C’est devenu presque une injonction divine, le onzième commandement. Sans vaccination, point de salut. Même si c’est une grande messe mondiale, l’athée que je suis est obligé d’y souscrire. Oui, la sortie de la pandémie passe par la vaccination. J’en suis convaincu et, contrairement à certains, je n’ai pas eu besoin de cadeau pour me faire piquer.
La vaccination avance bien à travers le monde. Enfin, à travers le monde développé, car, une fois de plus et sans surprise, les différences entre nantis et précaires se font cruellement sentir. Mortellement sentir, ai-je envie de dire. Car, si le développement rapide d’un vaccin contre la Covid-19 est incontestablement une réussite pour l’humanité, sa diffusion est plus bassement commerciale, voire politique.
Une procédure clairement définie
Mais avant de philosopher sur la bassesse humaine, revenons à mon égoïsme, pour ne pas dire héroïsme, personnel. Deux jours après l’ouverture de la vaccination pour ma tranche d’âge, j’ai reçu ma première dose. Dit comme cela, tout paraît clair et limpide. Pourtant, dans les faits, ce fut un peu plus complexe.
Car, vous le savez maintenant, au Québec tout est planifié et souvent compliqué. La vaccination n’échappe pas à la règle, mais ici, je crois que ça se justifie. D’abord, il faut savoir que le Canada étant une confédération, les compétences se répartissent selon les différents niveaux. Au fédéral, la charge d’acheter les vaccins, au provincial, celle de piquer les bras. La santé est une compétence exclusive des provinces selon la Constitution.
Voilà pour le cadre. Ensuite, le Québec a décidé de vacciner en priorité les personnes en CHSLD (les résidences médicalisées publiques pour personnes âgées), puis les occupants des autres résidences pour aînés et enfin, après quelques priorités comme le personnel de santé, par tranches d’âge de cinq ans.
Une polémique, bien sûr
Bref, arrive un moment où une polémique devait éclater. Dans un régime politique majorité / minorité, c’est absolument nécessaire. Le système ne peut pas fonctionner sans cela. Mais ici, la polémique est venue d’ailleurs, d’Europe, et elle portait un nom barbare : AstraZeneca. Non, ce n’est pas le dernier modèle d’Opel, mais un vaccin qui pourrait tuer !
Eh oui, un risque de thrombose sur 100 000 injections pour certaines catégories de personnes. En Suisse, vous n’avez pas de soucis à avoir puisque ce vaccin n’est pas (encore) autorisé malgré la commande de 5,3 millions de doses. Je soupçonne que le vaccin de la firme anglo-suédoise paie un peu pour le Brexit et la gestion « autonome » de la crise par les autorités suédoises. L’Europe n’a pas aimé.
Bref, ici au Québec, il est autorisé et utilisé. Tout se passait bien jusqu’à ce que les échos de la polémique d’outre-Atlantique arrivent. Le scepticisme s’est installé et malgré la campagne rassurante du gouvernement, ce vaccin est devenu moins populaire. C’est alors que le gouvernement a décidé une nouvelle stratégie.
Pas le choix d’être responsable
Et, oh surprise ! Elle était basée sur la responsabilité individuelle. Un mot que je croyais tabou au Québec. Les volontaires de la tranche d’âge en dessous de celle visée alors par la campagne allaient pouvoir recevoir leur dose d’AstraZeneca en libre-service. Dans ma région, un grand centre était ouvert pour les 55 ans et plus.
9 jours après mon anniversaire, cette action commença. Je n’étais pas pressé, mais une intervention à la radio locale et une proposition de ma blonde plus tard, je n’avais plus vraiment le choix. Une visite planifiée chez mon médecin de famille le lendemain me laissa un sursis. Ma peur des aiguilles ne me sauva pas. « Cours-y ! » Telle a été la réponse de mon docteur alors que j’évoquais les risques liés au vaccin. « Tu n’es pas jeune et tu n’es pas une femme », conclut-il son injonction.
Je n’avais plus le choix. Je me suis donc présenté à la porte du Centre des congrès de Lévis, transformé pour l’occasion en centre de vaccination, quelques minutes après l’ordre de mon thérapeute. Je n’avais que la route a traversé. Je ne pouvais pas manquer cette occasion de me montrer responsable.
J’ai eu ma piqûre
« Vous voyez là-bas ce tas de bois, vous devez aller chercher un coupon et revenir me voir. » La procédure est faite pour les voitures, nous sommes en Amérique du Nord. Je traverse donc à pied le grand stationnement (la place de la Planta pour vous donner une idée) où on me donne un beau coupon rouge où il est écrit « vaccination 14 h 00 ».
Il est 14 h 05. Je cours donc pour ne pas être trop en retard. Je tends le précieux sésame aux préposés qui venait de me faire traverser la place. Il me sourit, prend mon papier et me fait signe de suivre un parcours fléché… Ça valait bien la peine que je coure, il n’y a personne dans la file. Je ne savais pas que l’exercice physique était compris dans le processus.
Après, je dois avouer, j’ai été impressionné par l’organisation. Une cinquantaine de vaccins pouvaient être administrés en même temps. Il y avait du monde. De l’enregistrement à la sortie : 25 minutes, dont 15 de pause obligatoire sous surveillance. Parfois, l’organisation a du bon.
Rendez-vous dans 4 mois
Bon, maintenant, je dois patienter jusqu’au 30 juillet pour avoir ma deuxième dose, car le Québec a décidé d’espacer au maximum les deux doses pour immuniser, même partiellement, le plus grand nombre de monde. Cette stratégie n’est pas partagée par la Suisse.
À chacun son style. Je n’aurai pas besoin d’une frite gratuite ou d’un bon d’achat pour aller me refaire piquer (en passant heureusement que l’infirmière m’a dit, je pique, je n’ai rien senti). Je laisse cela aux Américains qui ne sont jamais à court d’idées pour convaincre les plus démunis.