Valais Libre

24 février 2023

Quand les polices s’emmêlent

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 5 h 43 min
Tags: , , , , ,

Dans l’actualité récente de mes deux régions, la question de l’efficacité de la police en situation de crise a occupé le devant de la scène. Comme un miroir Québec et la Suisse ont eu à discuter d’interventions policières pour le moins « douteuses ». Disons que ce n’était pas Police Académie, mais il y avait un peu de ça.

Si la place Fédérale à Berne et la mise en danger de nos précieux parlementaires prêtent plutôt à sourire, l’aventure québécoise est un peu plus triste. Une enquête publique revenait presque deux ans après sur la funèbre disparition de deux jeunes enfants tués par leur père qui s’est ensuite suicidé.

À la mémoire de Romy et Norah

Le 8 juillet 2020, Martin Carpentier quitte son domicile, un jumelé de la région de Lévis avec ses deux filles pour aller manger une glace. « Gaëtane, je vous ramène les enfants à 21 h, mais j’aimerais ça y aller tout seul avec les filles », lance-t-il à sa voisine qui est aussi la grand-mère des enfants, la mère de son ex-conjointe. Il ne reviendra jamais.

Il aura un accident sur l’autoroute où on trouvera sa voiture vide dans la soirée. Il s’enfuit avec ses filles dans un boisé. Une alerte est lancée. Trois jours plus tard, on retrouvera le corps des deux fillettes, puis douze jours après la disparition celui de Martin.

Une polémique sur la qualité de l’intervention policière se lance assez rapidement. Le fait d’avoir attendu 18 heures avant le déclenchement d’une alerte enlèvement pose question. Plus d’une année plus tard, l’enquête du coroner relève de nombreuses défaillances. Le ministère de la Sécurité du Québec ordonne une enquête publique.

Elle vient d’avoir lieu. Elle met en évidence de gros dysfonctionnements au niveau de la communication. La police est d’abord sûre que Martin Carpentier n’est pas un danger pour ces filles. Son entourage, même son ex-conjointe ne le juge pas violent. Pourtant la grand-mère parlera d’anxiété. Le jour de la disparition, il avait reçu les papiers du divorce. 

En pleine pandémie, le jeune homme a complètement perdu pied de peur de perdre la garde de ses enfants. Peur irraisonnée, lui disait sa belle-mère, mais personne n’a alors fait le lien. Il aura fallu attendre 18 heures pour que les recherches s’orientent vers un enlèvement.

Un homme attaque le Palais

Laissons ce drame et venons-en à la comédie bernoise. Un forcené montheysan, c’est comme ça qu’il a été décrit, a donc mis le Palais fédéral sens dessus dessous. Un uniforme militaire, quelques traces d’explosif décelé par une analyse douteuse, une voiture abandonnée et nos précieux parlementaires ont été mis en alerte.

Évacués, peu informés, laissés à l’abandon sur une placette en plein air. La Suisse a évité le pire. Des terroristes bien organisés auraient pu faire un carnage. Heureusement, ce n’était qu’un jeune homme fragile psychologiquement qui pensait recevoir un grade militaire. Je crois que certains responsables de la sécurité auraient plutôt dû perdre le leur.

Il n’y aura pas d’enquête publique, la formule ne fait pas partie de la législation helvétique, mais il faudra bien savoir pourquoi tant de cafouillage, pourquoi la présidente du Conseil des États a été oubliée dans son bureau, pourquoi l’analyse a révélé des traces d’explosifs finalement introuvables, pourquoi n’a-t-on pas su que la personne mise en cause avait des problèmes psychiques, pourquoi… ?

Car c’est là le point commun de ces deux histoires : la santé mentale. Le Québec a une très grande avance sur la Suisse dans ce domaine. Pourtant ce n’est pas encore suffisant.

18 février 2023

Carte postale 6

Filed under: écrits d'ailleurs — vslibre @ 16 h 41 min
Tags: , , , ,

Lévis, jeudi 9 février 2023

Chères lectrices, Chers lecteurs,

Le Québec s’est réveillé encore un peu groggy ce matin. Groggy, mais surtout triste. Je ne sais pas si la nouvelle est parvenue jusqu’en Valais, mais hier matin un autobus a foncé dans une garderie. Résultats : deux enfants morts et six autres gravement blessés.

La froideur de l’information passée, la stupeur digérée, les questions se multiplient. Comment? Pourquoi? Nous avons très peu d’indications au moment où j’écris ces lignes. Tout de suite, la thèse de l’accident a pu être écartée. L’autobus conduit par un employé de la Société des transports de Laval, n’a pas suivi sa route habituelle. 

J’ai oublié de le préciser au départ, cette tragédie s’est déroulée à Laval. Cette ville directement attenante à Montréal se situe également sur une île au nord de celle de la grande métropole. Seul un bras du Saint-Laurent sépare les deux cités. Laval est donc attristé. Et du pire chagrin que l’on puisse imaginer.

Des enfants, un autobus! Immédiatement les souvenirs de la catastrophe de Sierre me sont revenus à l’esprit. Il y a bientôt onze ans que l’horrible accident a endeuillé de nombreuses familles belges. Je venais alors de m’installer au Québec. J’ai vraiment pris conscience de l’ampleur de ce qui s’était passé dans le tunnel sierrois en jasant avec Christian Varone.

Il était venu au Québec l’automne suivant pour en parler devant un congrès de sécurité. J’y étais. En l’écoutant, comme toute l’assistance, mes yeux se sont mouillés. J’ai ressenti la même chose en voyant les images du bus encastré dans la bâtisse de la garderie. 

Autre point commun avec Sierre, on ne connait pas la cause de la tragédie. Le chauffeur de l’autobus ne semble avoir aucun lien avec la garderie. Cet homme de 51 ans sans aucun antécédent judiciaire a commis un acte délibéré, mais inexplicable. Il a été arrêté par des papas venus déposer leur enfant. Il leur a résisté et a tenté de s’enfuir en se dénudant. Sa santé mentale est aujourd’hui mise en cause.

Sinon, comme dans chaque catastrophe, les politiques ont été bien présents. Je dois reconnaître qu’ils ont bien fait les choses. Avec compassion, avec émotion, avec calme, ils ont consolé, rassuré. Pas de chicane, pas de récupération, pas de conclusions hâtives, juste une présence réconfortante. Une lumière dans une journée québécoise bien sombre.

Amicalement,

Pierrot

Carte postale 7

Filed under: écrits d'ailleurs — vslibre @ 12 h 46 min
Tags: , , , ,

Lévis, jeudi 16 février 2023

Chères lectrices, Chers lecteurs,

C’est rare que j’écrive le soir. Je suis plutôt du matin. Mais ma semaine a été chargée. Pas facile quand la blonde n’est pas là. Elle aime le soleil, moi pas trop. Donc je n’ai pas eu de problème à la voir partir sur les plages mexicaines avec une amie. Même la semaine de la Saint-Valentin. Je hais cette pseudo fête.

Ça doit être l’âge qui me rend un peu désabusé par ces prétextes festifs commerciaux. Je lui ai acheté des fleurs quelques semaines avant son départ. Elle en aura à son retour. Pour le souper au resto, ce sera pour mon anniversaire. Bref, je m’égare. Finalement, c’est la faute aux animaux si je vous écris en soirée.

Entre un chien, un chat et trois poules, en plus d’une journée de boulot normal, j’ai de la peine à en voir le bout. Je n’ai jamais été très « animaux » dans ma vie. Il y a eu un premier chat à mon installation au Québec. Toupie, ça vous dit tout de suite qu’il était de tout repos. Il était discret. Il a mis six mois avant de venir me voir. Je me suis pris d’affection. Malheureusement, l’âge a eu raison de lui il y a deux ans.

Quelques années après mon arrivée à Québec, j’ai surmonté ma peur des chiens pour en offrir un à ma blonde. Depuis bientôt six ans, Wilson, un corgi royal, est devenu un ami proche, même s’il me fait un peu peur de temps en temps. Au moins, il m’oblige à sortir chaque jour. Sauf quand il a fait près de -40, là il a refusé la marche quotidienne. Je n’ai pas insisté.

Depuis quelques mois, Miro a remplacé Toupie. Un nouveau chat n’était pas dans les plans. Je n’ai pas pu résister quand une amie nous l’a présenté. À peine un mois, il était abandonné en bordure de forêt, plein de puces, les yeux collés. Il m’a fait pitié. Après un passage chez le vétérinaire, la minuscule boule de poil a repris vie. Joueuse insistante, elle me fatigue vite.

Et puis, pour le premier hiver, ma blonde a décidé de garder les poules pour la saison froide. On a acheté un poulailler d’hiver en plus de celui d’été. Saviez-vous qu’une poule résiste à une température de -20? Mais non, je ne leur inflige pas ça. Même lorsque les températures frisaient celle des pôles, grâce à la lampe chauffante, elles ont eu un intérieur tempéré. Il ne faudrait pas que leur eau gèle.

Bref avec toute cette ménagerie, pas le temps de chômer. Vivement que ma blonde revienne pour gérer tout ça. En attendant, vous avez pu faire connaissance avec quelques animaux du Québec. Je vous parlerai une autre fois du huard, de l’orignal et du castor, les vraies vedettes québécoises.

Amicalement,

Pierrot

17 février 2023

Un état de l’Union déplorable

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 20 h 41 min
Tags: , , ,

Petit coup d’œil vers le sud. Non pas le sud où les Québécois vont chercher le soleil au plus fort de l’hiver, mais plus près de nous, vers Washington. C’était l’heure du traditionnel discours sur l’état de l’Union. Joe Biden en a profité pour sortir un peu des sentiers battus. Toutefois, l’Union va mal, de plus en plus mal.

« En donnant la liberté́ à l’esclave, nous avons garanti la liberté́ de l’homme libre, tout aussi honorable dans ce que nous donnons que dans ce que nous préservons. » Ces mots du président Lincoln écrits en 1862 sont extraits du message que beaucoup jugent comme le message le plus éloquent et le plus mémorable de tous les messages présidentiels.

Une tradition peu linéaire

Si la constitution des États-Unis exige du président qu’il fasse « de temps à autre » un rapport au Congrès sur « l’état de l’Union », la tradition du discours annuel en est vraiment une depuis moins d’un siècle puisque Joe Biden vient de prononcer le nonante-neuvième.

Pourtant, c’est bien Georges Washington qui prononça le premier « message annuel » en 1790. Puis, dès 1803, la tradition fut interrompue par Thomas Jefferson qui jugeait cette habitude trop solennelle et trop proche du discours du trône anglais. Il se contenta de délivrer un message écrit au Congrès.

Ses successeurs firent de même jusqu’à l’avènement de la radio. Ainsi, dès 1913 et Woodrow Wilson l’oral revint. C’est en 1945 que le « message annuel » devint officiellement le « discours sur l’état de l’Union » et la montée en flèche des ventes de postes de radio et de téléviseurs, dans les années 1950, fit du discours une émission attendue. 

Un coup de jeune

Revenons à notre époque où le premier président octogénaire à occuper la Maison-Blanche a contribué à dépoussiérer le traditionnel discours sur l’état de l’Union. Joe Biden a adopté un ton combatif pour répliquer aux élus républicains les moins courtois qui composaient une partie de son auditoire dans l’enceinte comble du Capitole des États-Unis.

Il a ainsi véritablement lancé la campagne électorale pour les présidentielles 2024. Il s’est félicité des brillantes perspectives économiques avec un taux de chômage au plus bas et un nombre de créations d’emplois record. Il n’a surtout pas oublié d’attaquer les républicains qui veulent baisser les impôts des riches et couper dans les services aux moins nantis.

Bref à part le ton rien de nouveau sous le soleil. Une longue litanie de brillantes réalisations suivies d’une non moins longue litanie de projets géniaux. Tout est en place pour deux années où peu de choses bougeront. Le Congrès est divisé et le président moins affaibli que ce que voudraient les républicains, verra toutefois sa marge de manœuvre réduite.

Une démocratie qui se délite

Malheureusement, l’essentiel n’est pas là. Ce discours sur l’état de l’Union ne dit justement rien sur l’état de l’Union. Et cet état est déplorable. Si j’ai commencé par une citation d’Abraham Lincoln, c’est aussi pour rappeler qu’elle arrivait en pleine guerre de Sécession. Les États-Unis n’en sont pas encore là.

Mais ils s’en approchent. Durant la décennie où j’ai vécu à une centaine de kilomètres de la frontière étatsunienne, je n’ai jamais senti autant qu’aujourd’hui la division de ce pays. On ne connait bien souvent que les grandes villes américaines, les grands espaces magnifiques mis en valeur à la télévision, mais remonter la vallée de la Kennebec montre autre chose.

Il faut traverser Jackman pour comprendre un peu mieux les États-Unis. Le dernier village avant la frontière canadienne illustre un autre monde. Des vies cassées, un rythme lent, des illusions perdues. Et, des immenses pancartes à la gloire de Donald Trump. Make America Great Again « Rendre l’Amérique à nouveau grande ».

Le slogan de Trump est peut-être le dernier rêve de ces pionniers d’un autre temps. Inquiétant.

11 février 2023

Carte postale 5

Filed under: écrits d'ailleurs — vslibre @ 6 h 50 min

Lévis, mercredi 1er février 2023

Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

Le soleil brille en ce début d’après-midi, mais il ne fait pas bon mettre un Québécois dehors. Si le thermomètre marque -10, la sensation de froid est bien plus intense avec le vent. Un -20 ressenti sans difficulté. J’ai promené mon chien tout à l’heure et malgré mes gants, mes bouts de doigts ont gelé. Quelle sensation désagréable! Comme une brûlure lorsque j’ai voulu les réchauffer de retour à l’intérieur.

Mais bon, quand je dis gelé, j’exagère un peu. Je n’aurai pas de séquelle. Je n’ai pas été assez longtemps dehors. Dorénavant, finis les gants, place aux mitaines (les moufles) qui, avec la tuque (le bonnet) et le foulard (l’écharpe), forment l’équipement de base pour affronter l’hiver. Une double couche de pantalons et une triple voir plus sur le haut du corps, la formule pelures d’oignon, complètent l’armure contre le froid.

La météo prévoit -26 au coucher du soleil et plus bas que -30 demain matin. Enfin le vrai hiver. La seule chose qui m’inquiète, c’est que la douceur connue jusqu’ici ne m’a pas préparé à braver ces températures courantes en hiver dans la région de Québec. Le corps humain s’adapte, mais il lui faut un peu de temps.

Heureusement, la lecture des journaux m’a réchauffé le cœur ce matin. Paul St-Pierre Plamondon est devenu le premier député québécois à avoir le droit de siéger sans prononcer le serment d’allégeance au roi d’Angleterre, ici Charles III. 156 ans que les indépendantistes attendaient ce moment. Vous vous rappelez, je vous ai parlé de ces trois députés du Parti québécois (PQ) qui refusaient désormais ce serment.

Les deux autres ayant siégé sous le règne d’Elizabeth II lui avaient prêté loyauté. Donc le jeune chef du PQ marque l’histoire et me donne l’occasion d’ouvrir un mousseux du pays ce soir. La marche vers la liberté d’un peuple se construit par ce genre de victoire, même si les adversaires veulent faire croire qu’il n’y a rien d’exceptionnel là.

Bon, j’arrête avec mon plaidoyer indépendantiste. Je reviens à la météo. Demain, jour de la Chandeleur pour les catholiques, jour de la marmotte ici en Amérique du Nord, je vais savoir si l’hiver sera encore long. En effet, en Pennsylvanie pour la plus connue, au Nouveau-Brunswick ou en Ontario pour les canadiennes, quelques marmottes vont sortir de leur trou.

Si elles voient leur ombre, l’hiver durera encore six semaines. Sinon, on touche à la fin… Zut alors, moi qui commençais à me régaler! Enfin, comme la fiabilité de ces prévisions est à la hauteur de la véracité des propos d’un député républicain à la Chambre des représentants, je pourrai interpréter comme je veux ces sorties.

10 février 2023

Ottawa persiste dans ses attaques envers Québec

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 6 h 53 min
Tags: , , ,

Après la clause nonobstant, le premier ministre canadien ajoute un deuxième missile envers les Québécois. En nommant Amira Elghawaby comme conseillère spéciale chargée de la lutte contre l’islamophobie, Justin Trudeau fait une nouvelle fois la leçon à son peuple d’origine. Ses réactions face à la levée de boucliers des parlementaires du Québec illustrent sa suffisance et son mépris.

« Je n’en reviens pas que M. Trudeau nous dise qu’il l’appuie à 100% après tout ce qu’elle a dit, après tout le mépris qu’elle a montré envers les Québécois! ». François Legault n’a pas mâché ses mots avant d’entrer en session parlementaire pour ouvrir l’année législative. Le premier ministre du Québec avait de la peine à retenir des paroles plus fortes encore.

Une militante qui ne mâche pas ses mots

Dans une chronique publiée en juillet 2019 dans le quotidien Ottawa Citizen, Amira Elghawaby écrivait que « la majorité des Québécois semblent influencés non pas par la primauté du droit, mais par un sentiment antimusulman ». Elle réagissait alors au soutien qu’une majorité de Québécois apportait à une loi provinciale sur la laïcité qui interdisait, entre autres, le port de signe religieux par des fonctionnaires « en autorité », y compris les enseignants.

D’autres publications soulèvent aussi la controverse, dont un gazouillis datant de mai 2021. « Je vais vomir », avait-elle écrit sur Twitter en réaction à une lettre d’opinion du professeur de philosophie de l’Université de Toronto Joseph Heath, qui faisait remarquer que les Canadiens français avaient été le plus grand groupe au pays à avoir subi le colonialisme britannique.

Demande de clarification, mais soutien

« C’est sûr que je ne suis pas d’accord avec ses propos et je m’attends à ce qu’elle se clarifie. La réalité, c’est qu’elle a une job importante à faire et pour bâtir des ponts, et pour lutter contre l’islamophobie partout où elle existe au pays. » La réaction de Justin Trudeau face à la levée de boucliers suscitée par cette nomination n’a pas convaincu ses compatriotes de la Belle Province.

« En tant que membre de la communauté musulmane du Canada, nous savons ce que c’est que d’être stéréotypés, avait-elle affirmé. J’ai écouté très attentivement. Je vous ai entendus et je sais ce que vous ressentez et je suis désolée. » Ce mea culpa en anglais n’a satisfait en rien le Québec. Surtout, que Madame Elghawaby n’avait précédemment fait que tenter de justifier ces propos, sans les retirer.

De son côté, Justin Trudeau a toujours confiance que MadameEglhawaby est « la bonne personne pour pouvoir bâtir des ponts, pour écouter, pour apprendre, pour enseigner aussi et pour rassembler les gens. »

Deux visions de la laïcité

« Il faut que les gens comprennent un petit peu qu’il y a deux différentes visions de ce qu’est une société laïque et que ça va se résoudre quand des gens raisonnables vont avoir une conversation réelle et profonde. C’est facile de monter aux barricades et de se pointer les uns les autres du doigt », a encore déploré le premier ministre du Canada.

Car le cœur du problème est bien là. Entre la laïcité québécoise qui voit la séparation de l’Église et de l’État un peu comme la France et le communautarisme britannique que le Canada soutient complètement, le dialogue est plus que difficile.

Malheureusement, une fois de plus, Justin Trudeau ne fait montre d’aucune sensibilité pour ceux qui ne pensent pas comme lui. En dehors de sa vision de l’État « postnational » où tout est égal, où toutes les valeurs se valent, où l’histoire ne compte pas, nul salut n’existe.

Son père doit être fier. Le fils va beaucoup plus loin dans l’enfoncement de son peuple.

4 février 2023

Carte postale 4

Filed under: écrits d'ailleurs — vslibre @ 6 h 56 min

Lévis, jeudi 26 janvier 2023

Chères lectrices, Chers lecteurs,

Aujourd’hui je vous écris alors que dehors la tempête s’apaise enfin. Ce matin, c’était le « bordel » sur les routes. Je souriais en écoutant la radio narrer les difficultés dans toute la région de la Capitale nationale. J’apprécie encore plus le télétravail dans ces conditions. Un peu moins de devoir bientôt pelleter le patio encore une fois. Bref, ça fait partie des joies de l’hiver.

Ce qui ne fait pas partie des joies de l’hiver, c’est la grève des bus de la ville de Lévis. Je les ai utilisés régulièrement ces dix dernières années. Ça n’était jamais arrivé, heureusement. Ma voisine est moins contente encore. Tous les jours elle doit véhiculer sa fille qui va au Cégep (équivalent du collège) à Québec. Par chance aujourd’hui les écoles étaient fermées.

Je ne sais pas si la social-démocratie québécoise m’a transformé, mais je comprends un peu les grévistes. Que leur convention collective soit échue depuis plus d’un an ne m’émeut pas particulièrement. En revanche, qu’ils se battent pour un meilleur service à la population, là je commence à les suivre. Dix ans d’usage m’ont permis de constater que la ville de Lévis n’en avait rien à … des transports en commun.

Le maire pousserait de hauts cris s’il me lisait. Je lui rétorquerais que s’il prenait régulièrement « la » bus, comme le disent les Lévisiens, il se rendrait compte que tout est fait pour décourager les plus endurcis. Combien de fois n’ai-je pas vu mon bus partir au moment où le traversier de Québec accostait! Pourquoi, il y a quelques années, l’ordre a été donné aux chauffeurs de ne plus attendre les correspondances?

J’arrête, je ne vais pas vous convaincre des bienfaits du transport en commun. Vous ne vous rendez pas compte combien la Suisse, le Valais, même dans les vallées latérales est un paradis pour ce type de déplacements. Sur ces paroles encourageantes, je vais vous laisser. Le pelletage m’attend.

Amicalement,

Pierrot

3 février 2023

Quand le fédéral attaque le provincial

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 11 h 54 min
Tags: , ,

Vous le savez maintenant, le Canada est une confédération comme la Suisse. Enfin presque. Le pouvoir central est beaucoup plus fort au pays des orignaux que dans la paisible Helvétie. En cette rentrée politique, nous assistons à un nouveau combat entre le premier ministre Justin Trudeau et les provinces, tout particulièrement le Québec.

« On est en train de banaliser la suspension des droits fondamentaux. […] L’idée d’avoir une charte des droits et libertés, c’est pour nous protéger contre la tyrannie de la majorité. » Ces réflexions du premier ministre canadien ont mis le feu aux poudres. S’attaquer à ce qu’on appelle régulièrement la clause dérogatoire est inimaginable pour les Québécois.

La nuit des longs couteaux de 1982

Parfois appelée « clause nonobstant », la disposition de dérogation donne le pouvoir au gouvernement qui l’invoque de soustraire une loi à tout recours judiciaire pour une période de cinq ans, même si cette loi viole certains droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.

Cette charte, voulue par le père du premier ministre actuel, fait partie intégrante de la Constitution canadienne depuis 1982. Pierre-Eliott Trudeau, alors premier ministre, voulait « rapatrier la Constitution ». En effet, depuis 1867 et la fondation de la Confédération canadienne, seul le parlement anglais de Westminster pouvait modifier l’acte fondateur du pays.

Après le premier référendum d’indépendance du Québec, Trudeau père a voulu empêcher les Québécois de se libérer du joug fédéral. Contre l’avis de sa province, il a non seulement négocié avec Londres le passage de cet acte à Ottawa, mais il lui a ajouté la Charte des droits et libertés qui assurait que les droits individuels primaient sur certains droits collectifs, notamment provinciaux.

Devant la fronde des provinces, la clause dérogatoire fut ajoutée lors de la nuit des longs couteaux (4 novembre 1981) en l’absence de René Lévesque, alors premier ministre du Québec. Elle a ainsi permis aux autres provinces de s’entendre avec le fédéral. Le processus, toujours rejeté par le Québec, s’est achevé le 17 avril 1982 avec la signature de la Reine Elizabeth II.

Un fils « pire » que son père

Quarante et un ans plus tard, Trudeau fils veut aller plus loin que son père.  Il estime qu’il faut encadrer davantage l’emploi de la disposition de dérogation par les gouvernements comme ceux du Québec et de l’Ontario, qui l’ont utilisée au cours des dernières années. Il envisage d’ailleurs sérieusement l’idée de soumettre un renvoi à la Cour suprême du Canada sur cette délicate question.

Cette idée émise lors d’un entretien exclusif accordé à La Presse a suscité une réplique immédiate des autorités québécoises. « Cette volonté de Justin est une attaque frontale contre la capacité de notre nation de protéger nos droits collectifs. Je rappelle qu’aucun gouvernement du Québec n’a adhéré à la Constitution de 1982, qui ne reconnaît pas la nation québécoise. »

François Legault n’a pas mis long à riposter. Le premier ministre du Québec sait très bien que la majorité des Québécois, même s’ils ont renoncé, momentanément, selon moi, à l’indépendance du Québec, sont sensibles aux attaques d’Ottawa. Ils ne veulent pas la liberté, mais ils tiennent à leurs droits acquis. Ils pensent ainsi se protéger du multiculturalisme canadien.

En effet, c’est l’utilisation de la clause dérogatoire pour la Loi sur la laïcité et les modifications de la Loi sur la langue française qui a provoqué l’agression de Justin Trudeau. Il a en plus profité de l’usage de cette même clause par le gouvernement ontarien pour réprimer une grève pour justifier l’encadrement de cet usage.

Pas une attaque contre les provinces

« Ce n’est pas une question du fédéral contre les provinces; c’est une question de s’assurer qu’on est là pour défendre les libertés fondamentales de tout le monde. » La réaction de Justin Trudeau illustre parfaitement l’idéologie qu’il protège : les droits individuels priment sur ceux d’une société démocratique.

« L’idée d’avoir une charte des droits et libertés, c’est pour nous protéger contre la tyrannie de la majorité. » Voilà l’argument ultime. Le Québec ne souhaite pas que ses fonctionnaires en position d’autorité portent des signes religieux au nom de la laïcité. Justin déchire sa chemise, car la liberté individuelle est bafouée.

Et on s’étonne que le « vivre ensemble » soit une valeur qui ne veut plus rien dire et que l’individualisme prime partout…

Propulsé par WordPress.com.