le temps perdu en se lançant dans des lectures boulimiques, c’est une très longue « parenthèse » de sa vie. Il agrémenta son parcours par des passions tant végétales que minérales.

Ouvrage quelque peu décousu, la trame est difficile à suivre. Il me semble que Roger Caillois n’est pas tout à fait au clair avec sa pensée. Cela transparaît dans ses pages, au demeurant agréables à lire.

Adrien-Félix Pottier (1792 – 1855)

Filed under: l. portraits historiques du PLR Valais — vslibre @ 7 h 03 min

Adrien-Félix Pottieri

Adrien-Félix Pottier fait partie de ces libéraux engagés dès les années 1830 dans la lutte pour une représentation proportionnelle et une égalité des droits politiques entre le Haut et le Bas-Valais ; dévoué à la cause publique, défenseur de la justice et de la liberté, Adrien-Félix Pottier fait de l’action sa vertu et jamais il ne se demande « s’il était seul ou suivi, il alla toujours de l’avant ».

Les Pottier, originaires du Poitou, après une étape à Nantua s’établissent à Monthey ; fils de Jean-Claude et Marie-Josèphe née Meillat, Adrien-Félix naît le 5 octobre 1792 à Monthey ; il effectue sa scolarité à Monthey puis au collège de St-Maurice ; vers 1826 il unit sa destinée à celle de Claudine Juge pour fonder une famille ; il exerce la profession d’avocat à Monthey.

Son engagement pour la cause publique

De 1848 à 1850 puis de 1853 à 1855 il est vice-président puis président de la ville de Monthey; député à la Constituante de 1839 ; il représente les couleurs radicales au Grand Conseil de 1840 à 1844 puis de 1847 à sa mort en 1855 ; son attitude combative et sa grande popularité le font élire, le 15 octobre 1848, comme premier conseiller national de la région du Haut-Lac au sein du Parlement issu de la Constitution de 1848 ; réélu en 1851ii et en 1854 ; malheureusement emporté par la mort le 29 juillet 1855, il ne termine pas sa troisième législature et c’est Maurice-Eugène Filliez qui le remplaceiii.

Ses combats politiques

Quand bien même il faudrait un livre pour décrire le parcours politique d’Adrien-Félix Pottier, il nous plaît néanmoins d’évoquer dans ce billet quelques faits marquants de sa vie politique. Il se distingue dans ses prises de position, ainsi sa ténacité à la Diète lors de la session du 14 janvier 1839 devant la gravité de la situation : le grand bailli Maurice de Courten tergiverse sur la proposition des Bas-Valaisans pour une représentation proportionnelle à la Diète et finit par renvoyer la session à une date indéterminée ; une hésitation se produit alors dans les rangs bas-valaisans et quelques indécis, interloqués par une telle déclaration, font mine de se lever et de partir ; c’est alors que Adrien-Félix Pottier, conscient de l’importance du moment et vibrant d’émotion, se dresse de toute sa taille et de sa voix tonitruante ordonne à ses collègues : « assis, assis, Messieurs ! » ; ces quelques mots sont à classer parmi les déclarations qui, dans l’histoire, font basculer la destinée des peuples ; les députés libéraux reprennent leur place et, après avoir nommé Joseph-Hyacinthe Barman président de la Constituante, ils se mettent au travail pour réviser la Constitution de 1815 afin d’engager le Valais dans une voie réellement démocratique. Que serait advenu notre démocratie sans la volonté de celui que l’on peut considérer comme le « père de notre Grand Conseiliv ».

Adrien-Félix Pottier participe également aux combats sur le terrain, comme le 1er avril 1840, lorsque, à la tête de la compagnie bas-valaisanne, il occupe Saint-Léonard et repousse les Haut-valaisans ; par contre il ne prend pas part au combat du Trient en 1844 et se trouve, de ce fait, être l’un des rares chefs radicaux à demeurer aux pays, lorsque le Valais subit l’autoritarisme de Guillaume de Kalbermatten. En 1844, les représailles commencent lorsque le Grand Conseil décide de suspendre de leur fonctionv les députés libéraux ayant participé à la lutte pour l’égalité des droits ; alors que le tribunal centralvi poursuit sa redoutable inquisition, brandissant la menace de l’emprisonnement, Pottier demeure intraitable, résiste et intervient au Grand Conseil en luttant pour la légalité et la modération ; une telle démarche déplaît au gouvernement réactionnaire qui décrètevii une prise de corps à son égard ; il est brutalement arrêtéviii à son domicile pour être conduit à pied à Sion alors que des soldats pillent sa maison ; finalement, au moment de l’effondrement du « Sonderbund » Pottier est libéré.

La « Jeune Suisse » représente un autre engagement important pour Adrien-Félix Pottier ; il en est le fondateur et le premier président ; les membres de la « Jeune Suisse » souhaitent un nouveau pacte fédéral, un pouvoir central, la représentation proportionnée à la population, la suppression des privilègesix ; les « Jeunes Suisses » prennent une part active aux luttes du Bas-Valais pour sa libération en 1839 ; au début de 1841, ils réclament la suppression des « immunités » dont bénéficie le clergéx ; à la suite des exactions du clergé – excommunication, refus d’administrer les sacrements de baptême et de mariage – à l’égard des membres de la « Jeune Suisse », Félix-Adrien Pottier multiplie ses interventions auprès du Conseil d’Etat et de l’évêque afin que le clergé cesse ses persécutions non légitiméesxi. Pour Adrien Pottier, la « Jeune Suisse » évoque le rajeunissement du pays en y introduisant le concept de nationalité – le libéral Bas-valaisan ne doit-il pas d’abord être Suisse avant d’être Valaisan – et se veut une opposition à « tous les vieux abus, les vieilles injustices ». Dans un de ses discours à la « Jeune Suisse » il déclare « si vous voulez être de bons citoyens, soyez justes si vous voulez être libres. […] La vérité et la justice sont la source de la liberté. »

Adrien-Félix Pottier décède le 29 juillet 1855 en nous laissant l’exemple d’un homme qui consacra sa vie de citoyen à la chose publique ; il fut, comme l’écrivait Charles Boissard dans le Confédéré en août 1952, « un radical, un citoyen comme l’a conçu Alain en opposant l’individu à l’Etat ou à toute force puissante qui tend à restreindre les libertés de pensée ou matérielles ».

i Cf. « Adrien-Félix Pottier », in Le Confédéré no 90 du 12 août 1952 signé Charles Boissard [photo 12.03.2010/DSC01531/37]. P. Reichenbach, «Adrien-Félix Pottier (1792-1855)», in Ann. val., 2002, 63-115

ii Avec 1464 suffrages derrière ?? Barman.

iii Qui décède …. puis Maurice Claivaz.

iv REICHENBACH Pierre, « Adrien-Félix Pottier (1792-1855), in Annales valaisannes2002

v Le 29 août 1844, les députés Joseph et Maurice Barman, Joseph Abbet et les suppléants Ribordy, Morand, Giroud et Saudan cf. SEILER p. 575 ; décret du 30 mai 1844.

vi Décret du 24 mai 1844.

vii En 1846.

viii En 1847.

ix Cf. BERTRAND J.-B., à propos d’un centenaire, p. 1.

x SEILER p. 504.

xi Par exemple le 19 avril 1842 cf. SEILER p. 504-514.

La bastonnade de Martigny

Filed under: n. histoire du PLR Valais — vslibre @ 6 h 58 min

 

La bastonnade de Martignyi

Le refus de la Diète cantonale de réviser le Pacte de 1815 constitue un frein à la volonté des libéraux bas-valaisans d’instaurer l’égalité des droits populaires et renforce leurs convictions à poursuivre leur combat ; forts de leur attachement à la Confédération, ils se refusent à être les complices d’une décision qui entraînerait des « suites funestes ».

C’est dans cet esprit que le jeudi 11 avril 1833, ils se réunissent à Martigny pour délibérer sur le projet de révisions du Pacte et examiner quelles solutions permettraient de débloquer la situation. Une centaine de participants provenant de Monthey, de St-Maurice, etc., brassard fédéral au bras gauche, s’approchent du pont de la Bâtiaz drapeau fédéral – symbole de ralliement – et tambours en tête et entonnant la Parisienne, un hymne de la révolution parisienne de 1830ii ; vers 10 heures du matin, les montagnards, opposés aux libéraux et à leurs idées relatives au pacte Rossi, rameutés par le tocsin, accueillent les libéraux à coups de cailloux en les traitant de « traîtres, protestants, francs-maçons » lesquels les qualifient de «calotins, aristos » ; il est difficile de croire que le clergé, notamment du Grand St-Bernard, craignant un coup de force des libéraux, serait étranger à cette mobilisation. Dans l’une de ses chroniques sur ces événements, l’historien J.-B. Bertrand raconte cette piquante prière de l’un des ces montagnards qui, tout en implorant le seigneur encourage le sonneur du tocsin : « sonnapo fotré bas steu diâblôo ! ».

Les libéraux se réunissent à l’Hôtel de la Touriii ; une foule s’assemble alentours, le vin coule à flots, les esprits s’échauffent ; soudain des centaines de montagnards, descendus de la Combe, de Ravoire, des Râppes, armés de bâtons et de sabres cernent l’auberge de la Tour ; comme les libéraux refusent de quitter les lieux et de leur remettre le drapeau fédéral, cet emblème de sédition, les montagnards envahissent les locaux et ne ménagent pas les coups de triques sur les libéraux dépourvus de moyens de défense.

En mai 1833, la Diète fédérale décide de soumettre le projet de Pacte Rossi au vote de chaque Etat ; mais comme seulement dix et demi Etats l’adopte, il tombe dans les oubliettes. C’est toutefois compter sans la ténacité des libéraux bas-valaisans qui, irrités par lestergiversations puis le revirement de la Diète fédérale, exigent à nouveau le 17 janvier 1838, la révision du Pacte fédéral de 1815 afin que la Confédération intervienne plus efficacement dans les ménages cantonaux; en vain, puisqu’il faudra néanmoins patienter encore quinze années pour que le libéral projet de 1832 fasse place à la radicale constitution de 1848.

i BERTRAND J.-B., « 1831-1833 – … », in Annales valaisannes, p. …

ii Composé par Casimir Delavigne.

iii À proximité de l’église paroissiale – la Tour aujourd’hui collège des Frères Maristes.

26 janvier 2012

Saga québécoise – épisode 4 – Ixworth

Filed under: k. saga québécoise — vslibre @ 19 h 41 min

Ixworth, la sonorité du nom nous plonge dans l’atmosphère mystérieuse d’un film à sensations ou d’une série télévisée au suspens d’enfer. Ixworth est perdu dans la forêt québécoise. Un îlot de clarté au centre d’un décor féérique, majestueux, mais quelque peu inquiétant où les traces de vie se raréfient à mesure que l’on s’éloigne de Sainte-Onésime, le dernier village sur la route.

C’est dans ce décor que je me réveille en ce dimanche matin de janvier. La tête est vaseuse, le corps fatigué. La douche réparatrice prise dans la petite cabine au sous-sol du refuge forestier me redonne un semblant de vie. Je ne veux pas déranger ma blonde qui se pavane toujours dans les bras de Morphée, alors je me dirige vers la grande salle. Le coup d’oeil sur l’extérieur est vivifiant.

Une petite troupe de chevreuils profite des premiers rayons du soleil pour venir s’alimenter à la mangeoire généreusement garnie par le responsable des lieux. Trois timides cervidés débutent leur repas en tournant sans cesse la tête. La tension est palpable. Chaudement réfugiés derrière les vitres de la cabane, nous sommes toujours plus nombreux à apprécier le spectacle. Ce sera finalement une quinzaine de chevreuils qui viendront se rassasier sous nos yeux émerveillés.

Tout avait commencé la veille dans un petit restaurant en bordure d’autoroute à la Pocatière. Nous avions innocemment rejoint la « Gang de St-Gervais ». En dégustant un sous-marin au bœuf bien relevé et ses frites insipides, j’avais découvert les principaux membres de l’équipe. Les principales devrai-je dire, car à l’évidence dans le groupe ce sont les femmes qui portent le pantalon. L’aventure pouvait commencer.

La route qui monte vers le domaine d’Ixworth devient très vite complètement enneigée. La vitesse de la caravane ne diminue pas pour autant. Nous nous enfonçons de plus en plus dans une forêt dense. Les traces humaines se font rares. Nous croisons quelques pistes de motoneiges qui se perdent dans la forêt. Soudain, sans avertissement, nous nous retrouvons dans une clairière. Le refuge annuel de la « Gang de St-Gervais » est baigné de soleil. La forêt nous attend.

La neige crisse sous mes pas, malheureusement une des raquettes semble sans cesse vouloir se dérober. Pas le temps de s’arrêter, le groupe m’a déjà distancé lors d’une première tentative de réajustement de la raquette récalcitrante. Il faut suivre le rythme, la solution viendra plus tard. L’étroit sentier grimpe une bosse, les arbres majestueux sont inondés de lumière solaire. La chute, objectif de l’expédition, est proche. Le sirop d’érable spécial « Elise » viendra très vite réconforter le groupe. Une photo souvenir et déjà il faut prendre le chemin du retour. La nuit tombe tôt et les repères s’effacent vite. Mais ce n’est pas la seule raison de la hâte de la petite troupe. Je vais le découvrir bientôt.

La soirée me montre de nouvelles valeurs de ce pays. Finalement c’est comme en Valais, tous les prétextes sont bons pour faire la fête. L’apéritif de la « Gang » lance la soirée. Le petit couloir entre les chambres est bien vite devenu une fourmilière babillante. La visite aux poulets qui tournaient devant le refuge nous avait mis en appétit, ce fut donc avec envie que nous avons passé à table.

La bière coule à flot, la piste de danse est complète, l’ambiance torride. 150 bûcherons québécois, y compris leur blonde, dans une grande salle au milieu de la forêt : ça fait des dégâts, mais surtout c’est une atmosphère inoubliable. Merci à la « Gang de St-Gervais » et au domaine d’Ixworth, l’aventure fut magnifique.

St-Jean-Chysostome

Jeudi 26 janvier 2012

Trois chevreuils viennent prendre leur petit-déjeuner.

les poulets grillent, la soirée sera chaude.

 

1978 – La vie mode d’emploi, Georges Pérec (1936 – 1982)

Filed under: d. petite anthologie de la littérature française — vslibre @ 7 h 39 min

Georges Perec nous entraîne à la découverte d’un immeuble parisien.

Bartlebooth, homme très riche, a décidé de vouer sa vie à un projet aussi grandiose que chimérique.

Il apprend l’art de l’aquarelle durant 10 ans. Les 20 années suivantes, il visitera 500 marina à travers le monde. Il peindra chaque fois une aquarelle qu’il transformera en puzzle. De retour dans l’immeuble, Bartlebooth consacrera les 20 années suivantes à reconstruire ses puzzles. L’aquarelle sera reconstituée, renvoyée dans son port d’origine pour y être dissoute dans l’eau… Bartlebooth ne collectionnant que les feuilles blanches !

Roman-puzzle, la vie mode d’emploi, nous emmène dans un univers légèrement surréaliste, mais passionnant. On se pique facilement au jeu de la reconstitution des différentes histoires qui se chevauchent…

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