Je ne sais pas ce que Victor Hugo dirait de la politique québécoise. Il n’écrirait peut-être pas un aussi beau poème que « L’Expiation ». Elle ne mérite pas un tel chef-d’œuvre. J’avais promis de vous parler régulièrement de la campagne en cours. Je n’ai bien évidemment pas le talent du grand poète français, mais la situation ne le demande pas. Vous l’avez compris, terne est un mot qui convient bien à la situation.
La Coalition avenir Québec (CAQ) 40%, Québec solidaire (QS) 16%, Parti libéral du Québec (PLQ) 14%, Parti conservateur du Québec (PCQ) 14%, Parti québécois (PQ) 14% et la vingtaine d’autres partis 2%, le dernier sondage ne montre pas une grande évolution depuis l’ouverture officielle de la campagne au début du mois de septembre.
Le PQ prend 2% à la CAQ et 1% au PLQ, à QS et aux divers et le PCQ ne bouge pas. On ne peut pas parler de séisme et on peut présager que les résultats lundi prochain ne seront pas loin de cette image. Toutefois, ce ne sera pas le nouveau visage de l’Assemblée nationale du Québec. Système oblige. La CAQ aura presque assurément la majorité absolue pour ne pas dire plus.
Lutte pour devenir opposition officielle
Les autres partis vont lutter pour les miettes. Le PLQ est assuré de ne pas disparaître du parlement, car le soutien des anglophones lui assure quelques sièges dans des circonscriptions montréalaises. Pareil pour Québec solidaire qui tient quelques forteresses, mais il ne gardera peut-être pas ses 10 sièges.
Tout autre est la question pour le PQ et le PCQ. Le PQ va-t-il disparaître de la scène l’année du centième anniversaire de René Lévesque? Envisageable il y a quelques mois, la catastrophe semble s’éloigner. Il reste des châteaux forts dans l’est du Québec. Assistera-t-on à l’arrivée d’un nouveau parti à l’Assemblée nationale? Possible, voire probable. Les conservateurs semblent forts dans la région de Québec et dans la Beauce voisine.
Reste à définir qui sera l’opposition officielle, qui terminera deuxième au nombre de sièges. Ce n’est pas sans importance puisque l’opposition officielle est regardée comme le parti dont la tâche est de mettre un frein au pouvoir du gouvernement. Elle bénéficie aussi de l’avantage de pouvoir parler directement après le parti au pouvoir lors des débats parlementaires, sans parler d’un budget plus important alloué par l’État.
Difficile de se démarquer
Je vous le disais déjà il y a deux semaines, cinq partis avec des élus potentiels dans le système uninominal à un tour (celui qui a le plus de voix de la circonscription est élu) est une hérésie. La situation profite un peu trop au plus fort, surtout s’il est bien réparti sur le territoire. Le premier ministre en place marche calmement vers une réélection sans heurts, les autres chefs de partis doivent se démener.
« C’est une lutte entre Québec solidaire et la Coalition avenir Québec », a lancé dernièrement Gabriel Nadeau-Dubois. Le co-porte-parole de QS, le parti ne veut pas de chef, rêve en couleur et les commentateurs l’ont rapidement ramené sur terre. La lutte est entre les quatre partis minoritaires. Comme tous attaquent la CAQ, la cacophonie est grande et les électeurs n’entendent plus rien.
Des débats inaudibles
Les commentateurs en raffolent. Les chefs les redoutent. Ils doivent être décisifs. Ces maudits débats censés faire saliver tout le Québec furent encore pires que toute la campagne. Pourtant on nous annonçait monts et merveilles. Le premier face à face devait être décisif, car il allait enfin lancer la campagne. Le deuxième, encore plus, car il permettrait de repositionner la lutte. Il faut dire qu’ils étaient organisés par les deux principales télévisions rivales du Québec.
Tout d’abord le Face-à-face TVA et son format atypique avec quelques minutes à cinq, puis à deux… compliqué à gérer même pour un journaliste aguerri comme Pierre Bruneau sorti de sa récente retraite pour l’occasion. J’ai tenu trois minutes devant la télévision. Inaudible et ingérable comme prévu. Il n’a rien apporté de nouveau, tout en permettant aux analystes d’analyser le néant.
Ensuite le débat de Radio-Canada. Toujours cinq chefs et un animateur, mais plus discipliné, plus audible. J’ai tenu dix minutes. Entendre répéter les mêmes choses que durant la campagne, s’envoyer les mêmes répliques que sur Twitter… peu d’intérêt. J’écris ces lignes à dix jours du verdict, mais je mise déjà sur la phrase mythique du Québec : « il est 21h30 et j’annonce un gouvernement caquiste majoritaire! »