Les cinq leaders canadiens
Le Conseil national suisse
L’heure est au bilan de fin d’année. Ils sont nombreux et variés, touchant tous les domaines. Si les attentats, l’État islamique et la crise des immigrants ont laissé une marque sanglante et durable sur 2015, je vais profiter de mon double regard sur la société québécoise et valaisanne pour revenir sur l’automne électoral qui a vu mes deux régions connaître des élections fédérales.
Le dimanche 18 octobre, la Suisse votait, le lundi 19 octobre, le Canada votait. Ces deux dates montrent déjà une différence: en Suisse, on vote le dimanche, au Canada, c’est toujours sur un jour de travail. D’un côté le vote par correspondance est généralisé et l’on se déplace aux urnes le samedi ou le dimanche selon un rituel courant, on vote au minimum quatre fois par année, de l’autre, une seule journée de vote ou alors un vote anticipé la fin de semaine précédente, le tout sous le contrôle d’un directeur des élections.
Deux systèmes démocratiques si différents…
Cette organisation est le reflet de deux systèmes démocratiques bien différents, de deux mondes politiques qui ne fonctionnent pas selon les mêmes règles. La Suisse est le royaume de la démocratie directe et son système électoral en découle directement. Le Canada est une monarchie constitutionnelle fédérale à régime parlementaire, la reine Élisabeth II est reine du Canada, les élections sont empreintes de cette solennité.
En Suisse, une foule de candidats plus anonymes les uns que les autres sont les rois dans leur cercle électoral, dans leur canton. Au Canada, seuls les chefs de parti sont connus. La campagne a tourné autour de cinq personnalités, dont trois pouvaient prétendre au poste de premier ministre. Les candidats des différents comtés n’étaient qu’à peine connus de leurs électeurs.
Les 200 membres du Conseil national sont élus au système proportionnel et sont un reflet très fidèle de l’électorat. La Suisse est diverse et ses représentants le sont aussi. Les 338 députés de la Chambre des communes sont élus dans 338 circonscriptions selon un scrutin uninominal majoritaire à un tour (le candidat qui obtient le plus de voix est élu). Le Canada est représenté par des membres de partis qui dominent leur région.
Le gouvernement suisse est toujours de 7 ministres, membres du Conseil fédéral et élus par le Conseil national et le Conseil des États (constitué par 2 représentants élus pour chaque canton). Les 4 plus grands partis sont représentés dans ce gouvernement collégial qui doit travailler ensemble. Le Canada est dirigé par un premier ministre qui est le chef du parti qui obtient le plus de sièges à la Chambre des communes. Celui-ci constitue son cabinet. Il fait face à une opposition dirigée par le chef du deuxième parti représenté à la Chambre. Il nomme les membres du Sénat.
Et pourtant une même désillusion !
Tout pourrait opposer ces deux mondes. Je pensais suivre deux campagnes électorales bien différentes. J’ai dû revoir mes idées préconçues. Finalement, si l’on lève un peu le regard, si l’on écarte l’anecdotique, si l’on embrasse l’essentiel, tout est très semblable. Les systèmes électoraux ne changent pas l’électrice ou l’électeur.
Au-delà des réactions des commentateurs politiques, j’ai suivi les prises de paroles des citoyens ordinaires dans mes deux régions et j’ai été très surpris d’y retrouver une même désillusion. On allait voter sans conviction, parce qu’il fallait bien passer par là. Si l’on écarte les militants, l’immense majorité semblait résignée.
En Suisse, le système proportionnel ne semblait pas amener de grands changements, on allait voter parce qu’il le fallait bien. Au Canada, après une décennie de pouvoir conservateur, on voulait du changement, mais les deux challengers semblait diviser le vote, on s’apprêtait à se résigner à un gouvernement minoritaire. Peu d’enthousiasme, beaucoup de cynisme, l’exercice démocratique des deux côtés de l’Atlantique était une corvée plus qu’un plaisir.
Finalement, la Suisse se retrouve avec un parlement nettement plus à droite et un gouvernement rééquilibré et le Canada avec un jeune premier ministre glamour qui peut s’appuyer sur une solide majorité parlementaire. Les commentateurs se sont un peu trompés, plus au Canada qu’en Suisse, mais la politique s’est imposée dans les deux cas. De quoi redonner de l’espoir et surtout démontrer que la démocratie est un exercice vivant. Même pour ceux qui n’y croient plus, elle reste le meilleur moyen d’organiser la société.
Et juste ça, c’est une sacrée leçon d’espoir pour notre monde de 2016 qui pointe son nez !