Valais Libre

18 décembre 2023

Quand la langue française grandit le personnage

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Durant mes vacances automnales, j’ai, comme beaucoup, enfin trouvé du temps pour lire. Dans la diversité de ces lectures vivifiantes, j’ai avalé avec délectation « Une vie sans peur et sans regret », les mémoires de Denise Bombardier. Cette autobiographie me titillait depuis quelque temps. Depuis sa mort, le 4 juillet dernier. Bizarre de penser que cette défenderesse du Québec et de la langue française aient disparu le jour de l’indépendance américaine. Au moins son nom restera à jamais lié à une indépendance…

« Moi, monsieur Matzneff me semble pitoyable. La littérature dans ce pays (la France) sert d’alibi à ce genre de confidence. (…)  Monsieur Matzneff nous raconte qu’il sodomise des petites filles de 14 ans, 15 ans, que ces petites filles sont folles de lui. On sait bien que les vieux messieurs attirent les petites filles avec des bonbons, monsieur Matzneff, lui, les attire avec sa réputation. Mais ce qu’on ne sait pas c’est comment ces petites filles qui ont subi des abus de pouvoir, comment s’en sortent-elles ? Je crois que ces petites filles sont flétries et certaines pour le restant de leur jour. La littérature ne peut pas servir d’alibi. »

En mars 1990 Denise Bombardier surgit à la face de la France avec cette intervention lors de la célèbre émission « Apostrophe de Bernard Pivot ». Elle fut la seule sur le plateau à dénoncer le pédophile qui sous prétexte de littérature racontait ses abominables exactions sur des mineures. L’heure n’était pas encore à la condamnation absolue de la pédophilie. Elle était acceptée, en tout cas dans les cercles parisiens bien pensants.

Le français pour s’élever

Née le 18 janvier 1941 dans une modeste famille du Plateau-Mont-Royal à Montréal, la petite Denise va vite assimiler l’idée de sa mère que l’instruction va lui permettre de s’élever dans la société. Sa mère, va d’ailleurs très vite inscrire sa petite fille à des cours d’éloquence qui lui permettront très vite de parler « à la française ». Dès lors, son destin de femme un peu à part était scellé.

L’évasion dans les livres des grands auteurs va lui permettre de passer à travers une éducation à « l’eau bénite »qui était la norme des années Duplessis au Québec. Elle ne gardera pas de rancœur de cette époque qui passera dans l’histoire de la province comme celle de la « Grande noirceur ». Tout au contraire, elle sera reconnaissante envers certaines sœurs enseignantes qui lui ont ouvert le monde. Sa vie durant, une certaine pudeur issue de cette époque la suivra.

Baccalauréat en art en 1964, maîtrise en sciences politiques en 1971 obtenues à l’Université de Montréal l’amèneront en France pour préparer son doctorat en sociologie. Ce qui sera fait en 1974. C’est donc bien par l’éducation que cette femme issue d’une famille canadienne-française, donc « née pour un petit pain », des « Culbéquois » comme le disait son père, s’élèvera dans la société québécoise et francophone.

Tout naturellement le journalisme

Le simple énoncé de ses diplômes illustre combien sa voie n’était pas tracée d’avance. Mais ces années d’études correspondent à la « Révolution tranquille » qui a transformé le Québec à partir de 1960. C’est tout naturellement qu’elle partagera ses espoirs, ses illusions, ses rêves dans le Quartier latin, le journal des étudiants de l’Université de Montréal. Ses textes souvent engagés, sa vision du monde la fera vite remarquer.

Après avoir joué quelques rôles secondaires au théâtre ou à la télévision, le journalisme lui ouvrira un chemin que la comédie peinait à lui offrir. Elle travaillera près de 40 ans comme pigiste pour Radio-Canada. Trop amoureuse de son indépendance pour se laisser enfermer dans la sécurité d’un train-train quotidien. Durant ce parcours, elle sera la première femme à animer une émission d’affaires publiques au Québec. Elle sera surtout reconnue pour ses qualités d’intervieweuse.

Amoureuse des hommes

Traitée de « mal-baisée » par l’intelligentsia parisienne après son altercation avec Gabriel Matzneff, elle rira de ce machisme. Car si Denise Bombardier fut une féministe de son temps, elle fut aussi une séductrice. Elle rend hommage aux hommes de sa vie dans ses mémoires. Ils ont toujours été des piliers pour elle. Mais, il en a fallu plusieurs pour la suivre tout au long des 82 ans de son parcours.

Je vous fais grâce de toutes les péripéties de sa vie amoureuse. Les plus curieux la liront avec délectation. Deux ont tout particulièrement marqué sa vie. Tout d’abord, le père de son fils Guillaume, le journaliste et animateur québécois Claude Villeneuve avec qui elle se maria deux fois, en 1964, puis en 1976 et divorça définitivement en 1980. Elle se remaria en 1998 avec un Irlandais amoureux de la langue française James Jackson qui fut son pilier des dernières années.

Denise Bombardier était une amoureuse de son Québec. Membre durant quelques années de jeunesse du Rassemblement pour l’indépendance du Québec (RIN), elle s’abstiendra par la suite de militer par rigueur journalistique. Elle dénonça de toutes ses forces le manque d’ambition de ses concitoyens, mais salua les réussites. Ainsi  elle a écrit la chanson « La diva » en 2007 pour la plus célèbre des Québécoises : Céline Dion.

Pour conclure, je reprends les mots du journal montréalais Le Devoir avec qui elle a beaucoup polémiqué. « Une « diva », c’est un peu aussi ce que Denise Bombardier était. Une personnalité hors normes dont le caractère force l’admiration, en dépit des excès. »

17 décembre 2023

Carte postale 37

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Lévis, vendredi 24 novembre 2023

Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

Le mois de novembre achève. Le terrible mois de novembre achève. Non, je ne parle pas de la triste réalité des actualités mondiales. J’évoque l’habituelle tristesse du mois de novembre québécois. Il n’y a pas pire… enfin si, il y le mois d’avril québécois. Entre les deux, les quatre plus beaux mois de l’année : l’hiver.

Je ne sais plus à combien de personnes j’ai dit avec un air supérieur : « Ne venez pas au Québec au mois de novembre. Le seul avantage est que les billets d’avion sont moins chers. Le climat est difficile. En cette fin novembre 2023, je dois constater que finalement il n’a pas été si pire comme on dit ici pour dire que c’était bien.

La grisaille et la pluie froide nous ont épargnés. Un début sec, puis deux épisodes neigeux et maintenant l’arrivée du froid. Moins quinze ce matin (j’écris en lettre, c’est moins froid!) et moins six au maximum. De quoi garder déjà un petit air d’hiver avec son blanc manteau fixé au sol.

Il fait froid, mais pas encore « frette » même s’il vente pas mal fort. Ce maudit Nordet nous oblige à ne pas oublier tuque, mitaines et foulard avant de sortir. Mais, bien équipé, le fond de l’air est vivifiant et nous prépare au mieux aux quatre prochains mois où là, même en l’écrivant en lettre, la température effraiera les non-initiés. Heureusement, mon douzième hiver ne me fait pas peur.

La légende québécoise dit que si on résiste aux trois premiers, on ne pourra plus s’en passer. Donc, je suis quadriaccro et j’ai bien hâte de voir la couche blanche s’élever. J’ai testé notre nouveau souffleur. La neige n’a qu’à bien se tenir.

Amicalement,

Pierrot

14 décembre 2023

Quand le Québec est en grève

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Le mardi 21 novembre dernier, le front commun syndical a mis sa menace à exécution et 420 000 membres de la fonction publique ont cessé le travail pour trois jours. Dès le jeudi, la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) a enchaîné avec une grève illimitée. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la vie de beaucoup de Québécois a été quelque peu perturbée.

« Je ne sais pas si j’arriverai à passer mardi matin, peut-être dans l’après-midi… », m’avait averti la personne qui refait actuellement ma salle de bains. Ce grand-père devait gérer ses petits-enfants pour que ses enfants puissent aller travailler. Lors de mon passage au curling ce mardi matin là, je n’avais jamais autant vu d’enfants derrière les vitres en train d’admirer les exploits de leurs grands-parents.

Les familles québécoises ont dû trouver des alternatives à l’école pour faire garder leurs enfants (car pour pas mal de monde, oui, l’école est une garderie). Toutes les écoles du Québec ont fermé durant trois jours, puis, pour la grève générale illimitée de la FAE, seulement celles avec une majorité de membres affiliés à la FAE.

Des négociations difficiles

Si on en est arrivé là, c’est à cause du blocage des négociations pour le renouvellement de la convention collective des fonctionnaires qui arrive à échéance le 31 décembre 2023. La première offre gouvernementale a été déposée en décembre 2022. Depuis, comme le prévoit la loi, de multiples tables de négociations travaillent. Mais, aucun accord n’a été trouvé. Les conditions de travail et les salaires constituent les principaux points d’achoppement.

Les quelques jours avant le déclenchement de la grève, les déclarations sont devenues plus vives.  La présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel demande aux syndicats « plus de flexibilité » alors que son gouvernement a consenti à des hausses de salaire historiques au sortir de la pandémie. Ce à quoi les syndicats ont rétorqué que les 8 milliards de dollars offerts par le gouvernement étaient étalés sur cinq ans et répartis entre plus de 760 000 employés. 

« Ce qui représente pour certains une hausse d’un peu plus de 35 $ par semaine sur leur chèque de paie, précise le syndicat. Tout est relatif. » « Si on ne fait que donner des augmentations de salaire, le quotidien de l’enseignant qui trouve sa classe trop difficile ne sera pas changé, illustre Sonia LeBel. Celui de l’infirmière qui doit faire du temps supplémentaire obligatoire à la dernière minute et qui doit réorganiser sa famille et sa vie ne sera pas changé. » Entre des syndicats qui veulent plus d’argent et un gouvernement qui veut parler conditions de travail d’abord, ça ressemble à un dialogue de sourds.

La fourmilière syndicale

Dans cet imbroglio, il ne faut pas oublier que les interlocuteurs sont nombreux. L’exemple de cette grève est éloquent. Le front commun qui regroupe la CSN, la CSQ, la FTQ et l’APTS, soit près de 420 000 fonctionnaires a entamé le 21 novembre une série de trois jours de grève, qui entraîne la fermeture des écoles et des cégeps publics et ralentit les activités dans les hôpitaux. 

Ensuite, ce fut au tour de la FAE de se lancer dans une grève illimitée avec l’appui de ses 65 000 membres à partir du 23 novembre. Sans oublier la Fédération des infirmières du Québec FIQ qui représente 80 000 infirmières en grève les 23 et 24 novembre. Pour ne rien arranger, certains membres comme les psychologues ne sont pas d’accord avec les priorités syndicales et déposent plainte.

N’en jetez plus, la démonstration est faite que ce système de gestion du personnel n’est pas la plus adéquate. Et encore, heureusement que pour une rare fois, il y a un front commun des principales centrales syndicales. Ce n’est pas toujours le cas, ce qui a amené à des ententes différentes et des conditions de travail différentes selon les affiliations syndicales.

Une gestion d’un autre temps

Au-delà de cette situation ponctuelle qui revient à un rythme régulier, il convient de s’interroger sur la pertinence d’une telle relation entre employés et employeur. Surtout quand l’employeur est l’État. Trop de normes, trop de lois figent un système déjà ankylosé. Ce n’est certainement pas ainsi qu’on va améliorer le fonctionnement et l’efficacité des services publics.

Je n’ai pas de formule magique. En arrivant au Québec, j’ai découvert ces relations syndicales/étatiques basées sur les rapports de force. Elles m’ont décontenancée. Elles ne correspondent pas à ma culture helvétique. Douze ans plus tard, je ne vois toujours pas les avantages. J’en comprends mieux la philosophie. Elles ont sûrement eu du sens à une époque, mais là, il faut passer à autre chose… rester à trouver quoi ?

3 décembre 2023

Carte postale 36

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Lévis, jeudi 16 novembre 2023

Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

Le Québec pleure. Toune d’automne, Les étoiles filantes, L’Amérique pleure, sont orphelins. Karl Tremblay, le chanteur des Cowboys Fringants est décédé à 47 ans. Son combat contre un cancer de la prostate découvert en 2020 est perdu. Celui que les membres du groupe qualifient de guerrier exemplaire n’est plus. Le Québec pleure.

Il était l’idole d’une génération qui a grandi avec ce groupe désormais mythique au Québec. Résultats d’une rencontre improbable entre deux hockeyeurs passionnés de musique en 1995, le groupe complété par trois autres musiciens sort un premier album en 1997 fera les « party ». Il prospèrera vite et au tournant du deuxième millénaire, il partira à la conquête de la province, puis dès 2004 de la francophonie européenne.

Je dois avouer honnêtement que, même si je connaissais de réputation le nom du groupe, Karl Tremblay ne me disait rien. Je n’écoute que très rarement de la musique, c’est un manque à ma culture. Mais depuis l’annonce de sa mort, hier, je découvre des chansons qui touchent au plus profond de l’âme québécoise.

Je comprends que le gouvernement propose des funérailles nationales pour que le plus grand nombre puisse lui rendre hommage. Karl Tremblay avait de la présence sur scène. Il a fait lever la foule cet été lors du Festival d’été de Québec (l’équivalent du Paléo en Suisse). Très atteint dans sa santé, il a tenu à offrir à ses fans un concert énergique, émouvant qui restera dans la mémoire musicale de la province.

Amicalement,

Pierrot

29 novembre 2023

Legault préfère les chars au tramway, comme les Québécois

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Il y a deux semaines, je vous parlais de la question des transports en commun dans la ville de Québec. Je concluais en disant que si c’est bien qui paie commande, le tramway de Québec ne verra pas le jour. Je n’y croyais pas vraiment. En citant le métro de Montréal, je montrais comment les politiques se devaient d’être plus visionnaires. Quelques jours plus tard, le premier ministre québécois, François Legault déjouait mon pronostic. Les transports en public ne sont pas pour lui.

« On va donner un mandat à la Caisse de dépôt pour repartir du besoin de mobilité à Québec et nous arriver avec le meilleur projet structurant pour la ville de Québec. La Caisse de dépôt […] a déjà démontré son expertise en matière de transport collectif et […] a livré la première branche du REM. » La ministre des Transports, Geneviève Guilbault a mis les choses au point à la sortie de la réunion entre le maire de Québec et le premier ministre. Quand un leader politique envoie un subordonné au front, ce n’est jamais bon signe.

Une mise sous tutelle de la ville

Si la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) qui est un investisseur institutionnel qui gère entre autres les régimes des rentes du Québec a mené à bien le Réseau express métropolitain (REM) de l’agglomération montréalaise, c’était avec la bénédiction de la mairesse de Montréal. À voir la tête du maire de la Capitale nationale, ce n’est manifestement pas le cas cette fois.

« J’ai eu une très bonne discussion avec le premier ministre, où on s’est parlé tous les deux dans le blanc des yeux — seuls, lui et moi — , où j’ai fait la présentation du plan pour que la Ville réalise le projet de transport structurant qu’est le tramway. Ce n’est pas l’option qu’il va retenir. Évidemment, j’en suis déçu. » Bruno Marchand avait la mine basse en sortant de sa rencontre avec le premier ministre.

Certes, les coûts avaient explosé ces derniers temps, mais la proposition du maire de prendre les choses en main devait relancer un projet indispensable selon moi. Le retrait de ce projet des services de la ville est un affront. Le gouvernement montre qu’il veut tout contrôler, d’autant plus quand ça ne va pas dans son sens. L’autonomie communale chère au Valais est bien loin.

Et maintenant que reste-t-il ?

«On demande à des experts de la Caisse de dépôt d’évaluer le projet de tramway de Québec, qui est passé de 3-4 milliards, à plus de 8 milliards, de regarder d’autres projets possibles: train léger, métro. Mais on veut un projet de transport structurant pour Québec.» François Legault joue au bon gestionnaire et promet de ne pas remettre « aux calendes grecques » la construction d’un réseau structurant à Québec.

Mais j’ai l’impression de revenir plus de dix ans en arrière. Dès mon arrivée dans la province, j’ai entendu parler d’un réseau structurant. Je vous le disais dans ma chronique, le SRB tenait la vedette. Malheureusement, le Service rapide de bus ne survécut pas aux dissensions entre les villes de Québec et Lévis. Déjà trop cher. À ce rythme-là, on ne fera jamais rien, car les coûts ne baisseront jamais.

Pour quelques observateurs avisés, la future solution ne fait pas de doute. La Caisse de dépôt est propriétaire du concept de Réseau express métropolitain. Elle va donc vendre ce REM à Québec. On aura droit à de beaux passages surélevés et comme Québec ne possède pas de tunnel à agrandir comme sous le Mont-Royal, un trou sous le Saint-Laurent pour rejoindre Lévis est presque déjà fait.

Planifier selon l’opinion publique

J’ironise bien sûr! Enfin, je l’espère, car le gouvernement Legault qui amenait tellement d’espérance en 2018, qui s’en est après tout bien sorti de la pandémie, a complètement disjoncté après sa réélection triomphale en octobre 2022. L’arrogance que le bon François s’était juré de combattre de toutes ses forces a finalement vaincu. La défaite dans une partielle en 2023 n’a rien arrangé.

Les revirements, les changements de direction, les déclarations à l’emporte-pièce, les décisions prises sans consultations se succèdent. Un nouveau jeu divertit les journalistes parlementaires : découvrir, à chaque message du premier ministre, qui parmi ses membres du gouvernement était au courant de l’annonce. Souvent la liste est courte et la tête des autres en dit long.

Les gens de la Capitale nationale et surtout de Chaudière-Appalaches (la région de Lévis) sont favorables à un troisième lien routier entre les deux villes, on fait renaître le tunnel dernièrement enterré. Le soutien au tramway s’effondre, on s’empresse de priver Québec de son projet. On le refile à la bien-aimée Caisse de dépôt qui pourra le modifier à sa guise, surtout à celle du gouvernement, en y intégrant, comme par hasard, un lien sous-fluvial pour faciliter la connexion avec Lévis.

En démocratie, le peuple aura toujours le dernier mot, mais les vrais hommes politiques savent que ce n’est pas en suivant sa population qu’on gouverne efficacement, mais c’est en la précédant.

23 novembre 2023

Carte postale 35

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Lévis, lundi 6 novembre 2023,

Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

Oui, la partie grisée est plus courte cette semaine. Ne désespérez pas celles et ceux qui m’avaient dit que vous ne ratiez pas mes petites cartes, aujourd’hui c’est toute la chronique qui parle de mes aventures. Si vous ne l’avez pas encore fait, je vous invite à la lire. Vous y découvrirez presque en même temps que moi un loisir québécois insoupçonné. Vous reviendrez après à la carte postale.

C’est bon vous avez lu. Ils sont fous ses Limoulois et Limouloises, si c’est comme ça qu’on dit, au Québec, il y a une commission de toponymie qui donne toutes ces indications en expliquant le pourquoi. Voilà pourquoi on paie tant d’impôts. Bref les habitants du quartier qui porte le nom du manoir du sieur de Limoëlou qui n’est autre que le découvreur du Canada, Jacques Cartier, ces habitants donc savent s’amuser.

La soirée fut si drôle, moite et pourtant pas trop arrosée que trois jours plus tard, je n’ai toujours pas retrouvé ma voix,

Amicalement,

Pierrot

21 novembre 2023

La lutte bien ancrée dans la culture populaire québécoise.

Filed under: Uncategorized — vslibre @ 8 h 31 min

Si la lutte suisse fait partie du patrimoine helvétique, une autre forme de lutte est inscrite dans les gênes québécoises. Je ne m’en doutais pas jusqu’à ce que ma blonde m’invite à une soirée qu’elle partageait avec d’anciennes collègues. J’ai donc eu l’occasion de découvrir un univers insoupçonné qui marque et a marqué des générations québécoises.

« Quand j’étais petit, le dimanche matin on s’installait devant la télé en famille. On ne manquait jamais la réunion de lutte à la télévision. » « Ah, ben chez nous aussi le rituel était immuable, j’adorais ça! » « Grâce à ton chum, je vais me sentir comme autrefois, j’adorais le commentateur, un Français… Carpentier qui s’appelait. »

Je suis surpris en attendant la discussion entre ma blonde et l’ami de sa collègue. Elle ne m’avait jamais raconté ces rendez-vous du dimanche. Je connaissais la soirée du hockey du samedi soir. Un incontournable des familles québécoises. Le hockey est le sport national du Québec, mais la lutte. Je suis étonné.

Tout commence dans les escaliers

« Il y a déjà du monde! » Le rendez-vous était à 19h devant la porte du Centre Horizon dans Limoilou, le quartier populaire de la basse-ville de Québec. Arrivé à moins dix, la file commence déjà sur le trottoir. Bizarrement, la lutte est ponctuelle, on sent un premier mouvement à l’heure fixée pour l’ouverture des portes.

La file ne commençait pas à l’entrée du centre. Il y avait du monde à l’intérieur déjà. Je découvre en entrant dans la bâtisse que la salle de la réunion du North Shore Pro Wrestling (NSPW), lutte professionnelle de la Côte-Nord en français, se tient au quatrième étage, juste au-dessus de la Société des Assoiffés de la Bible. 

Le mélange est éclectique dans ces centres communautaires où la Société Saint-Vincent de Paul côtoie le club de boxe « Le Cogneur » au deuxième étage. Tout un programme qui permet de jaser en montant l’escalier et de surprendre quelques bribes de discussions entre habitués. La manifestation semble sérieuse et j’ai entendu des noms inconnus, mais qui semblaient faire l’admiration des spécialistes.

Un spectacle où le public participe

« Désolé, les chaises rouges sont pour les VIP. » Si j’avais anticipé, j’aurais utilisé ma carte de presse, ça fait toujours effet. Tant pis, nous trouvons une série de chaises dans la dernière rangée de la section quatre, juste devant le bar. Donc, première surprise, la salle est grande, organisée comme toute bonne réunion de boxe autour d’un ring surélevé.

Le temps de visiter le kiosque des marchandises, le stand des tee-shirts et autres babioles, d’acheter une bière et voilà qu’un homme qui détonne dans ce décor avec son costume noir, sa chemise blanche et son nœud papillon, prend le micro et annonce l’épreuve de préréunion avec l’école de lutte du coin.

Ça court, ça saute, ça s’évite, ça se baffe, mais pas trop fort, ça cogne pour faire illusion et ça réussit aussi quelques figures assez complexes en utilisant les cordages du ring. Assez pour chauffer le public. J’apprendrai plus tard qu’il y a 500 places maximum et presque toutes sont vendues. Notre pingouin reprend le micro et annonce une vedette locale dont j’ai oublié le nom. 

Et là, surprise, le lutteur prend le micro et se met à parler, à parler, à parler. Assez pour que le public commence à lui répondre, à l’insulter. Je ne comprends pas grand-chose. Entre l’accent québécois et une sono qui sature, mes oreilles peinent. « On s’en câlisse, on s’en câlisse, on… », ça j’ai compris et le lutteur aussi, il pose le micro et son adversaire arrive.

Des professionnels qui en sont vraiment

Passons sur cette passe qui avait un niveau technique supérieur, les choses sérieuses commencent après une quinzaine de minutes de pause. Vingt heures viennent de sonner au clocher de l’église désaffectée voisine, enfin c’est ce que j’ai cru entendre, lorsque le premier combat entre Loue O’Farrel l’invincible détestée de tous affronte Emily Grimsky, la chouchoute du public qui malheureusement ne sera pas à la hauteur de la peste détestée.

Une chaleur moite envahit maintenant la salle. Ma blonde avait raison, nul besoin de mon manteau d’hiver, mon tee-shirt suffit. Sur le ring, les vedettes se succèdent. Travis Toxic écrase Dgenerate, Marko Estrada s’enferre dans des luttes avec des équipes sans que je ne comprenne trop ce qui se passe. Enfin, c’est la grande finale du Standing 30. 

Je comprends le nom de la soirée, trente lutteurs vont s’affronter, le dernier qui restera sur le ring sera le grand vainqueur de la réunion. Tout commence à deux, puis chaque deux minutes environ, c’est un décompte de mémoire, un nouveau concurrent monte dans l’arène. Il faut passer par-dessus les cordes et finir au bas du ring pour être éliminé.

 Au moment le plus chaud, je ne compte pas moins de douze lutteurs ou lutteuses, la partie est mixte sur le tapis. Mike Blanchard le Huron et Michel Plante le Québécois sont les héros de la foule, mais ils trépassent et au final, c’est Benjamin Tull qui restera le dernier. Je le savais, je l’avais dit dès le départ! Son tee-shirt se vendait 100$, alors que celui des autres 25$. Il y avait bien une raison.

Le Québec n’a pas fini de m’étonner.

14 novembre 2023

Carte postale 34

Filed under: écrits d'ailleurs — vslibre @ 8 h 56 min
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Lévis, jeudi 2 novembre 2023

Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

Novembre est là, mais la première neige l’a précédé. Oui, il a neigé le 31 octobre pour la première fois de l’hiver. Enfin, non pas de l’hiver, de la saison. L’hiver n’est pas encore arrivé. Si vous en Suisse êtes déjà à l’heure d’hiver, au moment où j’écris ces lignes, ce n’est pas encore le cas chez moi. Ça arrivera une semaine après l’Europe pour nous. Comme nous avons passé à l’heure d’été deux semaines avant vous.

J’en conclus donc que l’hiver horaire est trois semaines plus court au Québec qu’en Valais. On se console comme on peut dirait ma blonde qui, comme une majorité de Québécois n’aime pas l’hiver. Vous le savez ce n’est pas mon cas. J’aime cette saison parce que je la passe entre mon bureau bien au chaud et mon club de curling où joué à 1 ou 2 degrés n’est pas un problème.

Non le problème c’est que je n’ai pas encore gagné de partie… la saison va être longue. Mais c’est secondaire parce que l’hiver est beau aussi pour ses rigueurs qui font nous sentir vivants, pour sa blancheur qui égalise le paysage, pour son air vivifiant, pour son soleil poignant, pour son vent intrigant, pour… pour… Vous n’avez qu’à venir le vivre ici quelques jours pour savoir pourquoi.

Mais là on est encore en automne et l’hiver va attendre tout de même un peu, même si en une semaine la température a passé de 20 degrés au soleil à -18 au réveil. Heureusement le corps s’habitue à presque tout. Et cette différence permet surtout aux feuilles de se ratatiner rapidement. Il y en a d’autant moins à ramasser.

Amicalement,

Pierrot

10 novembre 2023

Le Québécois préfère son char au tramway

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 6 h 54 min
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Ces derniers temps, le mot tramway est certainement celui qui est le plus utilisé dans la presse locale de la Capitale nationale. Maintenant que le dernier consortium qui était dans la course pour le construire s’est retiré, le maire de Québec se retrouve bien seul pour défendre ce projet. Sa concrétisation dépend bien plus de la volonté de développer le transport en commun que de toute autre question organisationnelle.

Je vous ai parlé quelquefois des transports publics en Amérique du Nord. Ce fut un choc culturel à mon arrivée au Québec. Je savais que ça n’avait rien à voir avec l’Europe, mais à ce point, je ne m’y attendais pas. Pourtant, depuis dix ans, nous vivons avec un seul véhicule dans le ménage. Une incongruité dans la région.

Depuis dix ans aussi, j’entends parler d’un projet de transport en commun structurant dans la région de la Capitale nationale. En 2011, c’était de SRB qui était à la mode. Un service rapide de bus devait desservir la ville de Québec, ses banlieues et la ville de Lévis au sud du Saint-Laurent. Les plans étaient beaux, les maires complices, que demander de plus ?

Des chicanes, encore des chicanes

La lune de miel ne dura pas. Dès que les budgets se sont affinés, le maire de Lévis a tout d’abord réduit au minimum l’emprise du SRB sur son territoire, juste le temps de traverser le pont, puis a carrément décidé d’abandonner le projet. Le maire de Québec n’en attendait pas moins. Il a vite pris ce prétexte pour abandonner le projet.

Plus facile de mettre la faute sur le chef de l’autre rive que d’oser se dire contre un projet si environnemental. Pourtant, c’est bien plus l’approche des élections et la certitude que la majorité de la population des deux rives ne voulait pas de travaux qui allaient perturber leur circulation qui a sonné le glas du SRB.

Les élections passées, voilà que le maire de Québec qui en était à sa dernière législature eu une vision » le tramway était la solution idéale. Le maire de Lévis qui n’est pas encore proche de la retraite devint le chantre d’un troisième lien entre les deux cités et si possible un tunnel. Québec pouvait travailler seul sur son projet.

Un tramway nommé désir

Oui l’intertitre est un peu bateau, mais ce tramway ne se nommait pas désir pour tous. Les quelques résidents du centre-ville et ceux qui logeaient aux abords du tracé planifié furent les plus enthousiastes. Les habitants des banlieues avaient trop besoin de leur char pour accepter une diminution des voies de circulation ou des places de stationnement.

Tant que le maire Labeaume fut aux affaires les choses avancèrent bon train, la contestation le motivant plutôt que le retenant. Après les dernières élections et l’arrivée d’un maire jeune, sportif et protransport en commun, tout semblait aller pour le mieux. Sauf que faute de discours public convaincant, les opposants s’en donnèrent à coeur joie. Tant et si bien que le gouvernement resta des plus discrets.

Qui paie commande… oui, mais…

Le problème est que tous les paliers de gouvernement sont impliqués dans le financement. Le fédéral a promis d’assumer 40% des coûts et de s’ajuster aux augmentations du budget au fur et à mesure de l’avancement du projet. Pour ce qui est du gouvernement provincial, tout est plus flou. Le premier ministre a promis d’assumer sa part… si les coûts ne sont pas exorbitants.

Reste donc à la ville de Québec de prendre le leadership. Ce que le maire fait bien, mais il semble seul et attaqué de toute part ! Les battus des dernières élections qui la jouaient fair-play tant que Bruno Marchand (le maire donc) restait très populaire, sont extrêmement critiques depuis que les adversaires montent aux barricades. Ils n’oublient pas que l’important c’est le char.

Car finalement si c’est bien qui paie commande, le tramway de Québec ne verra pas le jour. Les contribuables ne semblent pas prêts à modifier leur comportement. Radio-Canada a ressorti un micro-trottoir des années soixante à Montréal. Personne ne voulait du métro prôné par le maire. Il ne servait à rien et on n’allait pas changer nos habitudes pour lui. Aujourd’hui, le métro de Montréal est le deuxième le plus utilisé en Amérique du Nord après celui de New York et les Montréalais n’arrêtent pas de demander des prolongations de lignes.

Le maire de Québec doit donc s’accrocher. Le tramway n’aura que des adeptes quelques années après sa mise en service.

8 novembre 2023

Carte postale 33

Filed under: écrits d'ailleurs — vslibre @ 8 h 50 min
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Lévis, vendredi 27 octobre 2023

Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

L’automne québécois a basculé dans sa deuxième partie. La plus poche comme on dit ici. Celle où les feuilles colorées jonchent le sol et sont difficiles à ramasser parce que la pluie agit comme une colle. Les températures baissent. Elles ne sont pas encore hivernales, non juste froides et humides. Le mois de novembre approche à grands pas et me rappelle pourquoi c’est le moment où les billets d’avion en direction du Québec sont le moins chers de l’année.

Qui voudrait voyager dans une région déprimante ? Vous me direz que ce n’est ni la géographie ni la météo qui sont les plus déprimantes ces temps. Vous avez bien raison, une guerre fait oublier une autre, les équilibres mondiaux deviennent de plus en plus précaires, donc inquiétante. La crise climatique ne nous laisse pas non plus de répits. Les habitants de la vallée de la Vésubie dans le sud de la France en savent quelque chose.

Plus près de moi, c’est le chanteur d’Acapulco qui est rincé. Un petit clin d’œil à un ancien doyen de ma fanfare saviésanne trop tôt disparu qui savait jouer avec sa voix. Eh oui, cette pauvre station balnéaire qui a été balayée par un ouragan imprévisible. Je ne sais pas si vous avez vu les images des coups de vent dans les hôtels… ça coupe l’envie de passer un moment hivernal dans ces « tout inclus » qui font rêver les Québécois.

Sans oublier que mes voisins du Sud sont toujours secoués par des tueries de masses. Tant que la seule réponse à ce fléau sera de s’armer encore plus, je ne vois pas comment la situation pourra évoluer. Ils m’avaient donné pourtant un peu d’espoir en réglant leur chamaillerie de cour d’école. Ils ont enfin pu élire un nouveau chef de la Chambre des représentants. Les clowns républicains ont mis fin à leur spectacle.

Petite lueur d’espoir, les problèmes judiciaires de leur grand chef prennent petit à petit de l’ampleur. Dans l’histoire de la tentative de modifier les résultats de l’élection présidentielle 2020 dans l’État de Géorgie, la tactique de la procureure semble fonctionner. Elle traite Donald Trump comme un chef de gang. Elle a inculpé une vingtaine de membres de son entourage. 

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