Je vous parle souvent du Québec et du Canada. Si, vus d’Europe, ces deux termes peuvent représenter la même chose, il n’en va pas de même lorsque l’on vit dans la vallée du Saint-Laurent. Le Québec est une des dix provinces du Canada, la seule francophone, mais elle est aussi le berceau du Canada. Là où l’histoire a commencé au nord de l’Amérique du Nord. Une histoire qui s’est jouée en quatre temps.
« Faire le voyage de ce royaume es terres Neufves pour descouvrir certaines ysles où l’on dit quìl se doibt trouver grant quantité d’or et autres riches choses. » La mission donnée par le roi de France François Ier en 1534 lorsqu’il accepte de financer l’expédition de Jacques Cartier est claire. Elle va aboutir sur la naissance de la Nouvelle-France.
Dix siècles de présence humaine
Mais l’histoire de la région commence bien avant cela. Les plus anciennes traces de présences humaines dans la vallée du Saint-Laurent datent de près de 10 000 ans. Des chasseurs paléoindiens se sont installés tout près d’où je vis aujourd’hui à Saint-Romuald. L’endroit regorgeait de nourriture au confluent des eaux salées et des eaux douces où la faune marine était abondante.
Différents peuples autochtones ont alternativement occupé la vallée entre les Grands Lacs et l’Océan Atlantique. Les pêcheurs européens, vikings puis basques sont venus durant notre ère pêcher dans le golfe du Saint-Laurent à la poursuite des bancs de morues. Les premiers contacts entre les peuples des deux continents datent des environs de l’an mil.
La Nouvelle-France
Les trois voyages de Jacques Cartier n’eurent pas de suites immédiates. Les richesses espérées ne furent pas au rendez-vous. Ce n’est qu’une soixantaine d’années plus tard, sous le règne d’Henri IV qu’une présence européenne permanente s’établit dans la vallée du Saint-Laurent. En juillet 1608, Samuel de Champlain fonda Québec.
Le commerce de fourrure fit la fortune de quelques commerçants, mais l’occupation des terres fut plus lente. La Nouvelle-France se développa lentement autour de Québec, puis de Trois-Rivières et enfin de Montréal fondée en 1642.
Des aventuriers français allèrent jusqu’aux montagnes Rocheuses à l’ouest et à l’embouchure du Mississippi au sud pour créer des routes et des comptoirs commerciaux. Les colons français collaboraient avec les Hurons et les Montagnais, mais craignaient les Iroquois qui commerçaient avec les Anglais.
Les Anglais prennent le pouvoir
Car le roi d’Angleterre s’intéressait aussi au Nouveau-Monde. Une première colonie fut fondée en 1607 près de l’actuel Boston. Cette aventure a donné le film Pocahontas que vous connaissez sûrement. La rivalité franco-anglaise déborda rapidement en Amérique du Nord.
Les guerres américaines suivirent le même rythme que les conflits européens. Après plusieurs tentatives avortées, en automne 1759 les Anglais prirent Québec, puis Montréal au printemps 1760. Le traité de Paris de 1763 scella le sort de la vallée du Saint-Laurent. Louis XV ne voulut pas « se battre pour quelques arpents de neige », selon l’expression de Voltaire.
Un siècle de domination anglaise s’en suivit. Les habitants purent garder leur langue et leur religion, car les Britanniques avaient besoin de leur neutralité pour faire face à la révolution américaine. Mais les élites françaises étant rentrées en Europe après la conquête, tous les postes dirigeants étaient occupés par des Anglais ou des gens sous leur allégeance. Des patriotes francophones tentèrent bien quelques révoltes, mais en vain.
La Confédération canadienne
En 1867, trois colonies britanniques : Le Canada (Québec et Ontario actuels), le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, s’unirent pour fonder la Confédération canadienne. Ils réussirent à convaincre la reine Victoria de leur accorder le statut de dominion et une certaine indépendance avec le projet de construire un chemin de fer d’un océan à l’autre.
Ce nouveau pays est une confédération de provinces qui reconnaît comme souverain le monarque régnant en Angleterre. C’est pourquoi aujourd’hui la reine d’Angleterre est le chef d’État du Canada. Elle règne, mais ne gouverne pas. C’est le premier ministre qui gouverne, le Canada a le même système politique que l’Angleterre.
Mais le gouvernement fédéral n’a pas tous les pouvoirs. Les provinces, aujourd’hui au nombre de dix, possèdent des pouvoirs spécifiques, comme l’éducation, la santé, etc., et des pouvoirs partagés comme la justice ou le commerce par exemple. Les provinces ont également le même système politique que l’Angleterre avec un mode électoral qu’on appelle uninominal à un tour. Chaque circonscription élit un député, celui qui obtient le plus de voix. Le parti qui obtient le plus de sièges nomme le premier ministre.
Des origines autochtones et francophones qui s’oublient
Cette évolution en quatre temps permet de mieux comprendre les complexités du présent. J’aurai l’occasion dans de prochaines chroniques, à l’occasion de certains anniversaires, de vous parler de cette évolution et des conséquences actuelles de ce parcours.
En attendant, le Québec n’est pas le Canada, il n’est qu’une province déchirée entre les autochtones, les francophones qui veulent retrouver leur indépendance, les francophones qui se sentent bien au Canada, les anglophones et les immigrants plus récents. Un mélange qui oscille entre harmonie et explosion au gré des humeurs.