Valais Libre

12 février 2021

Dodo, tout simplement merci !

Dans la mythologie grecque, Prométhée vola le feu aux Dieux pour le donner aux hommes. Pour se venger, Zeus ordonna à Vulcain de créer une femme faite de terre et d’eau. Elle reçut des Dieux de nombreux dons : beauté, flatterie, amabilité, adresse, grâce, intelligence, mais aussi l’art de la tromperie et de la séduction. Ils lui donnèrent le nom de Pandore, qui en grec signifie « doté de tous les dons ». Elle fut ensuite envoyée chez Prométhée. Épiméthée, le frère de celui-ci, se laissa séduire et finit par l’épouser. Le jour de leur mariage, on remit à Pandore une jarre dans laquelle se trouvaient tous les maux de l’humanité. On lui interdit de l’ouvrir. Par curiosité, elle ne respecta pas la condition et tous les maux s’évadèrent pour se répandre sur la Terre. Seule l’espérance resta au fond du récipient, ne permettant donc même pas aux hommes de supporter les malheurs qui s’abattaient sur eux. C’est à partir de ce mythe qu’est née l’expression « boîte de Pandore », qui symbolise la cause d’une catastrophe.

Affiche du PRDVS de la campagne pour les élections fédérales 1991 – Source : Archives du Confédéré

La « boîte de Pandore »

Je ne peux m’empêcher de vous offrir l’histoire complète, parce que mon premier souvenir d’Adolphe Ribordy c’est cette « boîte de Pandore ». C’était à l’automne 1991, caissier des jeunesses radicales valaisannes, les JRV, comme on disait à l’époque, je suivais assidûment la campagne aux élections fédérales. Pour la première fois, une liste des jeunesses radicales était apparentée à la liste des « grands ».

Dans la Renault 5 de ma petite sœur Sonia, pavoisées d’affiches de la JRV, nous sillonnions alors tous le Valais romand. Les soirées se succédaient et monsieur Ribordy, qui n’allait pas tarder à devenir Dodo, était candidat au Conseil des États. Je n’ai plus en mémoire les thèmes développés durant cette campagne, mais « la boîte de Pandore » survenait chaque soir. Après les parties officielles, le secrétaire candidat nous parlait longuement de ce mythe et de bien d’autres choses.

Monsieur le Secrétaire

Mon apprentissage politique, comme celui de beaucoup de membres des JRV s’est fait lors de ces moments privilégiés. J’ai découvert alors pourquoi mon père admirait tant les auteurs du Printemps du Valais. Je n’ai pas tardé à croiser à nouveau la route d’Adolphe Ribordy. Deux ans plus tard, tout jeune député-suppléant, j’ai côtoyé monsieur le Secrétaire du groupe PRDVS au Grand conseil.

Dès l’année suivante, j’ai eu la chance de vivre les séances du comité du Parti radical valaisan (PRDVS) en tant que président des jeunesses radicales. Dodo y était une référence. Il faut dire que les débats atteignaient des niveaux très élevés, même s’ils étaient souvent vifs. Pensez: la présidente Cilette Cretton devait régulièrement arbitrer les joutes entre nos deux conseillers nationaux Bernard Comby et Pascal Couchepin, sans oublier le sel ajouté par notre conseiller d’État Serge Sierro. Dodo, discrètement, savait faire des synthèses consensuelles et rappeler les fondements de notre engagement.

Maître de stage

Je n’imaginais pas en quittant pour une première fois la politique en 2001 que je n’allais pas tarder à retrouver sur ma route professionnelle Adolphe Ribordy. En 2006, lorsque j’ai été engagé comme secrétaire du PRDVS, j’allais occuper un bureau au siège du Confédéré à la rue des Grands-Vergers à Martigny. Je pénétrais dans l’antre de Dodo. Avant même que je ne commence mon mi-temps au parti, il m’avait engagé pour l’autre mi-temps comme journaliste stagiaire.

Dodo a été mon maître de stage durant deux ans au Confédéré. Il m’a appris le métier de journaliste. J’ai des larmes plein les yeux en repensant à cette époque bénie. À 40 ans, je retrouvais les sensations de l’étudiant. Ma soif d’apprendre a été largement assouvie. Il m’a tout montré, tout appris. Je le vois encore me défendre face à Éliane Baillif, la directrice du Centre romand de formation des journalistes qui ne voulait pas que je passe les examens parce que politicien et journaliste ça ne se pouvait pas !

Le journaliste

Je suis journaliste aujourd’hui. Vous devinez donc qui a eu les meilleurs arguments. Car Dodo savait argumenter. Posément, calmement, avec des faits, avec des principes, en s’appuyant sur l’histoire, il déployait ses ailes et l’on s’inclinait. Il savait aussi écouter, se modérer. Je garde en mémoire une affaire d’affiche avec Oskar Freysinger où, en tant que rédacteur en chef, il a pleinement assumé ses responsabilités.

Adolphe Ribordy entouré de ses amis et collègues de la presse écrite le 3 octobre 2011 sur le stand du Confédéré de la Foire du Valais à l’occasion du colloque marquant les 150 ans du Confédéré – Source : Archives du Confédéré

Je suis admiratif. Tous ceux qui sont entrés dans le bureau de Dodo aux Grands-Vergers ont l’image d’une masse infinie de documents. « Aurais-tu des infos sur la BCV en 1997 ? » Je le vois encore se lever, faire le tour de la grande table qu’on ne devinait pas sous les papiers. Retenir une pile d’une main et sortir un dossier du milieu : « Voilà le rapport annuel ! »

Il avait la mémoire… et cette mémoire s’est pleinement épanouie durant les préparations du 150e anniversaire de son Confédéré. J’en étais alors le rédacteur en chef, mais il en était l’âme. J’y ai découvert aussi l’homme de culture. Avec Robert Giroud et d’autres, Dodo a su réussir l’impossible. Éditer trois livres pour perpétuer la mémoire du journal, c’est bien, mais réussir à surmonter toutes les barrières pour numériser tous les Confédérés depuis sa fondation en 1861 est absolument sensationnel.

Dodo était un pionnier. Il avait souvent une idée d’avance sur son temps. Il restera pour moi mon maître en formation politique et journalistique. Il restera surtout un grand privilège que j’ai eu dans ma vie : celui de côtoyer un homme de conviction, un homme de grande culture, un homme sur qui j’ai pu compter.

Dodo, tout simplement merci !

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