Bonne fête… C’est à ton tour de te laisser …
Le flon de Savièse est apprécié partout.
« Voilà, les deux premiers sont parfaits, encore deux et je serai prêt pour demain. » Demain, c’est vendredi et depuis cinq ans, le vendredi matin, je joue au curling. Enfin durant l’hiver, mais comme l’hiver dure d’octobre à avril, la saison occupe une belle part de l’année. Je plaisante, mais à peine. Les premiers mois sont plus doux.
Je joue au curling avec les retraités du journal Le Soleil et, depuis la première année, j’ai importé une tradition: à ma fête, je leur fais un flon saviésan. L’intégration demande de s’adapter aux coutumes de son pays d’accueil, mais aussi, parfois, de faire partager quelques-unes de sa région d’origine. À mon premier anniversaire ici, j’ai eu une idée.
Au Québec, ce n’est pas le jubilaire qui organise sa fête, c’est toujours son entourage qui lui fait une surprise. J’ai eu l’occasion d’être invité à quelques anniversaires. Il faut toujours faire attention de ne pas vendre la mèche, de faire comme si on ne savait rien en rencontrant le futur fêté. On arrive toujours avant lui et, à chaque fois, il est très surpris de voir tout ce monde.
J’ai voulu montrer à mes collègues curleurs qu’on pouvait faire les choses différemment et, comme je le faisais à la salle des maîtres du centre scolaire de Moréchon, j’ai apporté un gâteau. Enfin, quand je dis un, pour 24 personnes, j’ai fait deux plaques rondes et depuis, ils m’en réclament chaque année. Dès le début de la saison, je suis mis sous pression. Ils sont sûrs que je ne réussirai pas aussi bien chaque année.
Je peux encore vieillir un peu, j’ai la main. Seulement, aujourd’hui, c’est quatre plaques rondes que je dois préparer, car le groupe a grandi, nous occupons les quatre glaces du club maintenant, nous sommes 32 à jouer chaque vendredi matin. J’aime mes retraités du Soleil, car l’aspect social, comme ils disent ici, est plus important que l’aspect sportif.
Je me suis donc facilement adapté au social. On joue quatre bouts (ends en Suisse), puis on s’arrête pour partager le café, ensuite on reprend pour les quatre derniers bouts. Le flon sera apprécié demain à la pause et même si je ne gagne pas ma partie, j’aurai droit aux deux chansons classiques. Bonne fête et C’est à ton tour de te laisser parler d’amour. Vous avez de la chance, il n’y a pas le son sur ces chroniques, je ne peux pas vous les entonner.
Si j’ai bousculé un peu les traditions avec cette coutume que j’ai introduite, mes camarades ne m’en veulent pas, mais ils n’ont pas pour autant pris le relais. Je suis le seul à agrémenter la pause. Les autres doivent avoir leur anniversaire en été. Plus sérieusement, c’est une leçon que j’ai apprise: pour être bien accueilli, il faut accepter les traditions locales et, sans vouloir tout révolutionner, discrètement, trouver le moyen de prendre une place avec sa différence.
Vous me connaissez, le mot discrètement est celui qui me convient le mieux. Même si aujourd’hui je dois cuisiner quatre tartes, je suis bien content que ma tradition fasse partie de celles des « Joyeux retraités du Soleil. »
Le curling est aussi un outil d’intégration.