Valais Libre

27 août 2023

Carte postale 24

Filed under: écrits d'ailleurs — vslibre @ 8 h 05 min
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Lévis, vendredi 18 août 2023

Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

Dernièrement, j’ai eu le privilège d’être interrogé par une journaliste de la radio de Lévis (CJMD 96.9 FM) dans le cadre d’un projet pour soutenir la langue française. Nous avons échangé durant une heure sur la question. Vingt-cinq entretiens seront diffusés sur les ondes durant l’automne et un podcast sera disponible en ligne sur le site de la radio.

Voilà pour la partie publicitaire. Je vous dirai quand ce sera sur internet. Passons au fond, qui est nettement plus intéressant. Deux choses me sont apparues clairement en préparant cet entretien. Tout d’abord, en Europe, la précarité de la langue française en Amérique du Nord n’est pas ou peu connue. Ensuite, si on veut fortifier notre langue maternelle, il faut l’aimer.

Jamais, en Suisse, je n’ai entendu quelqu’un avoir peur que le français ne disparaisse. Qu’il perde de sa justesse, de sa saveur, oui, mais il ne sera jamais supplanté par l’allemand qui est majoritaire au pays. Les francophones représentent 25% de Canadiens, un peu la même proportion qu’en Suisse, mais ils risquent de disparaître, même à moyen terme. Noyés dans les 400 millions d’anglophones d’Amérique du Nord, les sept millions de francophones doivent absolument se protéger par des lois pour survivre.

Cette survie passe également par l’amour de la langue. Beaucoup de Québécois pensent que ce ne serait pas si grave si tout le monde parlait anglais. Ils oublient qu’une langue ce n’est pas qu’un moyen de communication, c’est aussi une manière de penser, elle nous relie à nos ancêtres, elle fait partie de ce que nous sommes. Dans mes lectures je suis tombé sur une phrase qui disait qu’une langue c’est une œuvre d’art. Une œuvre collective qui se construit à travers les générations. Nous devons être fiers de participer à cette œuvre qu’est le français.

Amicalement,

Pierrot

25 août 2023

L’environnement mélange les avis politiques

À l’heure de la reprise, l’actualité politique reprend peu à peu ses droits, mais il reste encore quelques effluves estivaux. Au Québec et au Canada, la lutte contre les changements climatiques a connu quelques déclarations qui ont soulevé les passions. Steven Guilbault, le ministre canadien de l’Environnement et du Changement climatique soutient de nouveaux forages pétroliers pendant que Pierre Fitzgibbon, le super ministre québécois de l’Économie rêve à une réduction de moitié du parc automobile. Le monde à l’envers.

«Je suis un de ceux qui croient que les voitures électriques… Faut tout être électrique. Mais il faut en avoir la moitié moins!» Ces quelques mots de Pierre Fitzgibbon ont mis le feu dans le landerneau politique québécois.

Entre désaveu et euphorie

« Pierre, il a lu beaucoup de rapports sur les environnementalistes cet été », a tenté d’expliquer le premier ministre François Legault, visiblement gêné par les déclarations de son ministre. Le chef du gouvernement québécois n’avait pas dû être averti de la sortie de son « super » ministre. Ce qui est plutôt sain dans une démocratie cadenassée.

Pierre Fitzgibbon n’est pas n’importe quel ministre. C’est indubitablement le plus solide du cabinet Legault. En plus d’être un grand ami du premier ministre, il a un CV qui en impose. Actuellement ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie et ministre responsable du Développement économique régional, il en mène large. Son passé d’homme d’affaires à succès le met à l’abri de la petite politique.

Cible préférée des partis d’opposition, il a fait souvent la Une des médias de la province pour des questions d’éthique. Quand on a brassé beaucoup d’argent et d’affaires, on connaît évidemment beaucoup de monde dans les milieux économiques. Les apparences d’impartialité sont parfois difficiles à être sauvegardées. Surtout quand on est un esprit libre.

Pourtant, cette fois, les éditoriaux sont élogieux. « Pierre Fitzgibbon n’a fait que constater un fait que tous ceux et toutes celles qui s’intéressent à la question connaissent depuis longtemps : il y a beaucoup trop d’autos au Québec. » Nathalie Collard, éditorialiste à La Presse qui, habituellement, ne manque pas de mordant contre les projets économiques du ministre titre même : Pierre Fitzgibbon a tellement raison.

On veut détourner la question

Tout le contraire des partis d’opposition qui ne peuvent faire autrement que critiquer la déclaration. Le système ne leur permet pas d’exister sinon. Ils ont vite fait d’interpréter cette déclaration comme une attaque directe contre les régions du Québec. « Clairement, le ministre n’a pas fait le tour des régions du Québec et constaté qu’il existe une réalité totalement différente qu’au centre-ville [sic] de Montréal.»

Dans la même veine que la sortie du député libéral Frédéric Beauchemin, le chef des conservateurs Éric Duhaime lançait : « Ils veulent déclarer la guerre? On va se défendre! » Il parlait bien évidemment de ses électeurs qui considère leur « char » comme intouchable symbole de leur liberté. À voir les contorsions des uns et des autres, le débat ne fait que commencer.

Du militantisme au gouvernement

Un autre champion contorsionniste est le ministre canadien de l’Environnement. « Les habitants de la planète utiliseront encore du pétrole dans un monde carboneutre, bien que beaucoup moins qu’aujourd’hui », déclarait Steven Guilbault au milieu de l’été en parlant du projet Equinor qui veut forer davantage au large de Terre-Neuve. Il disait cela au milieu d’un été de graves incendies de forêt et d’inondations majeures.

Il est loin le temps où le militant de Greenpeace escaladait la tour du CN à Toronto pour déployer une banderole qui accusait le Canada de tuer le climat. Il faut dire que depuis ce coup d’éclat de 2001, l’écologiste est entré au parlement et au gouvernement sous la bannière libérale en 2019.

La « realpolitik » l’a rattrapé. Dès son entrée au gouvernement, l’ancien de Greenpeace a dû avaler des couleuvres. Son ami Justin, malgré ses promesses électorales vertes, s’est empressé de racheter un pipeline pour aider les compagnies pétrolières du centre du Canada. Le brave Steven était alors ministre du Patrimoine, il pouvait se dire que s’il était à l’environnement, il aurait pu faire quelque chose.

Malheureusement, depuis octobre 2021, il est ministre de l’Environnement. « Les habitants de la planète utiliseront encore du pétrole dans un monde carboneutre, bien que beaucoup moins qu’aujourd’hui. Quel que soit le pétrole ou le gaz que nous utiliserons encore en 2050, l’important, a-t-il dit, c’est de s’assurer que les émissions soient capturées et séquestrées. Et c’est exactement l’une des conditions que nous avons posées. »

Ce qu’il y a de rassurant dans ces deux affaires, c’est que malgré tous les défauts du système politique, des élus arrivent à changer d’opinion, à faire des déclarations, à prendre des décisions inattendues, déstabilisantes qui font avancer les choses. Qu’on soit pour ou contre leurs positions, il est sain de penser que c’est encore possible.

20 août 2023

Carte postale 23

Filed under: écrits d'ailleurs — vslibre @ 8 h 39 min
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Lévis, mercredi 9 août 2023

Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

La pause estivale s’achève quelques jours après mon retour au pays. Et quand je dis au pays, je parle du Québec. Car, oui, après plus de dix ans, ma région d’adoption est aussi devenue « mon pays ». Je dis bien aussi, parce que le Valais restera à jamais « mon pays ». C’est là tout le paradoxe d’un immigré : les lieux d’attache deviennent multiples.

Je l’ai déjà dit plusieurs fois, pour réussir à s’intégrer, il faut avoir de solides racines. Savoir d’où je viens est important, cela permet de mieux cerner les différences avec son lieu d’accueil. Ainsi, l’adaptation est plus facile. En restant soi-même, sûr de ses valeurs, de ses attaches, l’autre le sent et s’ouvre peut-être plus facilement.

Bien sûr, j’ai la chance d’avoir deux pays aux identités fortes, aux terroirs typés et aux passions qui se déploient facilement. Ces similarités se sont encore dévoilées cet été. Entre incendies et intempéries, juin et juillet ont connu leurs lots de désillusions pour les amateurs de douceurs solaires. Mais ce ne sont que des aléas naturels sur lesquels nous n’avons pas prise.

Tout le contraire des rencontres chaleureuses qu’offre chaque voyage. Et mon nouveau passage en Valais m’en a offert de très plaisantes. Il y a bien évidemment la famille et les amis proches de toujours qui sont, pour tout immigré, des piliers solides. Il y a aussi celles, plus aléatoires, surtout des retrouvailles qui teintent chaque voyage d’une saveur particulière.

Cette année, j’ai pu vérifier que mon idée de cartes postales hebdomadaires a su, pour le moins, attiser la fidélité de quelques lectrices et lecteurs. En lisant Diolly, ma présence en Valais a été dévoilée et cela a suscité quelques messages et rencontres des plus agréables. Les mots peuvent raccourcir les distances et rapprocher les êtres.

Je suis donc bien évidemment encouragé à poursuivre ce langage épistolaire qui, tout en parlant de moi, me permet d’élargir le propos pour tendre vers une certaine universalité.

Bien amicalement,

Pierrot

18 août 2023

L’été difficile de Justin Trudeau

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 8 h 38 min
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Pour cette chronique de rentrée, dans l’immense désert politique de l’été, j’ai choisi de vous parler de mon premier ministre préféré. Oui, Justin Trudeau, premier ministre du Canada a connu un « aestatem horribilis ». Tout a commencé par la chaleur extrême des incendies, a continué avec un Parti conservateur qui lui brûle les fesses, pour se terminer dans un foyer ardent qui se consume publiquement.

« Justin et moi aimerions partager qu’après de nombreuses conversations réfléchies et difficiles, nous avons pris la décision de nous séparer. Comme toujours, nous restons une famille proche avec un amour profond l’un pour l’autre, et pour tout ce que nous avons bâti et continuerons de bâtir. Pour le bien-être de nos enfants, nous vous demandons de respecter notre vie privée et la leur. »

Un couple public et électoral

Dans ce message de Sophie Grégoire, on est loin du « Je suis la femme la plus heureuse du monde ». La journaliste avait alors 30 ans et le 28 mai 2005 épousait le frère aîné de son camarade de classe Michel Trudeau. Justin, le plus charismatique des enfants du « légendaire » premier ministre Pierre Eliott Trudeau est alors professeur de français et de mathématique.

Il ne tardera pas à entrer en politique, puisqu’il sera élu député de Papineau, une circonscription de Montréal, en 2008. Connu dans tout le pays pour éloge funèbre de son père en 2000, le futur premier ministre avec sa journaliste sont donc sous les feux des projecteurs depuis les débuts de leur idylle qui naquit lors de la co-animation d’un gala de charité en 2003. Dix ans après leur mariage, ce sera la consécration avec l’accession de Justin au poste de premier ministre le 4 novembre 2015.

Dix-huit ans de parcours commun autant public que familial ou encore électoral, donc huit comme premier couple du Canada auront donc éteint les flammes de cet amour qui paraissait idéal. Encore une fois, Justin suit les traces de son père qui avait annoncé son divorce d’avec sa femme, Margaret Trudeau, en 1984, la dernière année de ses fonctions de premier ministre… un signe ?

Les conservateurs ne perdent pas de temps

Il n’aura pas fallu une semaine à son principal adversaire en politique, le chef des conservateurs Pierre Poilievre, pour réagir. Bien sûr, on ne peut pas attaquer directement la vie privée, surtout dans de telles circonstances, de son adversaire. C’est donc avec une campagne publicitaire « prévue de longue date » que les conservateurs sont entrés en jeu. Cette campagne « décrit Pierre Poilievre comme un homme de famille qui veut régler les problèmes du pays ». Ben voyons !

Les publicitaires et analystes politiques ne s’y sont pas trompés, ils ont tous vu là « la seule façon d’envoyer un message sans aborder directement la séparation des Trudeau. L’adversaire profite de la baisse dans les sondages du Parti libéral et de son chef. Le gouvernement Trudeau n’a jamais récolté un taux d’approbation aussi faible, auprès des Canadiens. Seuls 28% seraient prêts actuellement à voter pour lui contre 37% qui donneraient leurs suffrages au Parti conservateur.

Une exposition publique de plus en plus difficile

Justin Trudeau et sa famille ont su surfer sur la vague du succès médiatique. Au début de son premier mandat, tout lui était permis. Même de vieilles images ressorties de nulle part alors qu’il était peint en noir n’ont pas ébranlé sa popularité. Pourtant, le « blackface » est normalement fatal à tout homme public en Amérique du Nord. C’est une marque de racisme quasi insurmontable. Il s’en est sorti.

Comme il s’est sorti de l’épisode de la famille en sari en Inde, considérée comme une appropriation culturelle intolérable par beaucoup. Mais, cette fois, c’est plus difficile. Quelques jours après l’annonce de sa séparation, il a publié sur Instagram une photo avec son fils, tous deux vêtu de rose, prêts pour une diffusion du film Barbie. Mal lui en a pris.

Ce fut un déferlement de haine, de commentaires homophobes, de sous-entendus malsains. Il a bien tenté de calmer les choses avec une autre photo avec sa fille allant voir le film Oppenheimer. Rien n’y fit. Une partie du Canada semble de plus se retenir et en vouloir finir une fois pour toutes avec le théâtral premier ministre. Les instances du Parti libéral semblent petit à petit se faire à l’idée que trois mandats seront assez pour Justin.

Et pendant ce temps, le Canada a brûlé. Une surface un peu plus grande que la Suisse est partie en fumée, dont près de la moitié au nord du Québec. Mais l’avenir économique du pays se trouve toujours dans l’exploitation des sables bitumineux… mais c’est moins médiatique…

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