Valais Libre

28 Mai 2023

Carte postale 19

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Lévis, jeudi 18 mai 2023

Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

En ce jour de l’Ascension, je suis moins révolté que la semaine dernière. Pourtant, ce jeudi n’est pas férié au Québec. À part Pâques et Noël, les fêtes religieuses ne sont pas synonymes de congé. La laïcisation de cette terre initialement catholique a été brutale dans les années soixante.

Il y aura bien la Saint-Jean-Baptiste, le 24 juin, mais pas pour des raisons religieuses, parce que c’est la fête nationale du Québec. Reliquat du temps passé, comme la plupart des noms de village. Le Québec ne se veut plus religieux, mais les témoins du passé sont partout. Un autre paradoxe de la société québécoise qui, à mon avis, se cherche toujours une identité.

Lundi prochain, dernier, pour vous, bref : le 22 mai est la fête de la Reine (Victoria Day en anglais). Jour férié en l’honneur de la reine Victoria et aussi jour de la fête officielle de l’anniversaire du monarque. Il perd non seulement son nom, mais aussi sa date de naissance.

Au Québec, ce jour est aussi férié, mais c’est la Journée nationale des patriotes. On commémore le souvenir de la rébellion des patriotes de 1837/1838. Un peu difficile dans ma province de fêter un monarque qu’on ne veut pas et qui nous a été imposé. Mais de là à perdre un jour férié, tout de même, il ne faut pas exagérer!

Cette journée du 22 mai ouvre officiellement la saison estivale, enfin la saison où on met le nez dehors plutôt. C’est l’ouverture des campings, des activités muséales estivales, des lieux de villégiature. Bref, la belle saison commence. Cette année, je suis presque prêt avec l’ouverture de ma piscine. 

Comme beaucoup de Québécois, nous avons une piscine hors terre dans la cour arrière et maintenant qu’elle a dégelé, il s’agit de la préparer pour la longue saison chaude… non, ne riez pas, depuis que le chauffe-eau est installé, nous nous baignons, en moyenne du 25 mai au 25 septembre. Je vous dirai la semaine prochaine, si le calendrier a été tenu cette année.

Amicalement,

Pierrot

26 Mai 2023

L’Alberta brûle… un peu par sa faute

Filed under: 1. Lettre québécoise — vslibre @ 6 h 35 min
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Les feux de forêt dévastent la province de l’Alberta depuis quelques semaines. Même si le phénomène est normal, l’ampleur des incendies de ce printemps est exceptionnelle. Tout le monde plaint la région et lui envoie des renforts pompiers ou matériels. Bizarrement, aucune voix ne fait entendre pour dire que c’est un peu « l’arroseur arrosé »!

Je vous l’accorde, la blague est douteuse. Je compatis avec les 16 000 personnes déplacées et surtout avec la trentaine de communautés autochtones menacées par cette catastrophe pas totalement naturelle. Oui, les feux de forêt sont une chose normale au Canada. La sècheresse printanière combinée aux éclairs des orages provoquent depuis des temps immémoriaux ce renouvellement naturel de la forêt.

Politique et environnement

« Le ministre des Forêts, des Parcs et du Tourisme, Todd Loewen, reconnaît que le changement climatique a changé la donne en Alberta. » En voilà une surprise! Si même le gouvernement de la très conservatrice province canadienne admet que tout ce qui se passe n’est pas totalement naturel. Bon, il n’ira pas jusqu’à dire que le réchauffement climatique est provoqué par les activités humaines.

Il ne faut pas exagérer quand même. Les élections provinciales prévues quelques jours avant que vous ayez la chance de lire cette chronique ne permettent pas de trop se laisser aller. Les électeurs conservateurs ne veulent rien savoir de l’environnement, des gaz à effet de serre ou d’une quelconque taxe carbone. La seule chose importante, c’est de nouveaux débouchés pour le pétrole de la province.

Le pétrole, source de revenus

« Ce fut une autre année record. Nous avons produit le plus de pétrole de l’histoire de l’Alberta, environ 3,73 millions de barils par jour. Cela dépasse l’année dernière, avec environ 3,61 millions de barils par jour, ce qui était déjà aussi un record », explique le chef économiste principal adjoint pour la banque albertaine ATB, Rob Roach.

Ainsi 2023 a vu la province produire le double de pétrole qu’en 2010. Cette extraction est la vache à lait de la province. Elle permet aux Albertains d’être les moins taxés au Canada. En effet, contrairement aux autres provinces canadiennes, l’Alberta n’a pas de taxes à la consommation (TVA en Suisse). Difficile pour cette province d’attaquer les compagnies pétrolières.

Le roi du pétrole… sale

Si l’Alberta est la principale province productrice de pétrole au Canada, ce pétrole n’a rien à voir avec le pétrole extrait plus au sud de la planète. Il provient essentiellement des sables bitumineux. Ceux-ci font du Canada, le quatrième plus gros producteur de pétrole au monde derrière les États-Unis, la Russie et l’Arabie Saoudite.

« Les sables bitumineux canadiens forment le plus vaste gisement de pétrole brut sur la planète. Les sables bitumineux sont composés de sable, d’eau, d’argile et d’un type de pétrole appelé bitume. Grâce à l’innovation technologique, nous pouvons extraire le pétrole des sables bitumineux et assurer ainsi notre sécurité énergétique pour l’avenir. »

Voilà pour la description idyllique tirée du site de l’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP). Malheureusement, l’association ne dit pas que l’extraction de ce type de pétrole est la plus polluante au monde. Un rapport de l’Institut de recherche ARC Energy, de Calgary précise que sur 75 sources de pétrole dans le monde, celui extrait des sables bitumineux albertains arrive en troisième position des plus polluants, derrière le pétrole indonésien et le pétrole lourd de la Californie. 

L’arroseur arrosé

J’en viens donc à ma blague douteuse du départ. L’Alberta est bien l’arroseur arrosé. Sa production massive de pétrole « sale » puisqu’un des plus polluants de la planète contribue grandement à l’augmentation des gaz à effet de serre qui eux-mêmes sont responsable d’une partie du réchauffement climatique qui, lui, provoque l’augmentation du nombre et de l’intensité des feux de forêt… aussi en Alberta.

Pour une fois qu’on peut relier géographiquement la cause et sa conséquence, il me semble qu’on devrait s’interroger. Passé le rire initial du gag de l’arroseur arrosé, on peut s’interroger sur comment éviter que cela se reproduise. Certes, pour le pétrole c’est un peu plus complexe que dans le film de Louis Lumière (1895). On ne peut pas simplement fermer le robinet.

La transition énergétique est nécessaire, mais elle doit être réfléchie et surtout financée. Bientôt un siècle sans taxe sur la consommation et des impôts très bas aurait dû donner à la province une situation financière à même d’être proactive au niveau des innovations. Il n’en est rien, elle fut simplement un oreiller de paresse.

21 Mai 2023

Carte postale 18

Filed under: écrits d'ailleurs — vslibre @ 8 h 11 min
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Lévis, jeudi 11 mai 2023

Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

Je vis une période de révolte. Tout m’énerve dans mon environnement. Certainement un effet secondaire des pollens printaniers. Puisque, oui, le printemps est arrivé au Québec. En quelques heures, les températures négatives ont grimpé jusqu’à plus de 20 degrés. Les fleurs poussent plus vite que les promesses oubliées. C’est tout dire.

Je suis révolté parce que comme à chaque problème mis en avant par les médias, le gouvernement répond par une réforme globale du système. Aujourd’hui c’est l’éducation, hier c’était la santé et demain ce sera sûrement les transports. Tous les politiciens le savent, même s’ils ne l’avouent pas facilement, le meilleur moyen de ne rien faire, c’est de vouloir tout changer!

Un autre fait me révolte : pourquoi lorsqu’un politicien meurt âgé, c’est forcément un héros. La longévité absout. Je pense plutôt qu’elle oublie. Dernièrement Marc Lalonde est mort au Québec à 93 ans. Ce personnage ne vous dit rien et c’est normal. Lieutenant politique selon Le Devoir, éminence grise de Pierre Eliott Trudeau, le père de qui vous savez, Marc Lalonde a été encensé.

La Presse lui a consacré des articles dithyrambiques, des pages élogieuses. Pas un mot sur la trahison de son peuple. C’est ce Marc qui en 1970 a envoyé les chars sur Montréal! Le monde l’a oublié, mais le gouvernement canadien a misé sur l’armée pour calmer ses « nègre blanc ». Budapest et Prague quelques années avant et Pékin plus tard sont des exemples.

Mon avocat québécois préféré, j’ai coécrit son autobiographie, m’a expliqué comment Marc Lalonde a dicté la description d’« un état d’insurrection appréhendée » au Québec pour bien reprendre les mots de la loi. 53 ans plus tard, aucune excuse n’a été formulée. Je connais une femme, une enfant à l’époque qui a vu disparaître de longs jours ses parents, sans explication, sans nouvelle. Elle a dû rassurer et s’occuper de ses sœurs.

Ni son père ni sa mère, relâchés quelques jours pour le père, quelques semaines pour la mère, n’ont jamais été accusés de rien. Juste enlever pour le plaisir de dirigeants sadique. Au moins, le Journal de Québec a eu la décence de passer sous silence la mort de ce… personnage… même révolté, les morts méritent au moins la politesse.

Amicalement,

Pierrot

19 Mai 2023

Sujet de Sa Majesté Charles Trois

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Je vous l’accorde, c’est moins pompeux qu’au service de Sa Majesté comme l’autre agent secret qui parle aux femmes d’une manière qui lui vaudrait la prison ici. Mais ça en jette quand même. Je n’ose plus l’appeler grande oreille maintenant que je lui dois allégeance. Maintenant couronné, il est là pour durer. God Save de King!

« Charles Trois, par la grâce de Dieu, roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et de ses autres royaumes et territoires, chef du Commonwealth, défenseur de la foi », tel est son titre exact, je vous en prie.

Roi d’Antigua-et-Barbuda, d’Australie, des Bahamas, du Belize, du Canada, de Grenade, de la Jamaïque, de Nouvelle-Zélande, de Papouasie-Nouvelle-Guinée, du Royaume-Uni, de Saint-Christophe-et-Niévès, de Sainte-Lucie, de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, des îles Salomon, de Tuvalu. Voilà pour la liste de ses quinze couronnes. Nous sommes donc un peu plus de 140 millions de sujets de Sa Majesté le roi.

Leurs Majestés les rois Charles!

Sa Majesté le roi Charles Trois est donc le nom avec lequel il est annoncé pour faire plus simple. Charles Trois, cela veut donc dire qu’il y en a eu deux autres avant lui. Charles Premier (1600 – 1649) est le fils de Jacques Premier d’Angleterre ou de Jacques Sept d’Écosse, il avait la particularité de changer de nom quand il changeait de royaume qu’il avait enfin réuni. 

Charles Premier règnera de 1625, la mort de son père à 1649, sa décapitation. Parce que oui, un siècle et demi avant les Français, les Anglais ont coupé la tête de leur roi. Sans faire ni la révolution ni trop de bruit. Charles Deux, le fils du décapité, doit fuir. Il sera rappelé par le parlement en 1660 et règnera jusqu’à sa mort en 1685.

Puis, plus de Charles durant 437 ans. Il faut dire qu’avec une tête en moins, ça fait peu envie. À quoi a pensé Elizabeth en nommant ainsi son fils? En tout cas, heureusement que la décapitation n’est plus à la mode sinon il n’y aurait pas eu de Charles Trois. Tromper Diana avec Camilla vaut au moins ce châtiment!

Quinze royaumes, vraiment?

Quinze fois rois au XXIe siècle, est-ce bien raisonnable? Poser la question donne évidemment la réponse. Les Anglais n’en voulaient plus en 1649, ils ont eu Cromwell, ils veulent donc toujours un roi. Je peux les comprendre. Mais les quatorze autres royaumes, tout de même!

Si j’étais les États-Unis et que je devais choisir entre réélire Trump ou être tranquille avec une dynastie royale, je mettrai tout de suite Harry sur le trône, mais je m’égare. Quand on porte le doux nom de Saint-Vincent-et-les Grenadines, n’a-t-on vraiment rien d’autre que Charles Trois? Offrez-moi le voyage dans les Caraïbes et je vous trouve une reine qui présente mieux.

Le pire, c’est que le « plus meilleur pays du monde », comme le dit si bien Justin, fait justement partie de ces royaumes du Commonwealth. Donc, je vis sous la tutelle d’un monarque étranger. Quelle fierté faut-il avoir pour donner la plus haute charge politique par népotisme consanguin à un étranger ? Quand je pense que des compatriotes se sont levés à cinq heures du matin pour ne pas rater une miette du couronnement.

Comment en est-on arrivé là?

Que des descendants de royalistes anglais défaits dans les treize colonies des Amériques et venus se réfugier un peu plus au nord se sentent redevables à cette couronne un peu prétentieuse, je peux le comprendre. Mais que dire de ces peuples multiculturels déracinés un peu partout à travers le monde qui accepte ce bon roi Charles!

Ils peuvent au moins revendiquer la nostalgie d’un despote fui. Quant à nous pauvres « nègre blanc » d’Amérique comme nous a si bien baptisé un auteur d’ici, comment pouvons-vous accepter, 264 ans après la défaite des Plaines d’Abraham et 260 ans après avoir été abandonné lors du traité de Paris, de porter toujours allégeance au bourreau de notre peuple?

Je n’ai pas de réponse à cette question. Plus d’une décennie après mon arrivée dans ce royaume, je ne comprends toujours pas cette soumission. L’immense majorité me dira qu’ils n’en ont rien à f… Même si je leur parle de leurs impôts qui servent à entretenir quelques représentants royaux, quelques bijoux résiduels de la couronne, ils ne veulent rien savoir.

Alors, avec eux, je vis avec cette royauté d’un autre temps qui ne me dérange qu’épisodiquement lorsqu’elle fait parler d’elle. Puisque Justin nous a dit que « Charles III s’aligne sur les grandes priorités des Canadiens », nous sommes rassurés. La protection de l’environnement tout en exploitant les sables bitumineux, la sauvegarde des peuples autochtones en reconnaissant les horreurs du passé, mais en gardant l’inique loi sur les Indiens!

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

14 Mai 2023

Carte postale 17

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Lévis, mercredi 3 mai 2023

Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

Il pleut, il a plu, il pleuvra… Ce printemps québécois se dessine sous le signe de l’eau. Une publicité d’un supermarché qui inonde nos écrans ces jours évoque le printemps au Québec. Une petite fille nous parle du printemps qui se prend pour l’été, pour la pluie, du printemps qui fait frette, du printemps des fleurs … Cette année, il se prend pour la pluie frette.

Pas de quoi remonter le moral après une fin d’hiver qui n’en finissait plus de finir. Et pour ne rien arranger, le printemps de la pluie veut aussi dire le printemps des inondations. Ceux qui me lisent depuis quelques années savent qu’au moment de la débâcle printanière, les risques sont grands. Cette semaine, ils ont été tragiques.

La bucolique municipalité de Baie-Saint-Paul, paradis des artistes peintres, a été victime de la furie des eaux au sortir de la dernière fin de semaine. Routes défoncées, maisons inondées, camping emporté avec des roulottes écrasées sous les ponts, rien n’a été épargné à la petite ville du bord du Saint-Laurent. Mais le pire s’est joué un peu plus haut dans la vallée.

Deux pompiers volontaires du petit village de Saint-Urbain (1300 habitants) ont été emportés par les eaux tumultueuses de la rivière du Gouffre. Ils n’ont toujours pas été retrouvés, enfin leurs corps, au moment où je vous écris. Ils tentaient de venir en aide à un couple pris dans leur maison entourée par les eaux. Ce couple a vu le véhicule amphibie de leurs sauveurs être englouti par la rivière.

Ce drame relativise les dégâts matériels, les autres municipalités moindrement touchées respirent. Elles ne sont pas endeuillées. Ces événements tragiques n’arrangent en rien ce printemps trop humide. Alors que d’Europe nous arrivent des échos de sècheresse. Notre monde est vraiment déséquilibré.

Amicalement,

Pierrot

12 Mai 2023

À qui appartient l’école?

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Pour tenter de faire oublier la reculade sur le troisième lien dont je vous ai abondamment parlé, le parti au pouvoir au Québec se lance dans de nouveaux projets. Après la mégaréforme de la Santé, voici qu’un projet de loi sur l’éducation va « faire vaciller les colonnes du temple. »

Un projet de loi sur la gouvernance scolaire donnant plus de pouvoirs au ministre de l’Éducation à l’égard des centres de services scolaires et créant un institut national d’excellence en éducation a été présenté à l’Assemblée nationale. Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, député de Lévis et donc particulièrement mis sur la sellette avec le troisième lien, trouve ainsi une diversion rafraîchissante.

Le paquebot de l’école québécoise

Au temps lointain et béni où je sévissais dans l’école valaisanne, je trouvais que les réformes étaient difficiles à implanter. Le changement ne faisant pas facilement partie du vocabulaire de ce milieu. Alors, imaginez pour l’école québécoise. Pour la même population, en Suisse on a vingt-six ministères de l’Éducation. Un seul au Québec. S’il est difficile de changer le cap de la barque valaisanne, comment faire pour le paquebot québécois ?

Dans mon parcours de formation tardive, j’ai suivi un cours sur la comparaison des systèmes scolaires. France, Suède et Suisse étaient analysées du point de vue de l’organisation de l’école. Un chapitre portait sur la centralisation et l’autonomie des établissements scolaires. Bizarrement, la Suède qui peut se comparer au Québec comme étant moyennement centralisée au vu de la taille du pays, était l’endroit où la centralisation était susceptible de faire le plus de dégâts.

En Suisse, avec la petitesse des systèmes, difficile de parler de centralisation, mais les établissements étaient directement sous l’influence du ministère. En France hypercentralisée, la distance entre les établissements et le ministère faisait que la liberté des établissements pouvait être grande à qui savait la prendre. Finalement les systèmes qui gouvernaient entre six et douze millions, comme la Suède ou le Québec, étaient les pires ou les meilleurs paquebots à gouverner du point de vue de la centralisation.

Honnies soient les commissions scolaires

Le meilleur quand le système prôné est efficace et qu’il fait consensus. C’était le cas de la Suède dans les années où j’ai étudié ce système. Le pire quand, comme aujourd’hui au Québec, le consensus n’est plus là et surtout l’efficacité est largement remise en cause. Comme pour la santé changer de direction est une mission quasi impossible.

La Coalition avenir Québec (CAQ), avant d’arriver au pouvoir, militait pour une révolution majeure dans l’organisation scolaire. En tout premier, elle voulait supprimer les commissions scolaires. Coupables de tous les maux, les commissions scolaires ne sont pas communales (municipales pour parler québécois) comme en Valais, mais englobent des régions bien plus vastes. Ce sont elles qui gèrent l’école au jour le jour.

La CAQ n’a pas pu les supprimer simplement comme elle le prévoyait, les anglophones ont soulevé un veto impossible à outrepasser, mais ce n’est pas le sujet ici. Des démocratiques commissions scolaires avec leurs commissaires élus, on est passé aux centres de services dépendant directement du ministère. Les CS sont devenus des CSS et les élections scolaires ont disparu du paysage francophone. Une révolution dans un verre d’eau, mais une promesse électorale tenue : adieu les commissions scolaires.

Place à la vraie réforme

Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville vient de déposer un projet de loi qui vise à modifier la Loi sur l’instruction publique afin de lui accorder plus de pouvoir. Il pourra nommer les dirigeants des centres scolaires et annuler leurs décisions si elles ne respectent pas les objectifs de la loi. Super Éducateur est arrivé à point nommé pour faire oublier Super GES 3e lien! Les Québécois comprendront, les autres aussi en relisant mes dernières chroniques.

Les colonnes du temple vacillent! Heureusement, l’administration scolaire est assez grande pour se défendre. La loi de Parkinson : « Le travail s’étend de manière à remplir le temps disponible pour son achèvement », « un bureaucrate entend multiplier ses subordonnés, pas ses rivaux », « les bureaucrates se créent mutuellement du travail »; lui permettra de résister.

Affronter de face une administration de plus de mille personnes est une cause perdue. Elle a suffisamment de ressource pour se protéger et se défendre. Rendre les responsables imputables de leurs décisions est parfait en théorie, mais la réalité est bien plus complexe. 

Le seul espoir est que l’école est au cœur de l’avenir d’une société. Elle n’appartient ni au ministre ni au gouvernement ni à l’administration, ni aux enseignants, ni aux parents. Elle dépend de tous. La réussite dépendra uniquement de la réponse à une question : quels sont les besoins des élèves, des étudiants, des jeunes pour qu’ils soient prêts à affronter les défis de l’avenir ?

7 Mai 2023

Carte postale 16

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Lévis, samedi 29 avril 2023

Chères Lectrices, Chers Lecteurs,

Un peu en retard cette semaine pour vous écrire, mais encore dans les délais. Un peu comme tout ce que je fais ces derniers temps. La fin de la saison de curling me demande un peu plus de temps pour régler différentes affaires que je gère bénévolement. J’adore ça. Je ne vais donc pas m’en plaindre.

Non, je vais vous parler plutôt d’un scandale qui dégoûte le Québec actuellement. Une enseignante a crié sur ses élèves. Un enregistrement le prouve. Et c’est odieux! Unanimement condamnée, sa déchéance a même coûté son poste à sa direction qui n’a rien fait alors que les parents se plaignaient depuis deux mois.

J’ai écouté cet enregistrement insoutenable. J’ai souri. J’ai même ri. Je sais, je suis un être cruel. En tout cas, je ne suis pas encore un vrai Québécois. Je ne suis pas indigné par ce que j’ai entendu. Certes, elle criait fort. D’abord sur un élève, puis sur un groupe, voire même sur toute la classe. « Toi écrase! Arrête! Et toi aussi ! J’en peux plus! … » Même pas un petit « criss », un petit « câlice », aucune injure.

J’ai ri, parce que durant vingt ans, mes près de 400 élèves m’ont entendu crier bien plus fort. Et je l’avoue maintenant, je pense qu’il y a prescription, parfois des paroles inavouables. Mais elles vont rester entre mes élèves et moi. J’ai toujours aimé avoir une certaine complicité. Les normes éducatives ont changé. J’ai cessé l’enseignement, il y a 17 ans maintenant et le Valais et le Québec étaient déjà très loin à l’époque.

Je suis complètement d’accord avec l’éducation bienveillante. Sur le principe en tout cas. Dénigrer un élève est impardonnable. L’enseignant, l’adulte est là pour l’aider, lui apprendre et même l’éduquer. Eh oui, on oublie souvent, mais l’éducation n’est ni naturelle ni innée. Tout ça peut se faire en douceur. Mais il ne faut pas oublier de mettre des limites.

Elles doivent exister pour le bien de l’enfant. Il est comme un aveugle dans une nouvelle pièce, tant qu’il n’en a pas fait le tour pour apprivoiser l’espace à disposition, il ne se sentira jamais en sécurité. Cette image d’un éducateur rencontré sur mon chemin m’est restée. Je trouve qu’elle illustre bien la situation.

Amicalement,

Pierrot

5 Mai 2023

Les liaisons Québec – Lévis, une histoire d’amour et de haine

Dans ma chronique de la semaine passée, je vous parlais de la promesse électorale non tenue par le premier ministre du Québec : il n’y aura pas de tunnel autoroutier entre les villes de Québec et de Lévis. L’occasion est parfaite pour vous partager une petite histoire des transports régionaux.

Québec, « là où le fleuve se rétrécit », la signification du mot en algonquin, est née à son emplacement parce que depuis la nuit des temps elle est un lien de passage. L’étroitesse du fleuve entre la basse ville et le quartier de la Traverse à Lévis est la raison d’être des deux cités. Ce passage a fait du coin un lieu privilégié pour le commerce.

Un fleuve qui relie

Avant l’arrivée des Européens qui se sont installés en permanence depuis 1608, Québec était un comptoir d’échanges pour les différentes tribus des premières nations. Carrefour commercial pour les Algonquins, les Cris et les Micmacs, la situation a paru idéale pour les Français. Champlain a choisi l’endroit pour démarrer la Nouvelle-France.

En canot d’écorces légères durant la bonne saison, creusé dans un tronc solide l’hiver, la traversée se faisait à la force des bras. Elles étaient plutôt rares jusqu’au début du 19e siècle. L’apparition en 1818 du premier traversier à vapeur allait tout changer. Adieu canots et canotiers, les bateaux à roues à vapeur ou à traction animale vont proliférer et permettre une traversée régulière en une dizaine de minutes.

L’arrivée du train à Lévis en 1854 va encore accélérer les choses et dès 1863, les villes de Québec et Lévis décident de régulariser les choses en accordant un monopole pour l’exploitation de la ligne. Dès lors des horaires réguliers apparaissent. En 1971, la Société des traversiers Québec-Lévis est créée. L’exploitation de la traversée est ainsi nationalisée.

Un, puis deux, les ponts changent tout

Le pont de Québec en service depuis 1917 va tout changer et faire perdre de l’importance à la traverse fluviale. Dès la planification, l’endroit choisi ne fait pas l’unanimité. En 1897, le journal The Quebec Chronicle-Telegraph plaide pour un pont piétonnier, routier et ferroviaire plus près du centre-ville de chaque rive. Déjà, des raisons financières vont faire choisir l’endroit le plus étroit et une vocation seulement ferroviaire.

Dès 1923, des travaux vont transformer la voie réservée au tramway en route pour les automobiles. Elles pourront circuler sur le pont de Québec dès 1929. Même procédure entre 1948 et 1952 où une voie ferrée est démantelée pour élargir la route et permettre le passage des véhicules lourds. Dès les années 1960, le trafic devient trop important et il faut envisager un deuxième lien.

Encore une fois, les raisons financières auront raison d’un projet de pont partant du coin de la citadelle de Québec, tout comme d’un projet de tunnel dans le secteur de la Traverse. Ainsi, le 6 novembre 1970, celui qui devait se nommer le pont Frontenac sera baptisé par le premier ministre Robert Bourassa pont Pierre-Laporte en hommage du ministre du Travail et de l’immigration assassiné un mois auparavant.

À l’heure des autoroutes

Les premières autoroutes du Québec naissent à la fin du règne de Maurice Duplessis en 1959. Jusque dans les années 1970 et l’ouverture du pont Laporte, le réseau se développe d’abord dans la région de Montréal. L’ouverture du deuxième lien en Québec et Lévis va tout changer. 

Au sortir du pont Pierre-Laporte, l’autoroute 20 va occuper la rive sud pour rejoindre Montréal à l’ouest et Rimouski à l’Est.  Du côté nord, Henri IV qui existe depuis 1957, devient une autoroute et rejoint l’autoroute 40 du côté de Montréal, puis celle de la Capitale (autoroute Félix-Leclerc) pour filer en direction est. Cette dernière sera terminée en 1977. 

Ainsi la ville de Québec sera ceinte de trois côtés par des autoroutes. Il manquera un dernier lien pour avoir comme toutes les grandes agglomérations un périphérique. Différents projets passant par l’île d’Orléans avec des ponts, un tunnel, ou un enchaînement pont, tunnel seront étudiés, mais aucun n’ira de l’avant pour rejoindre les rives nord et sud à l’est des villes de Québec et Lévis.

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