Valais Libre

30 avril 2021

Des visions sportives différentes de chaque côté de l’Atlantique

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 7 h 02 min
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Le projet de Super League de football européen, même s’il ne fut qu’un météore, a mis en lumière une différence fondamentale dans la conception du sport entre l’Europe et l’Amérique du Nord. Le tollé soulevé par cette proposition ne peut qu’étonner de mon côté de l’Atlantique où le sport est traité comme une affaire commerciale. Et ça fait longtemps que c’est comme ça.

Fulgurant et éphémère sont les deux premiers qualitatifs qui me viennent à l’esprit pour évoquer le projet de Super League de football qui a traversé le ciel sportif européen à la mi-avril. Les présidents des 12 clubs qui ont lancé cette nouvelle ligue sportive n’ont rien vu venir et n’ont rien compris de ce qui leur tombait dessus.

La véhémence et la violence des attaques contre cette idée étonnent dans ma région d’adoption. Ici, le sport est une affaire commerciale et personne n’y trouve rien à redire. La catastrophe arrive lors d’une vente et d’un déménagement. C’est ce qui est arrivé à Québec en 1995 lorsque les Nordiques sont devenus l’Avalanche du Colorado et que l’équipe s’est installée à Denver. Plus de 25 ans après, la ville ne s’est pas encore remise.

Partie de hockey à Montréal en 1893 à la patinoire Victoria où s’est déroulé le célèbre match de hockey disputé le 3 mars 1875, que l’IIHF reconnaît officiellement comme le premier match organisé de hockey sur glace. Source : William Notman & Son, avec la permission du Musée McCord/Wikimédia, CC)

Une ville de hockey

Québec est une ville de hockey. C’est d’ailleurs dans cette ville qu’est aménagée la première patinoire couverte en 1851 dans un hangar proche du Saint-Laurent. Même si le premier match officiel avec des règles claires a eu lieu à Montréal en 1875, Québec respire le hockey.

Un club de la ville a gagné deux fois la Coupe Stanley en 1912 et 1913. Malheureusement, les Bulldogs ont disparu après la Première Guerre mondiale et la ville a attendu 1979 pour retrouver une équipe dans la principale ligue professionnelle, la Ligue nationale (LNH ou NHL selon l’acronyme anglais). Et les choses n’ont pas été simples pour y accéder.

Car n’entre pas qui veut dans cette ligue « fermée ». Les équipes appartiennent à des investisseurs. Ces propriétaires sont aussi les dirigeants de la ligue; pas d’UEFA pour venir les empêcher de faire tranquillement fructifier leur argent. Il a fallu qu’un autre groupe d’investisseurs fonde une ligue concurrente pour faire bouger les choses.

L’aventure de l’AMH

L’Association mondiale de hockey (AMH / WHA en anglais) est née en 1971 pour concurrencer la LNH. Les Nordiques de Québec ont été fondés la même année et ont intégré l’AMH en 1972. En raison de son dynamisme et de ses règles différentes, cette nouvelle ligue a bousculé le conservatisme de la LNH. 

Par exemple, en 1978, un jeune prodige de 17 ans (on ne pouvait pas intégrer une équipe de la LNH avant 18 ans) fait ses débuts à Edmonton dans l’AMH. Wayne Gretzky, considéré comme le meilleur joueur de tous les temps va faire des Oilers une équipe majeure. La venue des Européens en Amérique du Nord sera aussi un apport de l’AMH.

Devant une concurrence qui certes ne concernait que quelques équipes, mais devenait inquiétante, les dirigeants de la LNH ont ouvert la discussion. Ainsi, dès 1979, les principales équipes de l’Association mondiale ont intégré la Ligue nationale. Les Nordiques de Québec pouvaient enfin défier les Canadiens de Montréal.

L’économie avant le sport

Ce ne sont pas les résultats sportifs qui furent importants, mais les conditions économiques. Il fallait que cela rapporte. Ce qui était vrai en 1979, l’a été en 1995 lors du départ des Nordiques pour le désert du Colorado. La petite ville de Québec, en difficulté économique, n’arrivait plus à faire vivre son équipe, on l’a vendue au plus offrant. L’année suivante déjà Colorado gagnait la Coupe Stanley, comme quoi sportivement, l’équipe était à son meilleur !

Le deuil a été immense. Aujourd’hui que la ville respire la vitalité, elle veut retrouver une équipe de pointe. Aucune solution sportive ne peut permettre d’intégrer la LNH. Seuls le rachat d’une autre franchise ou l’achat d’une franchise d’expansion pourraient permettre aux Nordiques de renaître. 

Si l’argent est là avec un investisseur prêt à mettre les 500 millions $ nécessaires pour l’acquisition d’une franchise et qu’une nouvelle patinoire de plus de 18 000 places au coût de 400 millions $ attend depuis 2015, il faut que les dirigeants de la LNH soient d’accord. Aux dernières expansions, ils ont préféré Las Vegas en 2017 et Seattle qui rejoindra la ligue l’automne prochain.

Je faisais partie des 20 000 porteurs de pelles bleues lors de la marche ouvrant les travaux de la nouvelle patinoire de Québec en septembre 2012. Le stade terminé en 2015 attend toujours son équipe. Source : Pierrot Métrailler

Une autre hiérarchie

Et cette logique domine dans toutes les grandes ligues sportives. Que ce soit le football américain, le basketball, le baseball et même le soccer (le football européen), les résultats sportifs n’entrent pas en ligne de compte pour l’accession à l’élite. Celle-ci n’existe que par son volet économique. De riches propriétaires possèdent les équipes, ensuite seulement on va parler sport.

Et l’équité sportive n’est vraiment présente que pour le vainqueur de la ligue. L’équipe qui brandit le trophée est la meilleure, pour le reste de la hiérarchie, rien n’est moins sûr. Des matchs de championnat régulier aux séries éliminatoires, tout est mis en œuvre pour favoriser le spectacle et engranger des bénéfices. Les meilleures équipes se rencontrent plus souvent, surtout si elles ont une proximité géographique.

Les calendriers sont construits en fonction de critères économiques, puis géographiques, l’équité sportive entre en compte seulement sur le nombre de parties à jouer. Il n’est jamais question de matchs aller-retour, ce serait bien trop simple. Ensuite, les séries opposent d’abord des rivalités régionales. Parfois, il y a de tels écarts entre les équipes d’une région par rapport à une autre que la grande finale n’est pas l’affrontement le plus exaltant, mais comme cette partie est de toute façon vendeuse, les propriétaires sont contents.

C’est pourquoi la levée de boucliers contre une ligue européenne du sport le plus lucratif fondée sur des critères économiques étonne tant ici. L’Amérique du Nord vit vraiment sur une autre planète sportive.

23 avril 2021

La solitude du pouvoir, est-ce bien nécessaire ?

Qui n’a pas entendu parler de la « solitude » du pouvoir ? Il y a des régimes politiques où elle prend plus de sens que dans d’autres. En démocratie, le système britannique détient la palme pour ne pas dire le solitaire. Au Québec, comme au Canada, on est très loin de l’équilibre helvétique. On n’est pas près de voir poindre le jour du « partage » que vient de connaître le Valais.

« Je m’assume, si quelqu’un n’est pas content au Québec, il a une personne à blâmer, c’est moi. » Après une polémique alors qu’il avait eu la mauvaise idée de critiquer les conseils de la santé publique, François Legault, le premier ministre du Québec a tenu à mettre les choses au point : c’est lui qui décide !

Au Canada et au Québec, les deux solitudes au pouvoir, Justin Trudeau et François Legault, se rencontrent parfois. Photo : Ryan Remiroz/La Presse canadienne

Un chef fatigué, mais en contrôle

Après plus d’une année de crise sanitaire, le constat que je faisais il y a un peu plus d’une année (lettre du 27 mars 2020) tient toujours. Le chef du gouvernement québécois est toujours chaleureux et rassurant. En tout cas pour la majorité des Québécois. Bien sûr, la population, comme son premier ministre, est fatiguée, mais elle tient le cap.

Pourtant, ce pouvoir solitaire a permis de mettre le Québec sous une cloche que personne ailleurs n’aurait supportée selon moi. Imaginez, les visites sont interdites dans les maisons depuis la fin septembre 2020 ! Juste de le dire, ça me paraît incroyable. Et la mesure est largement acceptée. Il faut dire que depuis le début de la crise, il n’y a plus d’opposition. Elle n’a plus de voix.

Déjà 55 décrets (à l’heure où j’écris) pour prolonger l’état d’urgence prévu légalement pour ne durer qu’une semaine, aucune discussion, une signature et la chose est attendue. On continue sur la même voie. La popularité de François Legault tient bon, mais attention, quand la crise sera passée, les cigales risquent de chanter.

Trudeau au sommet de son art

S’il y a une cigale qui chante déjà, c’est bien Justin Trudeau. Le premier ministre canadien que je qualifiais de flou et indécis dans ma lettre du 27 mars 2020 est toujours indécis, mais il est en passe de réussir son pari. Il traverse la crise en renforçant son image. Pareil au téflon, rien n’accroche à lui. Toutes les polémiques, toutes les oppositions glissent sur lui et disparaissent presque instantanément.

Il faut dire que les pauvres oppositions ne paraissent pas bien sur Zoom. Comment faire entendre sa voix lorsque l’image fige, lorsque les analystes s’occupent plus de décoder l’arrière-plan que le discours politique ? Vous auriez dû assister aux congrès du Parti conservateur ou du NPD en ligne. Non, je ne suis pas si cruel, je ne vous infligerai pas une telle indigence.

Évidemment quand on n’a aucun pouvoir et plus de tribunes pour le crier, il n’y a rien de facile. Pourtant aux dernières élections fédérales en 2019, le Parti conservateur avait récolté 200 000 voix de plus que les libéraux, mais le système a donné 36 sièges de plus au parti du premier ministre. Les joies de l’uninominal à 1 tour ! Même avec un gouvernement minoritaire Justin Trudeau fait ce qu’il veut en période de crise.

Comme la santé est une prérogative provinciale au Canada, il a beau jeu de donner des leçons, à distribuer de l’argent et à faire le paon. Il a même réussi à rationner la présence de l’armée pour aider durant cette crise sans que personne n’y trouve rien à dire. Sa seule préoccupation étant de trouver une excuse pour dissoudre le Parlement et provoquer des élections anticipées pour enfin retrouver un gouvernement majoritaire. J’ai l’impression que je vais bientôt retourner voter pour rien.

Une vraie démocratie

Car, comme je vous l’ai déjà expliqué (lettre du 26 mars 2021), j’habite dans une circonscription « château fort » et tant que « mon » député se représente, il sera élu. À la différence d’une république bananière, il faut juste qu’il évite de faire scandale. Une malédiction doit me poursuivre puisque je suis condamné à vivre dans une région conservatrice.

La Suisse, bien que beaucoup râlent sur Berset, a la chance d’être gouvernée par une solitude collégiale à sept. Ça explique peut-être pourquoi les décisions sont nettement plus mesurées. La crise sanitaire met en évidence, selon moi, la supériorité d’un système qui intègre les principales forces politiques. Personne ne veut l’entendre dans le monde, mais force est de constater qu’on est plus intelligent à plusieurs.

Atout supplémentaire et décisif, malgré la force du collège, il n’a pas forcément le dernier mot. Le Parlement est resté actif durant cette année pandémique. Il a mis son grain de sel et joué de son influence, même si parfois on a senti de la frustration. Et cerise sur le « sundae » comme on dit ici, le peuple souverain aura le dernier mot le 13 juin prochain avec la votation sur la loi COVID-19.

En Suisse la solitude du pouvoir est collégiale. On est meilleur en groupe. Source : photo officielle 2021 admin.ch

Même le Valais s’ouvre à la diversité

Je ne peux terminer cette chronique sur la solitude du pouvoir sans quelques mots sur le Valais. J’ai commencé mon action politique en 1984 à Savièse alors que je n’avais pas encore le droit de vote. Depuis, j’ai rêvé du « grand soir » où il n’y aurait plus de majoritaires dans le canton. Lorsqu’il est enfin arrivé… j’étais à 6 000 kilomètres !

Ce ne fut pas si grave, j’ai apprécié devant mon ordinateur en suivant l’évolution sur Internet, grâce à Rhône FM et à Canal 9. Simplement, j’étais seul, mais en pleine communion avec d’innombrables compagnons de lutte qui ont rêvé ce moment. Que d’émotions et quelle leçon de démocratie !

Chers Confédérés, appréciez votre démocratie, vous ne vous rendez pas compte combien elle est précieuse !

16 avril 2021

La saison des sucres à l’image du temps… maussade.

« La saison des sucres sera moyenne », tel était le titre du Nouvelliste du 29 mars dernier. Non pas le Nouvelliste de Sion, mais celui de Trois-Rivières, car ici au Québec le début du printemps correspond à la saison des sucres, le temps des vendanges québécoises. Et en cette année de pandémie, l’ambiance est pour le moins morose.

Si, aujourd’hui, de grandes exploitations font une production industrielle de sirop d’érable, les petites cabanes familiales sont encore bien présentes. J’ai eu la chance plusieurs fois avant la pandémie de passer du temps dans certaines d’entre elles. À chaque fois, des souvenirs inoubliables.

« L’eau d’érable à partir de laquelle sont fabriqués les produits tels que le sirop, la tire et le sucre d’érable diffère de la sève qui circule dans l’arbre pendant sa période végétative. Cette eau sucrée circule verticalement et latéralement dans une bande de bois appelée aubier, comprise entre le cœur et l’écorce. » L’explication du centre de recherche de développement et de transfert de technologie en acériculture (ACER) est aussi limpide que l’eau qui coule de l’aubier.

L’évaporateur concentre les sucres et transforme l’eau des érables en sirop. Source : Pierrot Métrailler

Le début du printemps, lorsqu’il reste de la neige au sol, qu’il gèle la nuit et fait plus chaud le jour, les conditions sont idéales. Malheureusement cette année, les acériculteurs, à l’image de Christian Thériault, sont déçus. « On n’a pas fait beaucoup de sirop. Avec le beau temps, le bourgeonnement s’est fait très rapidement pour nos érables à sucre et pour les plaines. La saison n’est pas terminée, mais on ne fera pas une belle année1. »

Une industrie bien maîtrisée

La production dans certaines régions atteint à peine la moitié de ce qu’elle est habituellement. On verra quel sera le résultat final, mais il faut savoir que le sirop d’érable et ses dérivés occupent 11 300 acériculteurs au Québec répartis au sein de 7 400 entreprises. Mais comme pour à peu près toute l’agriculture, le marché de l’érable est très règlementé.

Si cette industrie, « l’or blond du Québec », contribue à hauteur de 600 millions de dollars par année à l’économie du Québec, peu de marge de manœuvre est laissée aux producteurs. « Au Québec, c’est la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (RMAAQ) qui autorise la mise en place d’un plan conjoint et qui peut modifier le projet de plan conjoint qui lui est présenté. Lorsqu’un plan entre en vigueur, tous les producteurs visés par ce plan y sont assujettis, au même titre que tout autre règlement ou loi adopté par l’État. » 

Le site des Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ) est des plus clair : on a un plan et tout le monde marche droit ! Pas de pitié avec les récalcitrants qui voudraient sortir des sentiers battus : un procès et on confisque leur production. Certains ont goûté durement à la médecine du cartel étatique.

La cabane à sucre

Mais cette économie planifiée habituelle au Québec n’enlève rien à la magie d’une sortie à la cabane à sucre. Cette coutume qui s’apparente à la Saint-Martin qu’on peut vivre autour d’une table jurassienne m’a fait aimer le sirop d’érable et ses dérivés, le sucre, le beurre ou encore le caramel d’érable, sans oublier la tire.

Ne connaît pas le Québec celui qui ne s’est pas collé une cuillère en bois sur les dents en tentant déguster ce délicieux bonbon. L’acériculteur verse une lampée de sirop chaud sur de la neige fraîche et le dégustateur s’empresse de tourner autour de son bâton ce nectar refroidissant. Les enfants de tout âge adorent.

Cette cérémonie clôt généralement le repas qui réunit les amis autour d’une table bien garnie en produits réconfortants. Crêpes, omelettes, soupe aux pois, cretons, jambon à l’érable, patates rissolées, oreille de crisse, fèves au lard, voilà pour un départ léger, puis pouding chômeur, tarte au sirop d’érable et un café et on est prêt pour la tire.

Les oreilles de crisse sont du lard salé frit. Source : Le grand Cuistosucre

L’évaporation

Si un tel menu est nécessaire, c’est que le temps est long lorsqu’on surveille la préparation du sirop. Car tout le secret est là. Les moments passés près d’un évaporateur d’une petite cabane à sucre familiale m’ont rappelé les heures passées à côté d’un pressoir saviésan. Seule la bière différait du vin, mais l’abondance était bien présente.

Tout commence dans l’érablière où il faut délicatement recueillir l’eau des érables qui coulent dans des chaudières en acier inoxydable. Ce long travail où la motoneige aide parfois à raccourcir la longue marche est aujourd’hui le plus souvent remplacé par un réseau de tubulures.

 Il relie les entailles des érables et aboutit à un premier appareil qui rejette l’eau sans sucre. Après ce concentrateur, l’eau arrive dans l’évaporateur où, en descendant lentement une pente douce, le liquide se concentre par l’évaporation causée par le feu qu’on entretient en dessous. À la sortie, l’or blond du Québec est divin. Le sirop est prêt à être dégusté ou transformé en tire, en beurre ou en sucre.

La pandémie a tout gâché

Rien de tout cela cette année, la pandémie, pour la deuxième saison est venue tout gâcher. Les rassemblements sont interdits. Il ne reste que les souvenirs et l’eau à la bouche. Les acériculteurs ont bien tenté de préparer des ensembles « cabane à sucre » livrés à domicile ou vendus en épicerie, mais déguster seul, à la maison (au Québec toute visite à domicile non essentielle est interdite depuis octobre 2020 !), ces mets perdent beaucoup de saveur.

2 avril 2021

Souvent, le Canada n’aime pas le Québec.

Contrairement à la Suisse qui a une longue tradition de tolérance institutionnelle avec les minorités, le Canada se laisse aller à des excès intolérables quand il s’agit de dénigrer sa minorité historique. Un nouvel exemple de « Quebec bashing » illustre une fois de plus que le Canada anglophone est toujours un conquérant impitoyable. L’éternelle question existentielle des Québécois plane toujours : pourquoi rester ?

Si la pandémie et son confinement ont fait augmenter la violence un peu partout sur la planète, au Canada, on assiste à un déferlement contre le Québec de plus en plus incisif. Si certains propos, certaines insinuations passent inaperçus du côté de la majorité anglophone, il n’en est pas de même au Québec. Des partis politiques commencent à réagir et on sent le premier ministre canadien Justin Trudeau dans ses petits souliers.

« Suprémaciste blanc »

« Lynchage médical » envers les Autochtones et le premier ministre qui est un « suprémaciste blanc », telles sont les récentes déclarations d’Amir Attaran. Ce professeur titulaire à la Faculté de droit et à l’École d’épidémiologie, de santé publique et de médecine communautaire de l’Université d’Ottawa est un habitué du « Quebec bashing ». Sa haine des Québécois de « souche » n’a d’égal que sa soumission à l’ordre nouveau: le multiculturalisme.

Amir Attaran – Source : National Post

« Qui d’autre que lui a eu le courage de refléter ouvertement ce que la majorité anglophone du Canada pense des Québécois? Il incarne parfaitement le peuple canadien qui, tout au long de son histoire, n’a manifesté que magnanimité, ouverture d’esprit, compassion et tolérance envers tous les groupes ethniques et culturels qu’il a accueillis les bras ouverts, des Acadiens aux Japonais, sans oublier les Béothuks terre-neuviens. »

En quelques lignes ironiques sur son blogue du Journal de Montréal, le journaliste Normand Lester résume parfaitement la situation. Amir Attaran a parfaitement le droit d’exprimer sa haine des Québécois qu’il considère comme indigne du Canada, par contre, il doit être mis devant ses responsabilités et faire face aux conséquences de ses déclarations.

Une université pleutre

Si l’Université d’Ottawa et son recteur ont été jugés courageux au moment de l’affaire du mot commençant par « N » qu’on n’a plus le droit de prononcer en sanctionnant sa professeure d’histoire Veruska Lieutenant-Duval (voir ma lettre du 6 novembre 2020), il en va tout autrement ici. Une femme blanche n’a pas le droit de prononcer le « n-word » (nègre pour les non-initiés), mais un homme issu des minorités visibles peut vociférer contre les francophones blancs, car on doit respecter sa liberté d’expression.

« Celui-ci exprime, à titre privé, son opinion personnelle qui ne reflète en rien celle de l’Université d’Ottawa ni la mienne d’ailleurs », a déclaré le recteur de l’Université d’Ottawa. Il a tout de même ajouté qu’ « il y a lieu de faire la différence entre de tels échanges publics et des propos tenus dans un cadre plus formel d’une salle de classe… » pour justifier son absence de sanction dans ce cas.

La politique s’en mêle.

« En tant que Québécois, je suis toujours désolé quand des gens essaient de propager des déclarations-chocs pour irriter, pour avoir un peu de publicité. On va toujours être là pour défendre la liberté d’expression, mais je pense que ça va faire le Québec bashing », a déclaré Justin Trudeau le premier ministre canadien de passage à Trois-Rivières quelque temps après les déclarations du professeur Attaran.

Il faut dire que ça sent des élections fédérales anticipées et qu’une motion de l’Assemblée nationale du Québec dénonçant non seulement les attaques haineuses contre le Québec, mais aussi « les institutions canadiennes qui refusent d’intervenir pour que cessent ces agressions envers la nation québécoise », l’ont poussé à réagir malgré son attachement au multiculturalisme défendu outrageusement par Amir Attaran.

Les autres partis fédéraux sont tout aussi timorés. La première opposition conservatrice qui rêve de détrôner Trudeau n’ose pas trop bouger, de peur de perdre des soutiens chez les anglophones qui représentent quand même le 75 % de la population canadienne. Quant au NPD (la gauche), elle fait mieux encore. Un de ses députés, Matthew Green, a soutenu Attaran en le félicitant d’avoir « maintenu le cap contre le racisme qu’il voit se perpétuer au Québec ».

Pourquoi rester ?

« Bref, dites-moi, cher monsieur Tremblay, je veux comprendre, honnêtement, qu’est-ce qui vous garde encore attaché à ce pays ? » Dans le Journal de Montréal du 25 mars dernier, Joseph Facal, chroniqueur, professeur à HEC Montréal et ancien ministre québécois de 1998 à 2003 pose clairement la question à ceux qu’on appelle les Québécois « de souche ».

Elle devrait se poser en effet, cette question existentielle. La longue lutte pour la « survivance » des Canadiens français semblait être gagnée à la fin des années 70. L’abattement d’un peuple soumis par un envahisseur arrogant devait faire partie du passé. Malgré la trahison de plusieurs de ses leaders, dont Pierre Eliott Trudeau, pour ne nommer que le plus célèbre ou le plus sournois, les Québécois semblaient relever la tête.

Deux référendums perdus plus tard, ceux qui croient encore à un avenir francophone libre en Amérique du Nord sont de moins en moins nombreux. Peut-être qu’à force de bassesses, à force de coups, à force d’humiliation, un sursaut d’orgueil les relèvera ? J’ai peine à le croire. Quant au Canada, il médit sur le Québec, mais il ne le rejettera jamais totalement, car il sait trop que sans sa partie francophone, le pays n’existera plus sur la scène internationale. Il ne sera plus qu’un simple « protectorat » américain !

Il est loin le temps où les Canadiens anglophones venaient chanter leur amour pour le Québec à Montréal, peu avant le référendum de 1995. Peut-être avaient-ils simplement peur de perdre un peu de leur prestige international ? – Source photo : Ryan Remiorz/archives la Presse canadienne

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