Voilà, j’ai lu pour vous Le Suppléant. Oui, l’autobiographie du deuxième fils de la princesse Diana. J’ai avalé, pour ne pas dire dévoré les 537 pages de la version française du livre qui a fait trembler la monarchie anglaise. Je n’avais pas vraiment le choix. Moi, sujet de Sa Majesté le Roi Charles III, j’ai promis allégeance à cette famille.
« J’ai levé les yeux vers les arbres. Tu ne sais pas!
Harold… Je t’assure que non.
Je me suis tourné vers papa. Son regard disait : Moi non plus.
Ça alors ai-je pensé. Peut-être qu’ils ne savent réellement pas.
C’était sidérant. Mais c’était peut-être vrai. (…)
Alors voilà :
Papa? Willy?
Tout le monde?
Je vais vous expliquer. »
Un besoin d’expliquer sa vie
Ce court extrait tiré du préambule de l’ouvrage qui reprend une conversation qu’ont eue les deux fils et leur père juste avant l’enterrement du prince Philip est le point de départ de cette autobiographie. Harry, le suppléant, a quitté le giron royal. Pour lui tout est clair, mais il se rend compte que ce n’est pas le cas pour les autres. Le demi-millier de pages qui vont suivre se veulent une explication.
Contrairement à ce que j’ai lu un peu partout, je le trouve convaincant. Je le trouve même sensible et humble. Tout le contraire de ce qu’en a bien voulu dire la presse en général et la presse people anglaise en particulier. Alors je ne sais pas si c’est la sincérité du prince ou le talent de l’auteur qui réussit ce tout de force, mais j’ai apprécié ma lecture.
Né pour s’effacer
Arrivé au monde deux ans après son frère, Harry est condamné, comme son grand-père à rester toujours un pas en arrière. Immédiatement, il a conscience que son rôle passe toujours derrière son grand frère William. Son frère à une grande chambre côté jardin, lui une petite discrète à l’arrière. Et il le dit avec candeur, tout cela lui paraissait normal.
Parce qu’il n’était que le Suppléant et son frère l’Héritier. Ce sont les termes utilisés par le personnel de la cour. Harry l’accepte, car il connaît son rôle, il connaît l’histoire de sa famille, il connaît la hiérarchie royale. Si son frère disparaît avant de procréer, il montera dans la hiérarchie, sinon il ne fera que descendre l’échelle du pouvoir.
Ce funeste 31 août 1997
« Ils ont tout essayé mon cher enfant. Elle ne s’en est pas sortie, j’en ai bien peur. » C’est par ces deux phrases, deux flèches mortelles que la vie du prince Harry va basculer à jamais. Son enfance se termine à 13 ans. Sa mère, la princesse Diana trouve la mort dans un accident de la route à Paris. Les paparazzis prennent le contrôle de sa vie.
Le cœur des explications du Suppléant se trouve là. Dans le comportement abject de ces chasseurs d’images qui sont au centre du drame. Ils sont partout, ils mitraillent sans arrêt. Lorsque ce n’est pas eux, ce sont leurs confrères de plume qui savent ou qui inventent l’histoire de cette famille publique. Partout et toujours leurs ombres planent sur le récit. La vie d’Harry est une course pour échapper à la presse. Il ne trouve de répits que momentanément en Afrique, en Afghanistan ou au Canada. Mais, jamais pour longtemps.
Une vie publique pour nourrir la bête
Sexe, drogue, alcool, rien ne résiste au journaux anglais. Quelles soient vraies, presque vraies ou totalement inventées, ces histoires ne supportent qu’une seule réponse : le silence. Le service des communications de la couronne l’exige, ne jamais répondre, ne jamais réagir. Malgré cela tout est mis sur la place publique. Les obligations protocolaires, c’est normal. Les incartades privées, c’est le sel.
Tout au long de la lecture, la souffrance induite par cette peur permanente de la photo scandale, du récit dévastateur. Qu’on fasse ou ne fasse pas quelque chose n’influence que peu, la presse a besoin de scoop. Elle les a sous toutes les conditions. Elle monte les services de Charles contre ceux de ses fils, ceux de William contre ceux d’Harry. Tout en haut de la hiérarchie, les employés de la reine qui se donnent tous les pouvoirs et qui sont incontestables.
La presse people tire sur la monarchie, mais seulement sur les pièces les plus faibles. Il ne faut pas tuer la poule aux œufs d’or. Dans cet univers, que peut faire un jeune homme pour sauver sa famille d’un autre drame. Jusqu’en Afghanistan elle a été le débusquer mettant en péril les soldats qui servaient sous les ordres d’Harry.
On est prêt à tout pour une photo achetée 100 000 livres ou une anecdote qui garantira votre place au panthéon des feuilles populaires. Alors quand Meghan, Archie et Lilibeth arrivent dans le portrait, une seule solution : quitter la vie publique anglaise.
Beaucoup trouvent ce comportement hypocrite, je le trouve intelligent. Et vous le savez, même si je suis sujet de sa majesté, je ne porte pas la monarchie dans mon cœur… mais c’est une autre histoire.