« Nous avons été là pour vous, et maintenant, c’est à vous de choisir ». Avec ces quelques mots prononcés le 15 août dernier, le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, annonçait la dissolution du parlement et des élections législatives anticipées pour le 20 septembre prochain. Un beau « foutage de gueule » alors que la pandémie redémarre au Canada.
Vous le savez si vous me lisez régulièrement, je ne suis pas le plus grand fan du beau premier ministre canadien ! Alors que, mes valises bouclées, je me dirigeais vers l’aéroport de Québec, il est venu troubler mon voyage. En passant, je suis bien arrivé en Suisse et j’ai déjà croisé quelques lecteurs. Mais revenons à ma crise d’urticaire canadienne.
Des élections à date fixe
La dernière fois que la Chambre des communes (c’est ainsi qu’on appelle l’équivalent du Conseil national au Canada, le Sénat, Conseil des États, est lui nommé par le premier ministre) a été renouvelée, c’était le même jour que les élections fédérales suisses de 2019. Deux ans, à peine, après cet exercice, le pauvre petit Justin qui doit régner avec un gouvernement minoritaire, nous fait un caprice.
Pourtant, en 2019, le Canada entrait dans l’ère des élections à date fixe. Finis les petits arrangements du parti au pouvoir qui avait le droit de déclencher les élections quand bon lui semblait, mais au maximum cinq ans après sa prise du pouvoir. Les partis s’étaient mis d’accord pour une réforme législative qui rendait les choses plus prévisibles, plus transparente.
Eh bien, deux ans plus tard, profitant du fait qu’il n’ait pas une majorité absolue, Justin Trudeau joue à nouveau avec les électeurs. Il sait bien que ceux-ci sont habitués à semblable manigance puisqu’ils n’ont vécu qu’une fois un scrutin dont la date était connue plus de 40 jours à l’avance.
Utilisation de la gouverneure générale
Bon, pour être honnête, je dois avouer que le premier ministre n’a pas le pouvoir de dissoudre le parlement tout seul. Pour le faire, il doit demander l’autorisation au gouverneur général, le représentant de la reine au Canada. En janvier dernier (voir la lettre québécoise du 29 janvier 2021), l’astronaute Lise Payette démissionnait de son poste de gouverneure générale.
Cet été pour la remplacer, Justin Trudeau a nommé Mary Simon pour la remplacer. Pour faire face au scandale des pensionnats autochtones (lettre du 11 juin 2021), il a mis en avant une femme autochtone pour la première fois. Il a toutefois oublié que son pays était bilingue et que madame Simon ne parlait pas français. Une gifle monumentale aux francophones canadiens.
Donc madame Simon n’a pas bronché et a entériné la dissolution du parlement et a plongé le Canada dans une nouvelle campagne électorale. Il faut reconnaître que c’est bien joué de la part des libéraux canadiens. Les sondages leur sont favorables et les autres partis ont tous de la difficulté à trouver leur voie.
Les forces en présence
Face au Parti libéral du Canada (PLC) de Justin Trudeau qui possède 155 sièges sur 338, on trouve le Parti conservateur (PC) avec 119 sièges, le Bloc québécois (BQ) avec 32, le Nouveau parti démocratique (NPD) avec 24, le Parti vert du Canada (PVC) avec 2 et 5 indépendants. Le dernier siège étant vacant au moment de la dissolution.
Les sondages au moment du déclenchement des élections donnent 35 % au PLQ, 30 % au PC, 19 % au NPD, 7 % au BQ (qui n’est actif qu’au Québec où il recueille 29 % des intentions de vote) et 5 % au vert. Ce qui signifie que les libéraux sont proches du seuil d’un gouvernement majoritaire. Leurs sondages internes par circonscription doivent leur donner cette majorité, sinon ils n’auraient pas pris la décision de dissoudre la Chambre.
Car, le vote uninominal à un tour signifie que chaque cercle électoral vaut pour lui-même. Celui qui a le plus de voix étant élu, les sondages nationaux peuvent être trompeurs. En 2019, les conservateurs avec 34 % avaient obtenu moins de sièges que les libéraux avec 33% et le Bloc québécois avec 7 % des voix, mais uniquement sur le Québec a obtenu 8 sièges de plus que le NPD avec 16 % des voix.
Une campagne dont personne ne veut
Plus de la moitié des Canadiens (51 %) disent ne pas avoir d’intérêt pour des élections actuellement contre seulement 26 % qui disent s’y intéresser. Devant de tels chiffres, le défi pour Justin Trudeau est peut-être plus difficile qu’il n’y parait. Si depuis le début de la pandémie, tous les scrutins provinciaux ont bénéficié aux partis au pouvoir, le résultat du 18 août en Nouvelle-Écosse ne rassure pas les libéraux.
Les progressistes-conservateurs ont battu nettement les libéraux qui détenaient un gouvernement minoritaire et qui tentaient le même pari que le parti fédéral. Je souhaite le même sort à Justin Trudeau. Si la pandémie continue, il risque de pâtir de sa témérité de faire déplacer les gens et si elle s’estompe, peut-être que les conservateurs arriveront à démontrer que l’argent distribué à tout vent risque de coûter cher à l’avenir.
La chance du premier ministre est que la question environnementale est le point faible des conservateurs et que les verts sont trop faibles pour influer vraiment sur le scrutin. Son image verte malgré qu’il ne fasse rien de peur de déranger les producteurs de pétrole (le Canada est le 4e producteur au monde) va peut-être lui permettre de réussir son pari.