Valais Libre

26 octobre 2023

Carte postale 31

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Lévis, le 6 octobre 2023,

Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

Me voilà revenu dans le train-train de l’automne québécois. Les vacances sont finies, les choses sérieuses reprennent. Et pour être sérieuse, elles sont sérieuses. La fulgurance du Hamas a mis à mal la supériorité israélienne. À l’heure où j’écris ces lignes, le conflit n’en est qu’à ces débuts. Moins d’une semaine, mais déjà les cris, les larmes et le désespoir fleurissent dans les deux camps.

Premier constat : l’arrogance d’un gouvernement qui veut tuer la démocratie affaiblit la sécurité. Netanyahu utilise son poste de premier ministre pour éviter d’avoir à faire face à la justice. En s’alliant avec l’extrême droite religieuse, il a perdu tout sens de la réalité. Le Hamas fait payer le prix fort à son peuple. Le terrorisme est le pire fléau de notre époque. Baisser la garde face à lui est mortel.

Deuxième constat : Les pourparlers de paix qui évite les sujets qui fâchent sont voués à l’échec. Comme dans la vie de tous les jours, balayer sous le tapis les problèmes ne les résout pas. Biden pensait réaliser un grand coup en rapprochant l’Arabie Saoudite dont il a tant besoin et Israël dont il ne peut être que le protecteur. Oublier la question palestinienne dans cet équilibre a, là aussi, été mortel.

Il y aurait bien d’autres analyses à faire, elles auront le temps de venir. Mon petit doigt me dit que ce conflit en aura encore pour quelques générations. Heureusement, la vie continue et l’été des Indiens qui se prolonge amène un peu de douceur dans ce monde brutal. Même si cette douceur est suspecte, nous devons en profiter.

Amicalement,

Pierrot

Le système politique suisse, fruit d’une longue histoire (4/4)

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Dernier épisode de la série sur le système politique suisse. Depuis que je vis dans ma nouvelle région, je suis de plus en plus étonné de l’unicité de notre organisation politique. J’en suis arrivé petit à petit à l’idée que notre système est, en partie en tout cas, le fruit de notre histoire, mais aussi de nos mythes fondateurs.

Tout avait commencé bien évidemment sur la prairie du Grütli. Quoi que, une petite escapade vers Divico et Jules César n’a pas fait de mal. Le pacte de 1291, Morgarten, les confédérations des VIII et des XIII cantons, sans oublier la soupe au lait de Kappel, nous amènent à la reconnaissance du pays par les Européens en 1648 dans les traités de Wesphalie. Les deux siècles qui les séparent de la Suisse moderne ne sont pas inféconds. Les diètes, l’intervention française et le retour vers un « ancien » régime mènent à la construction de 1848.

Nous voilà donc arrivés au moment charnière. Là où l’histoire suisse bascule. La confédération devient un pays. La Suisse n’est dès lors plus une confédération d’États, mais un État fédéral. Elle devient aussi la première démocratie stable en Europe.

Moins de deux mois d’écriture

Après la dissolution du Sonderbund, par les armes, une commission de 23 membres (un par canton et demi-canton, à l’exception de Neuchâtel et d’Appenzell Rhodes-Intérieures) entreprend de réviser le Pacte fédéral. La commission de révision tient sa première séance le 17 février 1848, et à peine 51 jours plus tard, le 8 avril, la nouvelle constitution est prête. La version finale fut  rédigée par le  Vaudois Daniel-Henri Druey.  Cinquante et un jours pour rédiger 114 articles. Un peu plus rapide que la constituante qui a remis ses 190 articles après presque cinq ans de travaux.

Il faut dire qu’il est plus facile de travailler à 23 qu’à 130. C’est encore plus simple quand on vient d’écraser par la force ses adversaires politiques. Toujours est-il que le 12 septembre 1848, la Diète fédérale constatait que la nouvelle constitution était approuvée par une majorité de cantons. Il y a bien eu quelques réfractaires comme Obwald, Nidwald, Uri, Schwyz, le Valais et Appenzell Rhodes-IntérieuresPour l’anecdote, ils n’ont accepté aucune révision totale depuis (1872, 1874, 1999).

Fin de l’indépendance des cantons

Les radicaux les plus fervents de la centralisation furent un peu déçus du compromis, car cette première constitution que s’est donnée le peuple suisse résulte d’un compromis. Pour faire un pas vers les cantons qui ne voulaient pas abandonner leur indépendance, on misa sur un système bicaméral sur le modèle américain. Le Conseil des États avec ses deux représentants par canton remplaça la Diète que les plus conservateurs voulaient garder.

Les radicaux auraient préféré une chambre proportionnelle à la population, mais la sagesse leur fit accepter ce nouvel équilibre. Les cantons perdaient leur indépendance tout en gardant leur souveraineté. Ils pouvaient aller plus loin que les principes fédéraux, mais restaient totalement souverains dans les domaines de leurs compétences seules.

Ainsi, les principaux fondements de notre ordre constitutionnel actuel sont fixés. Le Conseil fédéral devient l’organe exécutif avec sept membres qui forment un collège. L’Assemblée fédérale et ses deux chambres (le Conseil national et le Conseil des États) permettent un équilibre entre les représentants du peuple (1 élu pour 20’000 habitants en 1848) et ceux des cantons. Le pouvoir judiciaire est dévolu au Tribunal fédéral. Le principe de la séparation des pouvoirs, la répartition fédéraliste des tâches entre la Confédération et les cantons, des élections libres et les droits fondamentaux des citoyens deviennent les principes essentiels.

« Tout pour le peuple, tout par le peuple » 

Tout le monde n’est pas satisfait de ces compromis, mais ils sont un point de départ plus que solide parce qu’ils respectent de nombreuses procédures historiques. Rapidement il faut un siège solide, Berne étant devenue la « ville fédérale » on y construit le Palais fédéral qui devient opérationnel à partir de 1857. Il faut ensuite unifier les droits de douane qui ne s’appliquent plus entre cantons, la monnaie avec la création du franc suisse et les poids et mesure. On nationalise la poste et le réseau télégraphique. L’armée suisse naît formellement en 1850.

Les premières révisions d’articles constitutionnels sont pour la plupart refusées. Une première révision complète jugée trop anticatholique et trop centralisatrice est re jetée en 1872. C’est donc avec le slogan « Tout pour le peuple, tout par le peuple » que des militants demandent une véritable démocratie directe. Le référendum populaire et l’initiative populaire sont intégrés et acceptés lors de la révision totale de 1874.

SCHWEIZ BUNDESRAT 1848

Cette mouture ne verra pas de révision complète avant 1999. 125 ans, c’est un beau bail pour un texte qui se voulait novateur. 

13 octobre 2023

Le système politique suisse, fruit d’une longue histoire (3/4)

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 9 h 45 min
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Deuxième épisode de la série sur le système politique suisse. Depuis que je vis dans ma nouvelle région, je suis de plus en plus étonné de l’unicité de notre organisation politique. J’en suis arrivé petit à petit à l’idée que notre système est, en partie en tout cas, le fruit de notre histoire, mais aussi de nos mythes fondateurs.

 Tout avait commencé bien évidemment sur la prairie du Grütli. Quoique, une petite escapade vers Divico et Jules César n’a pas fait de mal. Le pacte de 1291, Morgarten, les confédérations des VIII et des XIII cantons, sans oublier la soupe au lait de Kappel, nous amènent à la reconnaissance du pays par les Européens en 1648 dans les traités de Wesphalie. Les deux siècles qui les séparent de la Suisse moderne ne sont pas inféconds. Les diètes, l’intervention française et le retour vers un « ancien » régime mènent à la construction de 1848. Détailler tout cela en une seule chronique serait bien trop ambitieux et surtout bien trop réducteur. Je vous ai donc proposé un voyage en plusieurs temps. Après les débuts de la semaine passée, nous en arrivons à la Révolution française. Les événements parisiens résonnent en Suisse Le massacre de 800 gardes suisses au palais des Tuileries le 10 août 1792 aura bien sûr un terrible écho dans le pays. Mais la Révolution suscitera aussi de l’enthousiasme chez d’autres. Vaud se soulèvera contre le joug bernois. En 1798, la mort de deux soldats français en mission dans le canton provoquera l’invasion des troupes révolutionnaires.L’heure de la République helvétique une et indivisible sonne. Cette logique n’appartient pas à l’histoire suisse. Très vite le pays est ingouvernable et Napoléon lui-même doit intervenir. Les passages des Alpes lui sont précieux. L’Acte de médiation calme les esprits en créant six nouveaux cantons (Vaud, Argovie, Saint-Gall, Thurgovie, le Tessin et les Grisons) et en leur redonnant le pouvoir en 1803. Même le maître incontesté de l’Europe d’alors s’incline devant la tradition helvétique.À partir de 1813, le déclin de l’empereur permet à des armées étrangères, notamment autrichiennes, à prendre pays en Suisse. Le protectorat français devient caduc et Waterloo amènera le Congrès de Vienne qui fixe la Suisse des XXII cantons avec l’entrée du Valais, de Neuchâtel et de Berne. La Diète redevient le petit dénominateur commun entre des régions parfois rivales. Les puissances européennes reconnaissent la neutralité perpétuelle de la Suisse. Le pays trouve alors ses frontières extérieures actuelles. Une guerre civile L’influence française n’en est pas terminée pour autant. La Révolution de Juillet en 1830 et ses élans égalitaires poussent toute une série de cantons à démocratiser leurs constitutions. Le droit de vote se généralise dans les plus progressistes. Des combats ont lieu à divers endroits du pays. Bâle se sépare alors en deux demi-cantons. En 1832 une révision du pacte fédéral introduisant plus de liberté individuelle est refusée. Arrive alors l’heure du Parti radical démocratique qui croit dans les cantons urbains et protestants tout d’abord. Il prône plus de pouvoir central. Les cantons à majorité catholique ne voient pas cette progression d’un bon œil. La fermeture des couvents d’Argovie jette de l’huile sur le feu, tout comme des affaires tournant autour des Jésuites. Les sept cantons catholiques se sentant menacés s’allient secrètement en 1845. Le Sonderbund (alliance particulière en allemand) est né. Les tensions montent et en 1847, la guerre civile éclate. Les Confédérés nomment le général Guillaume-Henri Dufour qui mate la rébellion en quelques semaines. Le sang ne coule que très peu. La Constitution de 1848 s’élabore. Un état fédéral Il est assez paradoxal de penser que ceux qui se faisaient appeler Confédérés furent ceux qui mirent fin à la Confédération au sens strict du terme. En effet, les vainqueurs du Sonderbund élaborèrent une nouvelle constitution qui fut votée le 12 septembre 1848. Quinze cantons et demi l’approuvèrent et six et demi dirent non. Ce que nous appelons aujourd’hui la Confédération helvétique est en fait une fédéra ration.Les cantons perdent ainsi leur indépendance pour devenir des entités souveraines. Au-dessus d’eux, il y a désormais un État fédéral et centralisé. Une union douanière et monétaire voit le jour et remplace les frontières et monnaies cantonales. Dès 1852, le franc suisse circule. Le pays prend rapidement la forme que nous connaissons aujourd’hui.Ainsi, en un demi-siècle de changement presque permanent, les anciens alliés qui géraient des bailliages communs de manière un peu disparate deviennent un véritable pays. Centralisé certes, mais avec une souveraineté locale, issue d’une longue tradition d’administration commune de territoire à nul autre pareil.Reste maintenant à définir les institutions garantes d’une stabilité exceptionnelle et unique. Ce sera pour la semaine prochaine.

Le système politique suisse, fruit d’une longue histoire (2/4)

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 9 h 42 min
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Deuxième épisode de la série sur le système politique suisse. Depuis que je vis dans ma nouvelle région, je suis de plus en plus étonné de l’unicité de notre organisation politique. J’en suis arrivé petit à petit à l’idée que notre système est en partie en tout cas le fruit de notre histoire, mais aussi de nos mythes fondateurs.

Tout avait commencé bien évidemment sur la prairie du Grütli. Quoi que, une petite escapade vers Divico et Jules César n’a pas fait de mal. Le pacte de 1291, Morgarten, les confédérations des VIII et des XIII cantons, sans oublier la soupe au lait de Kappel nous amène à la reconnaissance du pays par les Européens en 1648 dans les traités de Wesphalie. Les deux siècles qui les séparent de la Suisse moderne ne sont pas inféconds. Les diètes, l’intervention française et le retour vers un « ancien » régime mènent à la construction de 1848.

Détailler tout cela en une seule chronique serait bien trop ambitieux et surtout bien trop réducteur. Je vous ai donc proposé un voyage en plusieurs temps. Après les débuts de la semaine passée, nous en arrivons à un premier moment charnière : Morgarten.

La sensation de 1315

Le 15 novembre 1315 au bord du lac d’Aegeri dans l’actuel canton de Zoug s’est joué un premier moment décisif de la construction de notre confédération. Environ 1500 Confédérés battirent entre 4000 et 8000 soldats du duc Léopold Ier d’Autriche, seigneur de la grande famille de Habsbourg. L’événement secouera toute l’Europe. Pour la première fois, des paysans, des « waldstäten »(en français des sauvages qui signifiait à l’époque habitants des forêts) battaient des nobles.

La tradition et la réputation militaires naissaient. Tout s’enchaîne rapidement. La nouvelle confédération et ses velléités d’autonomie attirent. De trois, les cantons vont monter à huit avec l’arrivée de Lucerne, Zurich, Zoug, Glaris et Berne donne une dimension irrémédiable à cette coalition du centre du Saint-Empire qui ne veut dépendre de personne.

Dès lors, pour régler les affaires communes, des diètes servent de gouvernement central. Un gouvernement très peu encombrant. On se réunit, deux représentants par canton, au gré des besoins et dans un lieu qui convient à tous. Pas de capitale, mais des voyages à travers l’alliance.

La médiation mise à l’épreuve

Il ne faut pas croire que tout est facile pour ces intrépides hommes des forêts. Non, les luttes sont régulières pour affirmer son autonomie et refuser les juges étrangers. Mais les principes énumérés dans le pacte fondateur servent de références. Ainsi, lorsqu’en 1481, la diète de Stans doit statuer sur l’entrée de Soleure et Fribourg dans la Confédération, les esprits s’échauffent.

Les cantons campagnards s’opposent aux cantons urbains. La guerre civile menace. Alors, quelques sages se rappellent l’idée de médiation. Et justement, le pays connaît un sage, un ermite retiré du monde pour méditer. Nicolas de Flüe trouvera les mots apaisants et pacificateurs qui permettront, par le convenant de Stans de trouver un compromis. Puis Bâle, Schaffhouse et Appenzell viendront compléter la Confédération qui devient alors celle des XIII cantons.

N’allez pas croire que tout est simple pour autant. La Réforme protestante vient vite envenimer les choses. Les guerres qui vont déchirer l’Europe n’épargnent pas la Suisse. Mais 1291 et ses principes veillent. Ainsi à Kappel en 1529, le bourgmestre de Strasbourg, arbitre reconnu par les belligérants, devant les soldats des deux camps partageant une soupe au lait fait le constat suivant « Vous, Confédérés, vous êtes d’étranges gens ; quand même vous avez noise ensemble, vous restez pourtant unis, et n’oubliez jamais la vieille amitié. »

La reconnaissance européenne

À la fin des guerres de Trente ans et Quatre-Vingts ans, les traités de Westphalie marquent un tournant essentiel pour l’Europe et pour la Confédération helvétique. On se réunit à deux endroits différents pour éviter des esclandres entre belligérants et on met en place des accords entre l’Empire espagnol et les Province-Unies (Pays-Bas), entre l’Empereur du Saint-Empire et la France ou encore entre l’Empereur du Saint-Empire et l’Empire suédois.

Deux éléments passeront à la postérité : la naissance d’une Europe qui prend la forme de ce qu’elle est encore aujourd’hui et, pour nous, la première reconnaissance de la neutralité armée de la Suisse. La Confédération consolide ainsi ses principes fondateurs et peut avancer jusqu’à la Révolution française qui nous occupera la semaine prochaine.

Le système politique suisse, fruit d’une longue histoire (1/4)

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 9 h 40 min
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Dernièrement, j’ai été invité à donner une conférence devant des membres de l’association Québec-France. Il voulait un thème qui relie l’histoire à l’actualité. J’ai profité de l’imminence des élections fédérales pour proposer un sujet autour de notre système politique et profitant du 175e anniversaire de la Constitution de 1848, le développement était tout trouvé. Depuis que je vis dans ma nouvelle région, je suis de plus en plus étonné de l’unicité de notre organisation politique. J’en suis arrivé petit à petit à l’idée que notre système est en partie en tout cas le fruit de notre histoire, mais aussi de nos mythes fondateurs.

Tout commence bien évidemment sur la prairie du Grütli. Quoique, une petite escapade vers Divico et Jules César ne fera pas de mal. Le pacte de 1291, Morgarten, les confédérations des VIII et des XIII cantons, sans oublier la soupe au lait de Kappel nous amène à la reconnaissance du pays par les Européens en 1648 dans les traités de Wesphalie. Les deux siècles qui les séparent de la Suisse moderne ne sont pas inféconds. Les diètes, l’intervention française et le retour vers un « ancien » régime mènent à la construction de 1848.

Détailler tout cela en une seule chronique serait bien trop ambitieux et surtout bien trop réducteur. Je vous propose donc un voyage en plusieurs temps. Mais rejoignons tout d’abord nos trois valeureux Suisses sur les bords du lac qui ne s’appelle pas encore Quatre-Cantons.

« Un pour tous, tous pour un »

Walter Füst, le père de famille uranais, Arnold de Mechtal, le jeune nidwaldien et Werner Stauffacher, le sage schwytyois, se retrouvent donc sur le célèbre herbage au début de l’an de grâce 1291. Après avoir renouvelé leurs alliances antérieures, ils terminent par la célèbre formule que leur piqueront les mousquetaires d’Alexandre Dumas : « un pour tous, tous pour un ».

Est-vraiment comme ça que la naissance s’est déroulée ? Sûrement pas. Qui ferait confiance à un conteur qui narre ces aventures avec deux siècles de décalage ? Aegidius Tschudi a beau être le père de l’histoire suisse, il n’en demeure pas moins suspect. Les événements dataient de 1307, avant qu’on ne redécouvre le pacte fondateur. Et je ne vous parle pas des inénarrables aventures de Guillaume Tell.

Mythes ou réalités, finalement, peu importe même si je plaide plus pour le mythe. L’essentiel est ailleurs, dans les fondamentaux qui se retrouvent soit dans le pacte, soit sur la prairie nationale. Nous avons sur le fameux parchemin trois volontés qui éclairent le présent d’une lumière connue : pas de juges étrangers, médiations en cas de conflits internes et solidarité face à l’étranger par une défense commune.

Quant à nos trois gaillards qui se retrouvent en surplomb des escaliers d’entrée du palais fédéral, ils symbolisent l’union de citoyens proches et différents. Ils vivent les mêmes tourments habsbourgeois, autour du même lac, mais ils viennent de vallées distinctes et leur âge témoigne de la diversité de la population. Comme toujours dans ses histoires Aegidius Tschudi a juste oublié les femmes. Pour le reste, ce pareil, mais différent se retrouve dans nombres d’affaires actuelles.

Déjà du temps des Romains

Mais les aventures de notre fière Helvétie avaient commencé bien plus tôt. Il y a environ 100’000 ans que notre territoire est occupé selon les plus anciennes traces découvertes. Malheureusement, la riche évolution ne nous apprend pas grand-chose sur ce que nous sommes aujourd’hui avant l’apparition de l’écriture.

Il semble que ce soit l’illustre Jules César qui mentionne en premier notre nom. Dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules, dès le premier volume paru en 58 avant J.-C., le chef des Romains revient sur l’exil de ses braves Helvètes. Sous la conduite de Divico, ils veulent émigrer vers l’Ouest pour trouver de meilleures terres. Pour être sûr que cet exil soit définitif, nos ancêtres brûlèrent leurs villes et villages.

Battus par les légions romaines aux abords de la Saône, les 360’000 helvètes sont contraints de rebrousser chemin. César n’accepte pas que des terres sous son contrôle ne soient laissées sans défense. La menace des Germain est trop grande. De cette époque dateraient plusieurs traditions alpines qui ont donné naissance plus tard aux carnavals. Les masques du Lötschental ou d’Evolène viendrait de là.

Cette notion d’occupation du territoire est toujours bien présente dans les préoccupations actuelles. Le découpage en cantons immuables est bien différent des circonscriptions électorales qui causent des maux de tête à bien des pays. La volonté de laisser du pouvoir aux régions périphériques comme aux petites entités relève du même principe. Pour occuper tout le territoire, il faut que chacun se sente bien chez soi.

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