Voilà, tout est dit dans les élections municipales québécoises. Quatre des cinq plus grandes villes seront dirigées par des femmes, mais c’est surtout celle qui n’a pas été élue à Québec qui a marqué la soirée de résultats. Annoncée élue à 20 h 30, elle sera battue à 23 h 00, mais entre temps, elle a prononcé son discours de victoire. Un malheureux cafouillage causé par une habitude bien québécoise.
« Si la tendance se maintient, j’annonce l’élection de… » Cette phrase qu’a popularisée Bernard Derome, ancien animateur du Téléjournal de Radio-Canada et commentateur des soirées électorales, est devenue un classique de la culture québécoise. Les deux chaînes concurrentes, Radio-Canada et TVA rivalisent de calculs pour être les premiers à faire cette annonce.
Le mystère Québec
Malheureusement, le soir des élections municipales, cette rivalité a causé une situation incroyable et des plus gênantes pour la candidate héritière de l’ancien maire de Québec Régis Labeaume. Les excuses de Radio-Canada ne changent rien à l’histoire, elle est inacceptable. Les algorithmes, même les plus sophistiqués, ne remplaceront jamais le jugement humain.
Tout analyste moindrement au courant de la politique municipale savait que le dépouillement des votes allait donner une avance à Mme Savard en début de soirée. Le décompte des votes par anticipation venant en premier, ils n’étaient pas influencés par la dernière semaine de campagne désastreuse de la candidate.
De plus, c’est bien connu au Québec que la Capitale nationale a toujours été un mystère pour les sondeurs. Dans chaque type d’élection, des surprises sont au rendez-vous. Les électeurs sont assez volatiles. Ils l’ont montré une fois de plus. Les chaînes de télévision n’ont donc aucune excuse.
Si Radio-Canada a commis la première bourde, TVA a suivi peu de temps après. Je suppute qu’ensuite, ils ont discrètement encouragé l’équipe donnée victorieuse a prendre la parole tôt. Ainsi, ensuite, ils pouvaient consacrer le reste de la soirée à Montréal. C’était bon pour leur audience.
Un Marchand innovant
Mais avant de vous parler de la capitale économique de la province, finissons-en avec la ville de Québec. À 22 h 40, Bruno Marchand prenait la tête de la course et au moment du dépouillement de la dernière boîte, il aura 834 voix d’avance et pourra prononcer son discours de victoire. Québec aura donc eu droit à deux mots gagnants.
Au-delà de ce qui deviendra rapidement une anecdote de campagne, un peu cruelle pour Mme Savard, j’en conviens, Bruno Marchand apparaît comme un maire encourageant pour sa ville. Parti de très loin dans les sondages, il a su proposer une véritable vision de ce qu’il voulait faire pour la cité.
Surtout, Bruno Marchand offre une nouvelle vitalité à la politique municipale. Élu à la tête d’un conseil où son parti, Québec Forte et Fière, est minoritaire, il s’est empressé d’ouvrir la porte aux autres partis. Certains de leurs membres pourraient faire partie du Conseil exécutif. Comme pour les autres étages politiques, au Canada, on élit le législatif et le gagnant choisit son exécutif parmi les élus.
Match retour à Montréal
Remontons maintenant un peu (300km) le Saint-Laurent pour analyser ce qu’il s’est passé dans la grande métropole francophone. Je vous ai parlé dans ma dernière chronique de l’homme de la situation, Valérie Plante qui est devenue, il y a quatre ans, la première mairesse de Montréal.
Elle avait causé la surprise en détrônant le maire sortant Denis Coderre. Ce politicien professionnel qui avait été député fédéral avant de gérer la capitale économique. Cette année, nous devions avoir un nouveau Coderre. Le match retour s’annonçait passionnant.
En début de campagne, l’expérimenté menait largement dans les sondages. Une fois de plus, sa campagne montra son vrai visage. Celui d’un homme arrogant, trop sûr de sa supériorité et peu à l’écoute de la population. De plus, il possède une tare presque insurmontable au Québec : des liens avec le monde des affaires.
Surtout, personne n’avait vraiment pris la mesure de l’adéquation de la politique de Valérie Plante avec les aspirations d’une majorité de ses concitoyens. « On peut gouverner Montréal avec le sourire. » Ce cri de la mairesse reconduite illustre parfaitement sa philosophie. À gauche et verte, elle assume sa vision et elle sait maintenant que la population la suit.
Une ville heureuse et stable
Terminons par ma ville, Lévis. Le maire sortant a beaucoup de fierté à rappeler que sa ville est celle où il fait le plus bon vivre au Québec parmi les dix plus grandes villes de la province. En 2017, Gilles Lehouiller avait été élu avec 92 % des voix. Cette année, il est reconduit avec « seulement » 75 %. Passer d’un score soviétique à un score biélorusse, ce n’est pas si grave.
Par contre, son équipe n’aura pas réussi un nouveau grand schelem. Un des quinze arrondissements leur échappe. Mais pas de quoi changer l’avenir de la ville. Il y aura un opposant autour de la table, mais je parie que son influence sera aussi grande que celle de Navalny face à Poutine.
Non, je n’insinue pas que le maire de ma ville est un dictateur, mais je présume que rien ne va fondamentalement changer. On restera une ville heureuse où les affaires marchent bien. On gardera notre position de dernière ville du Québec pour les investissements en transport en commun. On poursuivra des économies de bout de chandelle sur le ramassage des ordures ou la propreté des rues.
Bref, une administration qui sait prendre soin de l’argent de ses contribuables, c’est ce que veut la population. Enfin une minorité de la population, car c’est un autre enseignement de ces élections, elles n’ont mobilisé qu’un petit 40% des citoyens. Les affaires municipales, même si elles sont de proximité, n’intéressent que peu les Québécois.