Il y a deux semaines, je vous parlais de la question des transports en commun dans la ville de Québec. Je concluais en disant que si c’est bien qui paie commande, le tramway de Québec ne verra pas le jour. Je n’y croyais pas vraiment. En citant le métro de Montréal, je montrais comment les politiques se devaient d’être plus visionnaires. Quelques jours plus tard, le premier ministre québécois, François Legault déjouait mon pronostic. Les transports en public ne sont pas pour lui.
« On va donner un mandat à la Caisse de dépôt pour repartir du besoin de mobilité à Québec et nous arriver avec le meilleur projet structurant pour la ville de Québec. La Caisse de dépôt […] a déjà démontré son expertise en matière de transport collectif et […] a livré la première branche du REM. » La ministre des Transports, Geneviève Guilbault a mis les choses au point à la sortie de la réunion entre le maire de Québec et le premier ministre. Quand un leader politique envoie un subordonné au front, ce n’est jamais bon signe.
Une mise sous tutelle de la ville
Si la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) qui est un investisseur institutionnel qui gère entre autres les régimes des rentes du Québec a mené à bien le Réseau express métropolitain (REM) de l’agglomération montréalaise, c’était avec la bénédiction de la mairesse de Montréal. À voir la tête du maire de la Capitale nationale, ce n’est manifestement pas le cas cette fois.
« J’ai eu une très bonne discussion avec le premier ministre, où on s’est parlé tous les deux dans le blanc des yeux — seuls, lui et moi — , où j’ai fait la présentation du plan pour que la Ville réalise le projet de transport structurant qu’est le tramway. Ce n’est pas l’option qu’il va retenir. Évidemment, j’en suis déçu. » Bruno Marchand avait la mine basse en sortant de sa rencontre avec le premier ministre.
Certes, les coûts avaient explosé ces derniers temps, mais la proposition du maire de prendre les choses en main devait relancer un projet indispensable selon moi. Le retrait de ce projet des services de la ville est un affront. Le gouvernement montre qu’il veut tout contrôler, d’autant plus quand ça ne va pas dans son sens. L’autonomie communale chère au Valais est bien loin.
Et maintenant que reste-t-il ?
«On demande à des experts de la Caisse de dépôt d’évaluer le projet de tramway de Québec, qui est passé de 3-4 milliards, à plus de 8 milliards, de regarder d’autres projets possibles: train léger, métro. Mais on veut un projet de transport structurant pour Québec.» François Legault joue au bon gestionnaire et promet de ne pas remettre « aux calendes grecques » la construction d’un réseau structurant à Québec.
Mais j’ai l’impression de revenir plus de dix ans en arrière. Dès mon arrivée dans la province, j’ai entendu parler d’un réseau structurant. Je vous le disais dans ma chronique, le SRB tenait la vedette. Malheureusement, le Service rapide de bus ne survécut pas aux dissensions entre les villes de Québec et Lévis. Déjà trop cher. À ce rythme-là, on ne fera jamais rien, car les coûts ne baisseront jamais.
Pour quelques observateurs avisés, la future solution ne fait pas de doute. La Caisse de dépôt est propriétaire du concept de Réseau express métropolitain. Elle va donc vendre ce REM à Québec. On aura droit à de beaux passages surélevés et comme Québec ne possède pas de tunnel à agrandir comme sous le Mont-Royal, un trou sous le Saint-Laurent pour rejoindre Lévis est presque déjà fait.
Planifier selon l’opinion publique
J’ironise bien sûr! Enfin, je l’espère, car le gouvernement Legault qui amenait tellement d’espérance en 2018, qui s’en est après tout bien sorti de la pandémie, a complètement disjoncté après sa réélection triomphale en octobre 2022. L’arrogance que le bon François s’était juré de combattre de toutes ses forces a finalement vaincu. La défaite dans une partielle en 2023 n’a rien arrangé.
Les revirements, les changements de direction, les déclarations à l’emporte-pièce, les décisions prises sans consultations se succèdent. Un nouveau jeu divertit les journalistes parlementaires : découvrir, à chaque message du premier ministre, qui parmi ses membres du gouvernement était au courant de l’annonce. Souvent la liste est courte et la tête des autres en dit long.
Les gens de la Capitale nationale et surtout de Chaudière-Appalaches (la région de Lévis) sont favorables à un troisième lien routier entre les deux villes, on fait renaître le tunnel dernièrement enterré. Le soutien au tramway s’effondre, on s’empresse de priver Québec de son projet. On le refile à la bien-aimée Caisse de dépôt qui pourra le modifier à sa guise, surtout à celle du gouvernement, en y intégrant, comme par hasard, un lien sous-fluvial pour faciliter la connexion avec Lévis.
En démocratie, le peuple aura toujours le dernier mot, mais les vrais hommes politiques savent que ce n’est pas en suivant sa population qu’on gouverne efficacement, mais c’est en la précédant.