Le début octobre donne le signal du départ de ma saison de curling. Cette année, encore plus que d’habitude, j’attendais ce moment avec impatience. Je n’ai pas été déçu. Retrouver des amis quittés brutalement il y a 18 mois a été réconfortant, mais surtout jouer « comme avant » procure un plaisir incroyable.
« Dis donc, la pandémie a l’air de t’avoir bien convenu! » J’ai entendu plusieurs fois cette remarque. Elle ne m’a pas trop fait plaisir au premier abord (oui, j’ai pris du poids, c’est la faute au vin et au fromage suisse), mais très vite j’ai repensé au ton impertinent des échanges du bar du curling.
Les amis retrouvés
Donc, rien de méchant dans cette remarque. Surtout une folle envie de reprendre les choses là où nous les avions laissées en mars 2020 quand tout s’est brutalement arrêté. Il y avait surtout le soulagement de pouvoir reprendre une saison. Nous n’osions pas trop y croire. La déception de l’automne 2020 où l’interdiction gouvernementale est tombée deux jours avant l’ouverture était encore trop présente dans nos esprits.
Mais cette fois, c’est vrai, on se retrouve et ça fait du bien. La compartimentation des relations caractéristique de l’Amérique du Nord, fait que pour la plupart, nous ne nous retrouvons qu’au curling. Il a bien sûr fallu un peu de temps pour prendre des nouvelles les uns des autres, mais très vite tout est redevenu comme avant.
Le plaisir de la glace
Ce sentiment de retour en arrière a été présent surtout sur la glace. Les directives gouvernementales nous permettent de jouer comme avant la pandémie. Pas de masque, une distanciation vite oubliée, des cris revenus, du brossage efficace, tout est pour le mieux. Sauf peut-être la précision du jeu, la saison blanche a fait perdre quelques habiletés.
Mais c’est très secondaire, en tout cas pour la première partie (que j’ai gagnée), un peu moins pour la deuxième (que j’ai perdue). Blague à part, durant deux heures, nous retrouvons la « vie d’avant ». C’est une sensation que je n’espérais par ressentir de si tôt. Comme quoi, tout peut aller très vite.
Le Valais a eu sa Foire de Martigny pour faire comme avant, au Québec, c’est plus compliqué. Les restrictions sont encore très présentes et la peur du Covid semble bien plus grande. Toutefois, dès qu’on a désinfecté les pierres en début de partie, toute cette angoisse semble s’envoler comme par magie.
Conditionné depuis longtemps
Cette magie me laisse à penser que la peur que je percevais bien plus forte ici au Québec qu’en Suisse, malgré la moitié moins de cas détectés, vient essentiellement des annonces gouvernementales. Au moment où j’écris ces lignes, tous les médias annonces un retour à la hausse des cas à travers la province : de 480 à 520 !
40 cas de plus et un veut créer un vent de panique. On le suscite chez certaines personnes plus influençables. C’est désolant. Dans le même temps en Suisse, on se félicite de passer enfin sous les 1 000 cas journaliers. Je rappelle que la Suisse et le Québec comptent un nombre d’habitants comparable.
La même stratégie fonctionne pour la vaccination. Alors que le Québec voit sa population de plus de 18 ans complètement vaccinée à 90%, la Suisse n’en est qu’a 71%. En revanche, si le Conseil fédéral prévoit lever les mesures sanitaires quand 80 % de la population sera vaccinée, le Québec qui prévoyait le faire au départ lorsque 75 % de sa population serait vaccinée, a monté ce chiffre à 95%. Sans oublier que la vaccination des enfants est encouragée après celle des adolescents. Le ministère de la santé du Québec étudie la vaccination dès 5 ans.
Quels risques sommes-nous collectivement prêt à prendre?
La notion de risque zéro est très présente au Québec. C’est une grosse erreur selon moi. Il vaudrait mieux parler, comme un peu la philosophie suisse, de risque acceptable. Ce type de risque peut varier d’une société à l’autre. On peut en effet débattre démocratiquement du niveau de risque que collectivement nous voulons prendre.
Si le Parlement suisse peut débattre de ce sujet, il n’en est pas question au Québec. Très tôt dans cette pandémie, j’ai senti la volonté de voir disparaître ce virus pour relâcher la pression mise sur la population. Si l’idée de vouloir faire baisser la pression sur les hôpitaux pouvait se justifier en début de pandémie lorsque la Covid-19 était peu connue, pouvait se justifier, aujourd’hui, on n’en est plus là.
La multiplication des incohérences
La science que tous les gouvernements appellent en référence a fait d’énormes progrès. On en sait toujours plus, mais c’est comme si le Québec n’arrivait pas à les enregistrer. Si le masque apparaît aujourd’hui comme un outil essentiel pour lutter contre la propagation essentiellement aérienne du virus, on n’a aucunement allégé des mesures moins susceptibles de freiner la propagation : les journaux sont toujours interdits dans les cafés.
Au curling, on ne peut se déplacer sans masque dans la salle du bar ou on ne peut aller aux toilettes sans se couvrir le visage. Cependant, nous pouvons jouer librement sans masque sur la glace, parce que c’est du sport. Allez comprendre.
Il faut vraiment que je fasse du sport plus régulièrement. Non seulement, je vais maigrir, mais le virus ne m’attaquera pas puisqu’il néglige les sportifs!