Valais Libre

30 juillet 2020

Les maisons des aînés, est-ce vraiment une bonne nouvelle ?

Filed under: 0. Si on en parlait — vslibre @ 12 h 16 min
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Le 28 juillet dernier, nous apprenions qu’une maison des aînés allait s’implanter à Lévis. Cette annonce est-elle vraiment une bonne nouvelle ? La CAQ au pouvoir ne surprend personne avec cette annonce qui correspond à son programme. Mais, après les événements de ces derniers mois, le moment serait peut-être venu d’une réflexion plus en profondeur sur ce que nous voulons vraiment pour vivre au mieux la dernière étape de notre vie.

« On veut que ça ressemble à un vrai milieu de vie. Tout ce qui ressemble à un hôpital est camouflé derrière les murs. Donc c’est réellement une maison avec une grande cour et un jardin », annonçait Maguerite Blais lors de l’annonce mardi dernier. La maison des aînés de Lévis aura 96 places pour aînés et 24 autres seront pour accueillir des adultes ayant des besoins spécifiques.

Une crise majeure dans nos « mouroirs »

Au 29 juillet, 5670 personnes étaient décédées de la Covid-19 au Québec. Avec 662 morts par millions d’habitants (chiffres au 17 juillet), le Québec fait mauvaise figure au niveau international. Elle se classe très haut dans le classement, plus haut que l’Espagne (608), l’Italie (579) ou les États-Unis (429) et bien plus haut que le Canada (234) ou la Suisse (228), mais plus bas que la Grande-Bretagne (666) ou la Belgique (845).

Ce très mauvais bilan est dû essentiellement à l’hécatombe dans les CHSLD et RPA (Résidence pour aînés) où ont eu lieu 86 % des décès (chiffres au 17 juillet). Il n’est donc pas exagéré de parler de « mouroirs » en référence à ces tristes chiffres. Surtout que la réputation de certains de ces établissements n’était déjà pas très reluisante.

Il faut malheureusement constater que ce n’est pas prioritairement la vétusté des établissements qui est la cause principale de ce désastre. Non, le problème majeur a résidé dans les employés. Pas que ceux-ci aient spécialement démérité ou failli à la tâche, bien au contraire, la plupart peuvent être qualifiés de héros. Toutefois, ils n’ont rien pu faire contre une organisation du travail clairement déficiente.

Manque de personnel, manque de matériel, manque de mesures protectrices, mobilité excessive du personnel … la liste est longue des erreurs organisationnelles. Il faudra une analyse sans concession de ces manquements. Ni le ministère ni le gouvernement ne peuvent mener une enquête crédible sur cette question. Ils sont bien trop impliqués, la protectrice du citoyen ou un autre organisme indépendant pourront peut-être mener cette tâche à bien.

Toujours plus de la même chose

En attendant, il me paraît peu crédible de se lancer dans le vaste projet des « maisons des aînés ». Le gouvernement annonce 2,6 milliards pour ces nouvelles constructions. Je ne pense pas que c’est en faisant « toujours plus de la même chose » qu’on améliorera significativement la situation. On va simplement créer des « mouroirs » de luxe.

La future maison des aînés de Lévis. Source: Radio-Canada

Le propos peut paraître dur, mais les exemples ne manquent pas dans l’étude des changements ou, malgré la meilleure des volontés, simplement faire plus de la même chose mène à une impasse, voire pire à une péjoration de la situation. Quand on met tout de suite en avant le quoi ? (quoi faire pour remédier à la situation?) sans se poser la question du pourquoi ? (Pourquoi en est-on arrivé là ?) on a beaucoup de change de simplement contribuer à la permanence du problème*.

L’exemple du conte de Charles Leblanc, « Les canons de Frontenac » illustre parfaitement comment en sortant du cadre logique, on peut résoudre un problème sans faire « encore plus de la même chose ». Assiégé par les Anglais, affamés, avec des forces défaillantes, Frontenac sauve Québec en bernant le messager anglais, en lui faisant croire que la ville était en pleine santé, que la nourriture était abondante et les défenseurs très nombreux. 

Ce n’est certes qu’un conte peut-être loin de la réalité historique, mais il montre qu’en sortant des premiers réflexes, en prenant le temps de changer de point de vue, en étant créatif, on peut mettre en avant des solutions inattendues. Parfois, des changements moins flamboyants (bien que l’exemple de Frontenac soit peut-être mal choisi pour la flamboyance…) peuvent amener des solutions plus durables en définissant mieux la source du mal.

Comment voulons-nous vieillir ?

Si la question du pourquoi le Québec a-t-il autant failli dans sa protection des aînés dans la crise de la Covid-19 doit trouver une réponse par une enquête comme je le disais plus haut, nous pouvons collectivement nous poser la question du comment voulons-nous vieillir ?

Ces dernières décennies nous avons privilégié une approche de type hospitalière de la santé. Pour les aînés, ça a signifié qu’au fur et à mesure des pertes d’autonomie on les plaçait dans différents types d’établissements pour finir, au mieux, dans des CHSLD ou des RPA géré directement ou indirectement (par des autorisations) par le ministère de la Santé. 

D’autres comme la Suisse qui privilégie des établissements beaucoup plus autonomes ou la Grèce (19 morts par millions d’habitants) qui ne connaît quasiment aucun établissement pour aînés et qui privilégie l’encadrement familial (même si c’est un peu par manque de ressources), ont bien mieux protégé leurs aînés.

Au moment de l’annonce de la maison des aînés de Lévis, le maire Lehouiller, très satisfait du projet du gouvernement, a néanmoins eu aussi un mot pour l’importance des soins à domicile pour permettre aux aînés de vivre plus longtemps chez elles. Peut-être est-ce là que nous voudrions vieillir… en tout cas pour moi, c’est le cas.

 *Changements, paradoxes et psychothérapie, P. Watzlawick, J. Weakland, R. Fisch, Éditions du Seuil, 1975

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