Joseph (-Marie) Abbet (1814-1853)
Homme de progrès dévoué à la cause publique ; son dévouement patriotique au sein du Comité de Martigny et de la Jeune Suisse contribue à l’affranchissement du Valais ; un engagement sanctionné par le gouvernement réactionnaire de 1844 ; Joseph Abbet, contraint à l’exil par un tribunal d’exception ; en décembre 1847, il rentre en Valais avec les radicaux exilés pour rétablir la concorde.
Le 3 juin 1814 – le Valais traverse une période de troubles : l’évêque et les dizains du Haut-Valais réclament leurs anciens privilèges – à Fully, Joseph-Emmanuel Abbet et son épouse Jeanne-Marguerite, annoncent la naissance de leur fils Joseph.
Un combat pour la justice et la liberté
À l’issue de ses études à l’École de Droit à Sion, Joseph Abbet s’engage dans la vie active. Ardent adversaire de la peine de mort, en 1842, la défense de trois condamnés1 à la peine capitale lui offre l’opportunité d’affirmer son aversion pour ce genre de peine ; dans son réquisitoire, l’avocat Abbet souligne combien une telle peine, « sœur aînée de la torture », est contraire aux droits de l’homme et espère qu’un jour elle tombera. Malgré son réquisitoire, les trois [derniers] condamnés périront sous le glaive2.
Dans ces années-là, le Valais se trouve en pleine régénération politique. Les idées de progrès et de justice, notamment l’égalité des droits entre le Haut et le Bas-Valais, l’amènent tout naturellement à adhérer au mouvement de la Jeune Suisse ; il en assure, après Adrien-Félix Pottier et Alexandre de Torrenté, la présidence de 1843 jusqu’à son abolition par le gouvernement réactionnaire de 1844. Lors de son discours au Tir cantonal – symbole de rassemblement des radicaux – du 16 août 1843, Abbet déclare que la Jeune Suisse lutte contre les « privilèges pour réaliser sa devise » : Liberté, une faculté laissée à l’homme d’agir pour le bien – Egalité, ou la répartition équitable des charges – Humanité, ou des cœurs sensibles et des mains secourables pour le malheureux3.
Lorsqu’en avril 1844, les ennemis du progrès, au prétexte de protéger la religion contre une agression de la Jeune Suisse, prennent les armes, Joseph Abbet, en sa qualité de secrétaire du Comité de Martigny, signe le 25 avril, au côté de Maurice Barman, une proclamation à ses compatriotes pour les inciter à repousser toute attaque contre l’indépendance et les droits du peuple ; quelques jours plus tard, le 12 mai il est encore l’un des signataires d’une proclamation afin de recommander aux citoyens « de se tenir en garde contre le piège qui leur est tendu par les ennemis du progrès »4.
J. Abbet, est l’un des députés qui refusent de siéger à la session ordinaire du Grand Conseil de mai 1844 « sous l’empire des baïonnettes et des mesures d’exception qui y sont à l’ordre du jour »5. Autant d’engagements en faveur de la liberté ne peuvent que lui attirer, ainsi qu’à ses amis radicaux, les persécutions des réactionnaires.
Injuste condamnation et exil
Après l’odieux guet-apens du Trient du 21 mai 1844 et l’invasion du Bas-Valais par les troupes réactionnaires, la répression se poursuit. Le gouvernement réactionnaire décrète6 une prise de corps contre onze Bas-Valaisans fugitifs – Joseph Abbet en fait partie. Puis, le 17 décembre, un tribunal d’exception condamne Joseph Abbet, à la privation de ses droits politiques à vie, à quinze ans de détention, au paiement des frais de guerre ainsi qu’aux frais de sa procédure7. Dans son édition du 21 décembre 1844 le Courrier du Valais nous apprend, que M. l’avocat Emmanuel Joris agit en qualité de mandataire général de M. l’avocat Joseph Abbet, absent du canton8. En exil à Bex, la vie n’est pas facile, néanmoins, il existe quelque moment d’espérance comme lors de la naissance9 de son fils Jules-Maurice ; d’éminents parrain et marraine – Maurice Barman et Louise Filliez, l’épouse de Maurice-Eugène – portent le nouveau-né – futur évêque du diocèse de Sion10 – sur les fonds baptismaux.
Le retour triomphal en Valais
Vers la fin novembre 1847. les troupes du Sonderbund capitulent devant l’armée fédérale du général Dufour et après des années d’une injuste proscription, Abbet et ses amis radicaux rentrent enfin dans leur pays. Le 30 novembre, Joseph Abbet est l’un des signataires11 de la proclamation des exilés valaisans pour appeler les citoyens à la reconstitution du pays et les inviter à l’assemblée populaire du jeudi 2 décembre, afin de nommer un gouvernement provisoire et prendre les décisions que nécessitent les grandes circonstances où se trouve la patrie12.
En décembre 1847, Abbet retrouve son siège de député au Grand Conseil ; en 1848, il y assume la fonction de secrétaire.
Pour son aide désintéressée à de nombreux citoyens persécutés lors des événements politiques de mai 1844, la postérité retiendra son surnom de « l’avocat de la Jeune Suisse »13. Attentif à toute dérive cléricale et attaché au respect de la vérité, Abbet ne tolère pas les allégations mensongères proférées, ainsi lors d’un prêche à la cathédrale de Sion, par l’abbé Combalot à l’égard de la Jeune Suisse, il le met en demeure de prouver ses accusations devant un tribunal, mais ce pieux missionnaire, préfère s’enfuir14 !
En 1853, alors que les plaies du passé tendent à se cicatriser avec l’élection d’un gouvernement modéré, un malheur vient frapper la famille libérale-radicale : Joseph Abbet n’a que trente-huit ans lorsqu’une phtisie pulmonaire l’emporte un matin de février 185315, interrompant une carrière promise à un bel avenir et laissant ses proches dans l’affliction.
robertgiroud
2 L’Écho des Alpes no 9 et 18, des dimanche 30 janvier et jeudi 3 mars 1842.
voir aussi : http://www.montana.ch/data/download/Objets/Id_68_LesDerniersCondamn%C3%A9sAMort.pdf