Comment trouver du travail ?
Un gâteau d’anniversaire de circonstance
La semaine dernière, je vous parlais de curling et je mentionnais que ce fut un des éléments clés de mon intégration au Québec. L’actualité de cet hiver qui oscille entre douceurs inhabituelles et belles bordées de neige me laisse le loisir d’approfondir un peu la question d’intégration et plus particulièrement d’intégration professionnelle. J’en avais souvent parlé dans mon passé politique, maintenant que je l’ai vécu, je dois revoir mes certitudes.
« Ça va, tu n’es pas un de ces maudits Français ! » La première phrase que j’ai entendue dans la salle qui jouxte les pistes de curling de ce qui est devenu mon club restera à jamais gravée dans ma mémoire. Même si je suis convaincu que si j’avais été Français la réaction aurait été tout autre, elle reste emblématique du poids de la première impression.
Je n’étais pas arrivé depuis plus d’une semaine lorsque j’ai pris le bus de Saint-Jean-Chrysostome à Saint-Romuald (un trajet de 15 minutes). Je voulais aller voir de quoi avait l’air le club de curling Etchemin. Arrive devant la bâtisse, de la lumière filtrait à travers la porte et m’indiquait qu’il y avait quelqu’un. Oserai-je pousser la porte ?
À ce moment-là, j’ai pensé très fort aux quelques élèves qui étaient arrivés en cours d’année dans ma classe lors de ma précédente vie d’instituteur. Je me sentais dans leur peau et je regrettais de ne pas les avoir plus épaulés. Il faut du courage pour s’ouvrir à un monde nouveau.
J’ai franchi cette porte. Trois personnes parlaient entre elles au bar. Après m’avoir gratifié de leur phrase d’accueil et comme je m’étais annoncé comme étant un journaliste suisse venu s’établir dans leur coin, ils m’ont proposé d’intégrer la ligue des retraités du Soleil. Des anciens d’un des principaux journaux de la région de Québec se retrouvaient tous les vendredis matins.
Après quelques remplacements, je suis devenu un membre régulier de cette ligue. L’intégration demande plus que cette première démarche. Pour devenir le membre reconnu que je suis aujourd’hui après cinq ans, j’ai dû être actif et imaginatif. J’ai profité de mon anniversaire pour présenter une coutume helvétique. Je leur ai fait le « Flon de Savièse ».
Au Québec, le jubilaire n’organise rien pour sa fête, son entourage lui prépare une surprise. J’ai profité de cette occasion pour me présenter et ajouter quelques mots sur les différences entre la Suisse et le Québec. Après mon discours et la dégustation de la tarte, un monsieur est venu vers moi pour me parler.
Il trouvait que je parlais bien, donc je devais savoir écrire. Son fils était le responsable des cahiers spéciaux au Soleil et cherchait quelqu’un pour compléter son équipe de pigiste. Il m’a donné son numéro de téléphone et demandé de dire que j’appelais sur sa recommandation. Aujourd’hui, je suis toujours pigiste aux cahiers spéciaux. Je rédige régulièrement des reportages publicitaires. C’est devenu ma principale activité.
Il y a une année, une affichette dans les vestiaires du club de curling invitait les intéressés par le travail de barman à s’annoncer au responsable. Depuis, je travaille entre trois et six jours par semaine derrière le bar. Autant vous dire que « Le Suisse » est devenu une figure connue du club de curling. Je pense que je peux nommer par leur nom presque la moitié des 400 membres.
Une porte franchie avec hésitation, du travail pour apprivoiser les coutumes locales, des actions pour se faire connaître en jouant avec humour et humilité et un monde nouveau peut s’ouvrir. Attention, rien n’est jamais définitif : si je joue mal, je redeviens le Français !
Mon bar !